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Les cours extérieures des universités, plus que de simples jardins

Ayant souvent un lien avec l’histoire des établissements, ces quelques espaces d’exception valent le détour.

par BRENT WITTMEIER | 25 AOÛT 21

Espaces ouverts de rassemblement central généralement ceinturés par les principaux bâtiments d’un établissement, les cours extérieures font partie intégrante du caractère et de l’identité d’un campus et d’une université.

La plupart du temps en forme de rectangles, ces zones bien entretenues et habituellement situées au centre du campus sont le lieu de prédilection pour une foule d’activités. Les étudiants et les membres du personnel et du corps professoral peuvent s’y retrouver pour un pique-nique d’accueil, écouter un concert animé, participer à une manifestation, jouer au frisbee ou simplement se détendre entre deux cours ou réunions. Et comme les universités canadiennes reconnaissent de plus en plus l’histoire et les traités autochtones, ces espaces sont les témoins de nouvelles cérémonies et rituels.

Initialement inspirées des anciens monastères, les cours extérieures des universités se sont transformées en espaces utilitaires. À l’époque médiévale, les universités anglaises étaient des châteaux forts propices à un apprentissage méthodique. Les espaces ont finalement été adoptés en Amérique du Nord peu après le siècle des Lumières et ont proliféré partout dans le monde avec l’essor de la science moderne et l’avancement de l’éducation.

Voici quelques-uns de ces lieux d’exception, et un aperçu de ce qui s’y déroule.

Collège Trinity à l’Université de Toronto. Photo par Dora Dalberto/Unsplash

Université de Toronto

Inspiration d’Oxbridge et histoires de fantômes

Le campus St George’s de l’Université de Toronto est un ancien havre de paix situé au cœur de la plus grande métropole du Canada. Construits alors que le Canada n’était qu’une colonie britannique, les édifices massifs de pierre de l’Université sont d’imposantes structures qui ne laissent aucunement deviner les espaces paisibles dissimulés à proximité.

Au cœur du jardin du Collège Trinity, par exemple, se trouve un nœud médiéval élaboré sur le sol. À première vue, on le croirait au moins aussi vieux que les portraits royaux du temps de la Seconde Guerre mondiale, mais sa présence remonte à peine à plus d’une décennie.

Dans les années 1950, cette cour extérieure accueillait un grand festival d’été de Shakespeare et une école d’art dramatique. Depuis, la tradition a été ravivée et chaque automne, le club étudiant de la société d’art dramatique du Collège Trinity interprète des œuvres du Barde immortel.

Un autre espace pittoresque se trouve à proximité du University College, soit un imposant bâtiment de style néo-roman, si monumental qu’il est un site historique national depuis un demi-siècle. Il est d’ailleurs considéré comme une représentation visuelle de l’inspiration « Oxbridge » dans laquelle s’inscrit l’Université.

Actuellement fermé pour rénover les espaces extérieurs qui entourent le bâtiment, ce lieu a vu naître l’une des plus anciennes légendes du campus : un triangle amoureux impliquant un petit tailleur de pierre corinthien, Paul Diabolos, et son rival russe sanguin, Ivan Reznikoff.

On raconte que Reznikoff était jaloux au point de se livrer à un combat fatal contre Diabolos. Armé d’une hache, Reznikoff ne fit pas le poids contre son adversaire qui sortit vainqueur du duel grâce à son poignard. Celui-ci dissimula le cadavre, retrouvé bien plus tard, en 1890, lors d’un incendie. Les os de Reznikoff auraient été enterrés dans le coin nord-est, tandis que son fantôme ferait des apparitions sporadiques au Collège. Cependant, les recherches du Toronto Star ont mis un bémol à cette légende, indiquant qu’il ne s’agissait peut-être que d’une autre exagération théâtrale.

Université Simon Fraser. Photo par Kamil Bialous

Université Simon Fraser

Lumières, caméras et classe!

Vous n’avez peut-être jamais visité l’Université Simon Fraser, mais vous avez probablement vu l’aménagement extérieur de son fameux campus au sommet du mont Burnaby. Son centre est marqué par un long bassin réfléchissant coupé en deux par une passerelle de béton.

Lié à jamais au célèbre architecte vancouvérois Arthur Erickson, cette aire de l’Université rend hommage à l’acropole d’Athènes et à la ville méso-américaine de Monte Alban. Ses caractéristiques angulaires sont à la fois frappantes et polyvalentes, et font la renommée de cet espace.

Lorsque Vancouver s’est transformée en Hollywood North, ce site s’est ajouté à la distribution aux côtés de Will Smith et d’Arnold Schwarzenegger. Dans des films comme Les Robots, Le Sixième Jour et L’Agent Cody Banks, il symbolise la puissance industrielle et militaire. Dans les X-Files, il incarne plutôt le quartier général du FBI, et dans l’adaptation de Battlestar Galactica pour la télévision, il s’est substitué au marché Riverwalk dans la ville condamnée de Caprica, juste avant que le feu de l’enfer nucléaire ne s’abatte et donne le ton à l’histoire.

Au-delà des dangers auxquels il s’expose dans les films, selon les rapports d’ingénierie, cet espace pourrait en fait représenter un danger réel. En 2017, un rapport a révélé que les fondations en béton seraient particulièrement vulnérables si un tremblement de terre majeur venait à secouer le campus.

Bien que peu probable, l’idée ajoute un peu de piquant à une partie d’aki.


À lire aussi : Une brève histoire des tours d’horloge sur les campus des universités canadiennes


Le jardin principale de l’Université de l’Alberta

Université de l’Alberta

Vert et or… et citrouilles géantes

À deux pas de la rive sud de l’emblématique vallée fluviale d’Edmonton, le jardin principal de l’Université de l’Alberta est un emblème de la résilience des habitants des Prairies.

Toujours à l’image du plan directeur imaginé dans les années 1920, il est inspiré par un idéal de l’enseignement supérieur albertain : une ville paradisiaque mise en valeur à son extrémité ouest par trois édifices rouges de style néo-gothique. Bâtis 10 ans plus tôt et ayant la vocation de résidences privées, ils devinrent les premiers bâtiments de l’Université de l’Alberta.

Avant leur construction, une élection et un changement de gouvernement ont fait échouer les plans ambitieux pour le campus. Pendant quelques années, des mesures de réduction des dépenses ont même empêché la construction de sorties de secours. Plus tard réquisitionnées par l’Aviation royale du Canada pendant la Seconde Guerre mondiale et presque démolies dans les années 1970, les trois résidences ont finalement été réaménagées en bâtiments universitaires.

L’Université de l’Alberta est fière de ses couleurs vertes et dorées qu’arborent à la fois les équipes sportives et les arbres, à l’approche des examens de mi-session de l’automne. Peu d’étudiants savent qu’un ancien architecte paysagiste est derrière la parure feuillue du campus. Il a passé des décennies à orner le campus d’arbres exotiques et inhabituels capables de survivre aux hivers rigoureux. Si vous avez de la chance, à l’extrémité sud du jardin, vous verrez peut-être l’un des énormes bouleaux de Corée perdre ses feuilles d’écorce retroussées décoratives.

Chaque automne, l’Université célèbre ses anciens étudiants avec des jeux, des concerts, des camions de cuisine de rue et des activités familiales. Cet espace extérieur fait parfois les manchettes pour les manifestations qui s’y déroulent, comme en 2008, alors qu’une grue de 100 pieds a laissé tomber une citrouille de 500 livres dans le cadre d’un rassemblement pour lutter contre la faim.

L’espace Duckworth de l’Université du Manitoba

Université du Manitoba

La cour Duckworth et les robots qui jouent au hockey

Si vous cherchez à réveiller votre esprit hivernal, il existe, au Canada, des destinations bien pires que Winnipeg et l’espace Duckworth de l’Université du Manitoba.

Faisant partie du campus Fort Garry, ce lieu tire son nom de Henry Duckworth, un ancien étudiant brillant qui a occupé les postes de professeur de physique, puis de recteur à l’Université, avant d’agir à titre de chancelier de 1986 à 1992. Sa forme particulière en anneau est entourée d’un chemin bordé de briques et d’arbres, lui conférant « grandeur, ouverture et pureté », selon le plus récent plan directeur de l’Université. Si cela semble un peu trop parfait, précisons qu’il a en fait été proclamé le « meilleur endroit pour avoir des relations sexuelles sur le campus », selon un forum cocasse de la plateforme Reddit.

Pendant des années, l’Université l’a arrosé en hiver, créant ainsi une patinoire impromptue qui a même été utilisée en 2012 pour tester Jennifer, un robot qui joue au hockey et qui est capable de manipuler des bâtons. Parfois, le lieu accueille des courses en raquettes ou des compétitions de bains de glace pour une œuvre caritative.

La fontaine des Trois Nus de l’Université McGill

Université McGill

Le jardin central et les Trois Nus

Le plus grand espace vert de l’Université McGill est probablement le campus Macdonald, un vaste terrain de 650 hectares sur l’île de Montréal.

Avec une série de bâtiments ornés de toits de calcaire et de cuivre centenaires près des flancs du Mont-Royal, le campus de l’Université au centre-ville est lui aussi pittoresque.

La cour extérieure centrale de l’Université McGill a été aménagée il y a un peu plus d’un siècle et est entourée de bâtiments légués par les donateurs les plus aisés de Montréal. Parmi les lieux de rassemblements par excellence figurent la colline menant à un groupe de bâtiments nommés en l’honneur d’un baron du sucre du XIXe siècle, Peter Redpath, ou encore la célèbre fontaine peu profonde et octogonale, située dans un vallon qui conduit au fameux pavillon des arts.

Dévoilée en 1931, la fontaine des Trois Nus est la création d’un des descendants du fortuné Cornelius Vanderbilt. Elle représente trois hommes portant un bol, tous légèrement vêtus de petites pièces de tissu. Faith Wallis, une professeure d’histoire médiévale qui a fait des recherches sur la sculpture, l’a qualifiée « d’œuvre kitch, un peu louche ». Néanmoins, les Trois Nus sont devenus l’une des œuvres d’art les plus célèbres de l’une des plus grandes universités du monde. Cette sculpture est aussi le témoin silencieux de concerts brumeux et de semaines d’intégration bien arrosées.


À lire aussi : Jardins botaniques sur les campus : leur valeur s’étend bien au-delà de la beauté


La place Studley de l’Université Dalhousie

Université Dalhousie

La place Studley et un avenir en évolution

La place Studley fait un peu penser à un étudiant de première année à l’air vantard, mais son histoire remonte à bien plus longtemps.

Le campus principal de l’Université Dalhousie à Halifax a été nommé d’après le Studley Priory, un ancien couvent bénédictin de l’Oxfordshire appartenant à Alexander Croke. Le vice-juge de l’amirauté a nommé sa propriété néo-écossaise en son honneur, avant de finalement retourner dans sa demeure natale en Angleterre. Après sa mort, la propriété a changé plusieurs fois de mains avant d’être achetée par l’Université en 1911.

Un siècle plus tard, la place Studley fait office de porte d’entrée publique pour l’Université, s’étendant sur tout le campus, unissant des bâtiments centenaires à des ajouts plus récents. Lorsque l’Université a célébré son bicentenaire en 2018, elle en a réaménagé une partie en ajoutant des sièges flexibles et un nouveau parcours d’honneur pour les activités culturelles.

C’est désormais un mélange de nouveau et d’ancien qui accueille des activités que M. Croke n’aurait probablement jamais pu imaginer : des rodéos à vélo et chasses au trésor, le Festival des couleurs d’Halifax et un Mawio’mi annuel qui consiste en un pow-wow reconnaissant l’histoire des Mi’kmaq.

Aujourd’hui, cet endroit est un lieu où les étudiants cherchent à façonner l’avenir. Au printemps 2021, des étudiants ont campé près du bâtiment universitaire Henry Hicks pendant cinq jours en signe de protestation contre les hausses consécutives des droits de scolarité.

Rédigé par
Brent Wittmeier
Établi à Edmonton, Brent Wittmeier est un rédacteur.
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  1. Michel Prévost, D.U. / 6 septembre 2021 à 17:08

    C’est vraiment très intéressant comme sujet. J’ai beaucoup apprécié la lecture de ce bel article sur les cours extérieurs de nos campus universitaire. Lorsque que je faisais des visites guidées du campus à titre d’archiviste en chef de l’Université d’Ottawa, j’amenais toujours les participants dans la grande cour extérieure en face du pavillon Tabaret, qui symbolise la plus grande université bilingue de l’Amérique du Nord depuis plus d’un siècle. Cet ilot de verdure accessible à tous était autrefois un terrain de jeu, puis un stationnement. En 1967, dans le cadre des projets d’embellissement pour le centenaire de la Confédération, le stationnement a été transformé a un magnifique parc qui est très utilisé par la population étudiante. Sans cette très belle cour extérieure, le quadrilatère historique de l’Université d’Ottawa ne serait pas le même. Merci à M. Wittmeler de nous rappeler l’importance des cours extérieur de nos campus.

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