Ceci est le second d’une série de deux textes qui abordent les éléments à garder en tête au moment d’arrêter son titre de thèse ou de guider un.e étudiant.e à travers ce processus. Le premier est disponible ici.
Le titre d’une thèse est d’une importance cruciale, car celui-ci doit englober tous les aspects d’une recherche en cours, mais aussi, si possible, annoncer l’apport de la thèse, ou du moins, circonscrire le terrain qui sera exploré. Le titre d’une thèse est un genre libre, mais celui-ci devrait habituellement comprendre cinq éléments essentiels, et le présent texte propose quelques conseils destinés aux thésard.e.s et aux directeurs et directrices de thèse voulant forger ou valider le prochain titre d’une thèse, peu importe son stade ou son domaine.
Bien que ce texte s’adresse d’abord aux professeur.e.s qui encadrent des étudiant.e.s, les thésard.e.s et les vice-doyen.ne.s aux études ou à la recherche pourront certainement s’en inspirer.
En principe, la thèse est structurée comme un rapport de recherche et qui met en évidence son processus créatif : élaboré, approfondi et innovateur, et qui, en plus de ses résultats, s’attarderait au cheminement même de la recherche, aux problèmes méthodologiques, aux choix opérés, aux perspectives écartées, à la conceptualisation, aux fausses pistes et aux pièges ayant été rencontrés. Tous ces éléments ne peuvent toutefois pas être inclus dans le titre.
Le titre de la thèse annonce déjà son contenu; il sous-entend son ancrage disciplinaire, son cadrage historique et/ou géographique; il est le premier résumé — très fragmentaire — de ce travail colossal.Tout au long du processus de la rédaction, le titre servira de cadrage et de recadrage du travail, indiquant la portée d’une recherche. Un peu comme l’alpha et l’oméga.
Qu’est-ce qu’un bon titre de thèse?
Un bon titre de thèse devrait annoncer d’emblée l’élément innovant, la trouvaille inédite, ce qui apporte le renouveau dans la recherche proposée et dans le domaine de recherche. Il n’y a pas de suspense dans une thèse; on ne doit pas, comme dans les documentaires télévisés, se demander si on finira par trouver une réponse adéquate à notre question initiale de recherche.
On ne devrait pas forger un titre de thèse en se disant que certains mots-clés seront ajoutés au début, après le résumé long, et qu’il vaudrait mieux éviter la redondance; beaucoup de répertoires de thèses ne contiennent ou ne retiennent que le titre, et c’est l’unique occasion d’indiquer — ou du moins d’annoncer — tout ce que la thèse touche, étudie et contient.
Il faut bien sûr laisser à chaque thésard.e l’entière liberté de déterminer et de changer le titre de sa thèse en cours de route; le directeur ou la directrice de recherche ne peut qu’accompagner, encourager, approuver, parfois questionner, ou conseiller tout en sachant que la composante même du titre est flottante, inachevée, comme la thèse en soi puisqu’elle est « en train de se faire ». Il est donc normal qu’un.e thésard.e doive se concentrer momentanément pour se souvenir du titre de sa thèse; il tente en fait de se remémorer la plus récente mouture de son titre! Toutefois, il serait sage que le directeur ou la directrice de recherche note les différents titres provisoires et même les anciens titres, ceux qui ont été rejetés ou éliminés, mais qui pourraient en bout de ligne se révéler tout à fait adéquats, surtout au moment d’une panne d’inspiration!
La thèse nous amène hors des sentiers battus et le titre pourrait déjà annoncer l’originalité, le renouvellement, l’innovation qu’apporte la recherche. En cours de route, il est aussi important de taper son titre de thèse dans un moteur de recherche, ne serait-ce que pour s’assurer qu’il n’est pas déjà pris, en français ou en anglais.
Si on hésite entre un titre long et un autre plus court, il faut privilégier celui qui contient le plus d’éléments. Le titre de la thèse ne doit surtout pas être bref et concis; il doit au contraire fournir un maximum d’indications, de concepts, d’orientations, de mots-clés. Le titre n’est pas vraiment un résumé; il doit annoncer, situer, inclure, cadrer géographiquement et temporellement. Dans bien des répertoires, catalogues et bibliographies, les thèses sont répertoriées alphabétiquement, en n’indiquant que les titres, et il est souvent difficile d’en savoir davantage. Il faut aussi dater et situer temporellement un titre de thèse : ainsi, une thèse intitulée « Mutations de la culture actuelle » pourrait, dans 20 ou 30 ans, ne plus référer à une période aisément identifiable.
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Un titre de thèse n’est pas le meilleur endroit pour proposer une question évanescente ou pour laisser une interrogation en suspens, du style « Un dilemme canadien », à condition d’ajouter en sous-titre un complément d’information. La ponctuation joue un rôle déterminant, et surtout les deux points (« : ») qui séparent une prémisse et son complément, comme dans « Des femmes livrées à elles-mêmes : les épouses de soldats durant les guerre napoléoniennes ». Ici, la deuxième portion précise et contextualise le contenu de la première moitié. Mais les deux points ne doivent pas reprendre machinalement la structure fréquente des titres de tant de livres universitaires qui se formulent en deux portions suivant les mêmes règles : d’abord un questionnement vague se terminant par un point d’interrogation, ensuite les deux points, et pour finir, en sous-titre, l’explicitation finale. S’il est accrocheur, ce modèle a cependant l’inconvénient de manquer de précision. Il faut constamment penser et délimiter son sujet.
Et que dire de la tentation du titre en un mot : le mot qui dirait tout, semble à la fois audacieuse et risquée? En fait, le titre de la thèse n’est pas le meilleur endroit où appliquer les vains principes de « L’art d’être bref ».
S’il n’existe pas de titre de thèse optimal, on rencontre quelquefois des thèses avec un titre qui semblera obtus ou incompréhensible. Mais le titre de la thèse s’adresse d’abord aux gens du domaine, et en priorité aux membres du jury, dont le rôle est décisif dans le processus de validation par les pairs. Le titre ne doit pas forcément être compréhensible au commun des mortels. En toute chose, il faut éviter le nivellement par le bas.
Il est normal et constructif d’adapter son titre de thèse à l’évolution de sa recherche, à son cheminement, à sa manière de cerner son sujet de recherche; ce n’est pas un signe d’inconstance. Le travail de troisième cycle universitaire est fait d’essais et d’erreurs, de réajustements : le provisoire et les demi-tours sont fréquents et c’est le seul moyen d’envisager toutes les possibilités d’un problème de recherche.
Rédiger une thèse constitue un défi exigeant et de longue haleine, mais rassurez-vous, pour un.e thésard.e, c’est toujours la première thèse qui est la plus difficile à finaliser…
Yves Laberge est sociologue et a été responsable de la chronique