Feu vert pour la création de l’Université de l’Ontario français

Au-delà de l’engouement suscité par la promesse du gouvernement ontarien de créer l’Université de l’Ontario français, quelques questions persistent quant à la forme proposée.

23 octobre 2017
students siting on table with wall clock

Si la population franco-ontarienne se réjouit de l’intention du gouvernement de l’Ontario de suivre les recommandations du Conseil de planification et de déposer un projet de loi pour créer une université de langue française à Toronto, certaines voix s’élèvent pour réclamer des améliorations à la formule proposée.

Rêve caressé par les Franco-Ontariens depuis des décennies, l’Université de l’Ontario français pourrait accueillir ses 300 premiers étudiants en 2020. Il est attendu que le nombre d’étudiant augmentera au fil des années pour atteindre plus de 2 000 étudiants (équivalent à plein temps) en 2028-2029.

« C’est sûr que pour nous étions contents, nous avons célébré le travail accompli. Nous étions aussi contents que l’Université de l’Ontario français soit autonome », mentionne Jocelyn Leblanc, coprésident du Regroupement étudiant franco-ontarien.

François Charbonneau, professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, ne croit toutefois pas que le projet décrit dans le rapport réponde aux besoins des étudiants franco-ontariens. « Il aurait fallu une solution globale pour un problème global d’accessibilité et de disponibilité des programmes pour les francophones en Ontario. »

Il reproche entre autres au gouvernement d’avoir imposé que l’université soit établie dans le Sud-Ouest de l’Ontario. « La vraie solution, celle qui aurait demandé un véritable courage politique, aurait été de créer une grande université franco-ontarienne sur la base d’une scission à l’amiable de l’Université d’Ottawa, à laquelle se seraient ajoutés des campus semi-autonomes, mais complémentaires dans le Nord et le Sud » écrit-il dans une lettre d’opinion publiée dans Le Droit le 30 août dernier.

Cette observation rejoint d’ailleurs la principale revendication énoncée par le RÉFO depuis l’annonce. « On voulait vraiment [que l’université ait] un mandat provincial. Un peu comme l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick », précise M. Leblanc.

Celui-ci s’inquiète d’ailleurs du fait que l’Université de l’Ontario français ne bénéficiera pas de l’exclusivité des programmes comme ça avait été le cas lorsque les collèges francophones avaient été créés en Ontario. « On ne peut pas dire que tous les programmes en français seront offerts à l’Université de l’Ontario français, ce n’est pas ça le plan. »

Bien que le rapport évoque l’éducation, la santé, les finances, le commerce, les communications et la technologie ainsi que l’administration et la fonction publique comme les « secteurs du marché de travail affichant la plus grande demande de diplômés francophones universitaires », le Conseil recommande plutôt de concentrer ses efforts autour de quatre créneaux. En fait, le choix de prioriser l’élaboration des programmes portant sur la pluralité humaine, les environnements urbains, l’économie mondialisée et les cultures numériques, en ont fait sourciller plus d’un, dont M. Charbonneau qui les qualifie de « programmes ésotériques ».

Gouvernance

Perçue par M. Leblanc comme une mesure permettant de « contrer l’assimilation des Franco-Ontariens », cette université devait selon lui être « gérée par les Franco-Ontariens et pour les Franco-Ontariens ». Ce concept du « par et pour » est d’ailleurs l’un des rares éléments du projet qui fait l’unanimité.

Inspiré du modèle québécois qui a fait ses preuves auprès des anglophones du Québec, le « par et pour » a bonne presse puisque la cour suprême a interprété l’administration d’un établissement par des francophones comme étant une extension du droit d’aller à l’école française. « Je comprends pourquoi les auteurs ont retenu cette formule-là, mais pourquoi ça s’appliquerait à 300 personnes et pas à l’ensemble des francophones de l’Ontario? », questionne M. Charbonneau.

Échéancier

Près de deux mois après que le gouvernement de Kathleen Wynne a annoncé ses couleurs, le projet de loi n’a toujours pas été déposé à Queen’s Park. Les élections générales en Ontario étant annoncées pour le 7 juin prochain, le temps presse.

Si M. Leblanc pense qu’il est préférable de « laisser la chance au coureur », il ne cache pas son inquiétude et suit le dossier de près. « Il faut que ce soit fait tôt cet automne parce que j’ai vraiment l’impression que ça va devenir un enjeu électoral. Si ça devient un enjeu électoral, ça se pourrait bien qu’elle ne voit pas le jour », craint-il.

De son côté, M. Charbonneau se fait un peu plus optimiste. « Il faut être capable de reconnaître qu’il y a une volonté politique. Je n’ai pas l’impression que c’est une mesure purement électoraliste. » Celui-ci estime que, compte tenu de l’envergure de cette annonce, « ce serait suicidaire politiquement de faire un tel type d’annonce et de ne pas enclencher les choses. Il n’y a pas eu d’annonce comme celle-ci depuis celle des collèges au début des années 1990, il n’y a rien qui s’en approche en termes d’annonce pour les communautés francophones », poursuit-il.

La ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, se veut rassurante. « Tout démontre à ce moment-ci que le projet de loi va être déposé avant le 14 décembre 2017, affirme-t-elle. Il pourrait être adopté en chambre avant la fin de cette année. »

Financement

En plus de s’engager à soumettre le projet au vote des députés, le gouvernement entend trouver le financement nécessaire pour lancer le projet dès 2018-2019. Évaluée à 83,5 millions de dollars sur sept ans, la somme comprend 71,5 millions de dollars en fonds de démarrage et 12 millions de dollars pour l’aménagement de l’édifice. Pour rassembler les fonds, le gouvernement table, entre autres, sur la participation de l’administration fédérale à hauteur de 41,75 millions de dollars.

Quoique le rapport du Comité cite que « la règle jusqu’ici en matière d’éducation en français en contexte minoritaire veut que le gouvernement fédéral fournisse au moins 50 pour cent des fonds de démarrage, de fonctionnement et d’appui spéciaux pour […] les institutions postsecondaires qui fonctionnent en français », aucune entente n’a été conclue pour le moment. « Le gouvernement fédéral actuel était enchanté de notre annonce et voulait voir les façons de collaborer et comment on peut arriver à un partenariat financier, mentionne Mme Lalonde. On est rendu à une étape beaucoup plus décisive et c’est là que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle en Ontario a commencé à avoir des discussions un peu plus concrètes avec nos homologues fédéraux. »

Soulignons que parallèlement au dépôt du projet de loi et à l’élaboration du plan financier, le gouvernement de l’Ontario mettra en place un comité technique intérimaire qui aura pour but de continuer à faire avancer les recommandations.

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