Le projet d’eCampus au Québec avance

Malgré un certain enthousiasme suscité par cette initiative du gouvernement du Québec, plusieurs questions demeurent sans réponses.

20 septembre 2018

Le eCampus est l’une des mesures phares du Plan d’action numérique en éducation et enseignement supérieur, dévoilé le 30 mai 2018. Il s’agit notamment de regrouper dans un campus virtuel l’ensemble de l’offre de formation à distance des cégeps et des universités québécoises et de favoriser les partenariats entre ces établissements. Le projet représente un investissement d’environ 40 millions de dollars.

À l’Université Laval, le vice-recteur exécutif, Robert Beauregard, se montre enthousiaste. « Je vois d’un bon œil l’idée d’une vitrine commune servant de point d’entrée aux étudiants, tout comme l’augmentation du partage d’expertise entre les universités, lequel pourrait faire émerger des technologies québécoises et permettre à nos universités de rayonner dans la francophonie », avance-t-il.

L’Université Laval s’est lancée tambour battant dans la formation à distance. L’établissement offre 975 cours en ligne, 225 cours hybrides et cinq formations en ligne ouvertes à tous (MOOC). Pas moins de 105 programmes sont disponibles entièrement en ligne. De plus, la majorité des professeurs utilisent la plateforme conçue pour les formations à distance, même pour les cours données en classe.

Consultation sélective

Toutefois, tous ne partagent pas cet engouement. Sans être contre le projet, professeurs et étudiants se sentent mis de côté dans son élaboration. « Les professeurs, chargés de cours, étudiants et professionnels n’ont pas été conviés à contribuer au développement de l’eCampus », déplore Jean-Marie Lafortune, président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU).

La fédération syndicale réclame une représentation paritaire de la FQPPU aux différents comités d’implantation et de gestion du fonctionnement du eCampus, ainsi qu’un comité paritaire de négociation des conditions de travail affectées par cette innovation.

« Nous anticipons des impacts sur la relation pédagogique, voire sur la qualité de la formation, de même que sur la tâche professorale, les conditions de travail des professeurs et les conventions collectives », explique M. Lafortune.

Même son de cloche du côté des étudiants. Par courriel, l’Union étudiante du Québec a déploré que les étudiants n’aient pas encore été consultés. Elle s’attend à se faire interpeller rapidement par le prochain gouvernement.

Selon le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), ce projet n’est pas issu d’un désir des recteurs, mais plutôt d’une volonté ministérielle, à propos de laquelle les recteurs n’ont pas été consultés en amont. Le BCI a aidé à former les comités, dont les sujets de discussion avaient été déterminés par le ministère.

« Le ministère semble avoir été séduit par l’eCampus ontarien et souhaiter répliquer ce programme au Québec, explique Claude Bédard, directeur général du BCI. Ce n’est pas une mauvaise idée de regrouper l’offre de formation à distance, mais il nous aurait semblé normal d’être engagés dans le processus dès ses débuts, pour suggérer des approches. Là, beaucoup de choses semblent décidées d’avance. »

Préserver l’autonomie

Les comités explorent aussi les potentialités d’une plateforme commune. Par exemple, toutes les universités ne sont pas aussi bien équipées pour offrir et héberger du contenu vidéo. Pourraient-elles mettre au point un outil commun?

La coconstruction de la plateforme, Caroline Brassard y croit. La directrice de l’enseignement et de la recherche de l’Université TÉLUQ participe aux groupes de travail sur le partage d’expertise et sur le développement et la gestion de l’offre de formation. Active en formation à distance depuis 1972, l’Université TÉLUQ proposait déjà dans un mémoire en 2016 de regrouper les forces en enseignement à distance.

Selon elle, le travail de la dizaine de comités vise le développement de consensus. Les sujets à débattre ne manquent pas. « Les institutions souhaitent développer un eCampus, mais sans abandonner leur autonomie, illustre la directrice. Des interrogations sont aussi soulevées sur le plan du financement, très axé sur le nombre d’étudiants. Comment le partager si des étudiants suivent des cours offerts par différentes universités? »

Les groupes de travail doivent déposer un rapport avant la fin de l’automne. Il n’est pas clair à ce stade s’ils le remettront au gouvernement libéral, initiateur du projet, ou à son successeur, puisque le jour du scrutin pour les élections au Québec est fixé au 1er octobre.

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