Les universités canadiennes répondent à l’appel d’Ottawa pour endiguer la COVID-19

Voici comment plusieurs universités ont répondu à l’appel du gouvernement fédéral de fournir du matériel essentiel, de l’expertise et de la main-d’œuvre.

31 mars 2020

Une semaine après que le premier ministre Justin Trudeau ait demandé au milieu de l’éducation postsecondaire d’aider le pays à lutter contre la COVID-19, les établissements et les chercheurs de partout au pays répondaient massivement à l’appel. Outre les 96 projets de recherche qui ont reçu un financement rapide par l’intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada, voici d’autres initiatives mises sur pied par le milieu universitaire.

Campagnes de collecte d’équipement

Partout au Canada, les hôpitaux et les centres médicaux signalent des pénuries de fournitures essentielles : équipement de protection individuelle (ÉPI) (gants, masques, blouses et visières), trousses de dépistage, respirateurs et désinfectants.

À l’Université McMaster, les professeurs des facultés de génie, de sciences de la santé, de sciences et de sciences humaines ainsi que de l’unité Hamilton des sciences de la santé ont donné des milliers de masques, de lunettes de protection, de gants, de visières, de vêtements de salle propre, de produits désinfectants et d’écouvillons aux fournisseurs de soins de santé. « L’aspect positif de la fermeture des laboratoires, c’est qu’elle nous permet d’aider nos partenaires du milieu hospitalier, leur personnel et les patients… Le matériel, qui serait resté dans les laboratoires, est maintenant envoyé aux hôpitaux qui manquent cruellement de fournitures », a déclaré Karen Mossman, vice-rectrice intérimaire à la recherche, dans un communiqué.

À l’Université de Windsor, les facultés de sciences infirmières, de sciences et de sciences de l’activité physique de même que le centre d’analyse chimique ont également donné de l’ÉPI et deux respirateurs à l’Hôpital régional de Windsor. La Faculté des sciences a promis à ses professeurs de leur rembourser les articles donnés qui ont été payés avec les subventions de recherche.

Le personnel de l’Université Trent prépare les dons d’équipement et de vêtements de protection individuelle pour le Centre régional de santé de Peterborough. Photo de l’Université Trent.

L’Université Trent a donné plusieurs milliers de paires de gants, de combinaisons, de couvre-chaussures, de masques et de blouses ainsi que des caisses de savon et de désinfectant, grâce aux efforts des départements de sciences infirmières, de biologie, de chimie, de sciences judiciaires, d’étude de l’environnement et du service de gestion des installations. Les services de santé de l’Université ont aussi donné des trousses de dépistage au Bureau de santé publique de Peterborough.

L’Université de Guelph a distribué localement quelque 10 000 masques N95, dont les stocks sont faibles. Selon l’Université, d’autres dons suivront l’envoi de vendredi, dont un respirateur provenant du Collège vétérinaire de l’Ontario. Même la librairie de l’Université Western a participé aux efforts de collecte en ajoutant aux fournitures réunies par les professeurs de microbiologie et d’immunologie les 28 boîtes de gants qu’elle réservait aux étudiants de STGM.

À l’Université du Québec à Montréal, le département de biologie a donné de l’ÉPI et plusieurs laboratoires ont fait don de gants dans le cadre d’une collecte pour l’Hôpital Douglas organisée avec la communauté chinoise de Montréal. La Faculté des sciences et le vice-rectorat à la recherche ont fait l’inventaire de tout l’EPI dont dispose l’Université en cas de besoin.

Une collecte à l’Université Wilfrid Laurier a permis de réunir près de 12 000 masques N95, 38 500 gants jetables et 200 blouses de contagion ainsi que des masques chirurgicaux, des visières, des lunettes de protection, du désinfectant pour les mains et des trousses de dépistage pour l’hôpital Grand River et le système de santé communautaire de Brant. Les articles ont été recueillis auprès des centres de bien-être étudiant, du service de sécurité et de gestion des risques et des laboratoires de la Faculté de sciences.

Des laboratoires et des chercheurs ont aussi décidé de donner directement. C’est le cas de Nadia Chaudhri, professeure agrégée de psychologie à l’Université Concordia. À l’instar des professeurs et collègues d’autres universités, les étudiants en médecine de l’Université de la Saskatchewan ont organisé une collecte d’ÉPI pour les hôpitaux de Saskatoon et de Regina. Composé d’étudiants en médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, le groupe d’intervention d’étudiants en médecine de la Colombie-Britannique pour la COVID-19 a organisé une campagne semblable axée sur les cliniques dentaires.

Des employés de l’Université McMaster trient de l’équipement. Photo de l’Université McMaster.

Nouvelle mission

En plus de donner de l’équipement, de nombreux chercheurs tentent de mettre leur expertise à profit pour concevoir et fabriquer eux-mêmes les fournitures tant recherchées.

Selon le Globe and Mail, à l’Université Queen’s, le professeur et lauréat d’un prix Nobel, Arthur McDonald a recruté l’équipe des Laboratoires nucléaires canadiens à Chalk River, en Ontario, ainsi que ses collègues de l’accélérateur de particules TRIUMF, en Colombie-Britannique, pour créer un prototype de respirateur simplifié et facile à fabriquer.

Le même esprit d’innovation est à l’origine du Défi Respirateur code vie, dirigé par Reza Farivar, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurosciences intégratives à l’Université McGill. Ce concours est un « sprint de deux semaines » visant à concevoir un modèle de respirateur simple, peu coûteux et facile d’emploi pour répondre à la pénurie actuelle d’appareils respiratoires. Parrainé par la Fondation de l’Hôpital général de Montréal et l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, le concours remettra au gagnant un prix de 200 000 dollars. La date limite est le 31 mars. Des chercheurs et des étudiants de plusieurs universités – dont une équipe composée d’une quarantaine d’étudiants et de chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Bishop’s – ont décidé de relever le défi.

 Une équipe de l’Université Ontario Tech participe aussi. Ali Hosseini, professeur adjoint de génie mécanique, et Ahmad Barari, professeur agrégé au département de génie automobile, mécanique et de fabrication, ont recruté quatre étudiants pour concevoir un respirateur à l’intention des patients atteints de la COVID-19. De plus, Steven Murphy, recteur de l’Université, a annoncé sur Twitter la semaine dernière qu’une visière de protection médicale conçue et fabriquée à son établissement avait été approuvée par Santé Canada et que des exemplaires avaient été expédiés aux hôpitaux de la région de Durham.

Des étudiants, membres du personnel et professeurs de l’Université Queen’s se sont associés avec le Collège St. Lawrence, la bibliothèque publique Kingston Frontenac, les commissions scolaires de la région de Kingston et des résidents pour fabriquer de l’EPI par impression 3D. L’autorité sanitaire locale a approuvé les visières et masques imprimés, qui seront utilisés comme stocks de dernier recours et non pour remplacer l’équipement dont les hôpitaux se servent actuellement.

L’atelier Makerspace à la bibliothèque de l’Université Brock a aussi réservé ses cinq imprimantes 3D pour fabriquer quotidiennement une vingtaine de visières de protection, et les ingénieurs de l’Université d’Ottawa comptent en imprimer une centaine par jour à l’atelier Makerspace du campus. À l’Université Western, l’équipe de fabrication de pointe des services centraux d’usinage, dont la tâche consiste habituellement à fabriquer de l’équipement de laboratoire et des modèles 3D, se consacre désormais à la fabrication des visières conçues par l’atelier d’usinage d’équipement scientifique de la Faculté des sciences.

La coordinatrice du Makerspace de l’Université de Brock, Tabitha Lewis, inspecte une visière de protection imprimée en 3D. Le Makerspace de Brock a commencé à construire des visières qui seront remises aux travailleurs de la santé de première ligne à Niagara.

Le désinfectant pour les mains est un autre article indispensable dont les stocks se sont rapidement épuisés ces dernières semaines. Plusieurs chercheurs travaillent avec des distilleries locales et d’autres laboratoires pour fabriquer rapidement ce produit et aider à reconstituer les réserves locales. À l’Université de Windsor, les chimistes John Trant et Fred Shahbazi, chercheur postdoctoral spécialisé dans les cosmétiques, utilisent le laboratoire de M. Trant pour fabriquer, avec trois distillateurs, du désinfectant pour les mains destiné aux hôpitaux de la région (puis au commerce, selon un système de recouvrement des frais).

Inspiré par les efforts des distilleries et des chercheurs en Ontario, Grant Vandenberg, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, a décidé de produire du désinfectant pour les mains dans son propre laboratoire. Avec la distillerie Vice et Vertu et la Distillerie de Québec, il veut produire 5 000 litres de gel selon la recette de l’Organisation mondiale de la Santé.

À l’Université de Guelph, Scott Weese, directeur du contrôle des infections au Collège vétérinaire de l’Ontario, a rassemblé des fournitures et de la main-d’œuvre pour aider une distillerie locale à produire 2 000 litres de désinfectant pour les mains, qui ont été distribués aux cliniques, services d’urgence et fournisseurs de services essentiels de la région, y compris les refuges pour sans-abri.

Un groupe à l’Université de l’Alberta a réussi à fabriquer 210 litres de désinfectant pour les mains en trois heures sur une chaîne de montage conforme aux règles d’éloignement social. Le groupe espère continuer à produire du désinfectant, qui sera distribué aux premiers répondants et sur le campus lorsque l’équipe de santé et de sécurité de l’Université l’aura approuvé.

Des chercheurs de l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto ont créé un outil en ligne qui aide les fournisseurs de soins de santé à déterminer le nombre maximal de nouveaux cas de COVID-19 qu’ils peuvent traiter. L’outil prend en compte les ressources en soins de courte durée et en soins intensifs disponibles, les plus récentes données démographiques, la gravité des cas de COVID-19 et la durée des séjours des patients pour estimer le nombre réaliste de cas de COVID-19 qu’un hôpital pourrait prendre en charge.

Benoît Lalonde, géographe et chercheur à l’Université Laval, a créé un outil interactif qui, à partir des données de la santé publique, permet de visualiser la répartition des cas de COVID-19 au Québec. Contrairement aux cartes de concentration existantes, celle de M. Lalonde permet d’examiner la situation dans une région particulière et de mettre en relation le nombre de cas et la population d’une zone géographique.

Pendant ce temps, un groupe de recherche en intelligence machine de l’Université de Moncton, dirigé par Moulay Akhloufi, a créé un modèle d’apprentissage par réseaux de neurones profonds pour la détection de la COVID-19 en ligne à partir d’images radiographiques des poumons. Au Québec, des chercheurs en intelligence artificielle du réseau Mila contribuent aussi à la recherche de solutions à la pandémie de COVID-19. Pour structurer les collaborations, le réseau a créé le site Web AI-Against-COVID.

Bénévolat

Devant l’ampleur de la crise, les étudiants en médecine, en sciences infirmières et en sciences de la santé sont nombreux à vouloir prêter main-forte aux travailleurs de première ligne. Ils aident au dépistage en prenant la température des patients dans les hôpitaux et font le retraçage des contacts des personnes atteintes de la COVID-19. Certains font même les courses et offrent un service de garde d’enfants pour le personnel de première ligne.

Les membres de la génération Y ne sont pas les seuls à se porter volontaires. L’Association des retraités de l’Université de Windsor aide ses membres, qui appartiennent à l’une des tranches de population les plus vulnérables à la COVID-19, en leur proposant de faire leurs courses et la livraison de leur épicerie. Sur les campus, plusieurs groupes altruistes ont été formés, comme celui-ci cofondé par un employé de l’Université de Guelph.

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