Les universités québécoises craignent une perte d’autonomie
Après Ottawa, Québec souhaite également resserrer les conditions d’admission pour les étudiantes et étudiants internationaux. Les universités craignent une mauvaise application des pouvoirs que s’octroie le gouvernement Legault.
Le gouvernement du Québec a récemment déposé un projet de loi qui lui conférera des pouvoirs inédits dans la sélection des étudiantes et étudiants universitaires internationaux. Les universités s’inquiètent de cet accroc à leur autonomie.
Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec, Jean-François Roberge, ne s’en est pas caché lors du dévoilement du projet de loi 74 le 10 octobre dernier : son application se traduira par une diminution des admissions dans cette clientèle étudiante. Les cibles de réduction seront définies dans des décrets déposés après l’adoption du projet de loi.
« Le ministre s’octroie le pouvoir de limiter le nombre d’inscriptions internationales en fonction de critères très granulaires, comme la région, le cycle d’études, l’établissement ou même le programme, souligne le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras. C’est préoccupant pour l’autonomie des universités dans ce domaine ».
Il ajoute que ce projet de loi n’est que le dernier d’une longue série de changements apportés à la gestion de cette communauté étudiante du côté des gouvernements fédéral et québécois. « Ces revirements fréquents compliquent nos stratégies de recrutement, d’autant que nous ne sommes généralement pas consultés en amont », affirme-t-il. En septembre, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’abaisser de 10 % le nombre de permis d’études internationaux à partir de 2025. Il avait déjà amputé cette cible de 35 % en 2024 par rapport à 2023.
Tant du côté de Québec que d’Ottawa, ces mesures s’inscrivent dans une volonté de réduire l’immigration temporaire et d’alléger la pression sur le marché de l’habitation. Au Québec, la communauté étudiante internationale a grossi de 140 % en dix ans. À cela s’ajoute le constat que l’augmentation rapide de cette immigration à Montréal, en particulier celle des personnes étudiantes inscrites aux universités McGill et Concordia, contribue à l’anglicisation de la métropole.
Le critère linguistique
Le ministre a promis de se montrer « chirurgical », notamment pour éviter de pénaliser des universités dans certaines régions, où la présence des étudiantes et étudiants de l’étranger garde plusieurs programmes en vie. Les établissements montréalais, qui accueillent près de 70 % de cette communauté au Québec, seront forcément touchés.
Les universités anglophones s’inquiètent particulièrement, puisque la langue d’enseignement figurera au rang des critères utilisés pour déterminer les plafonds imposés aux universités. « Nos inscriptions ont chuté de 15,9 % cette année et de 0,09 % l’an dernier, alors qu’elles ont généralement grimpé dans les universités francophones », rappelle la porte-parole de l’Université Concordia, Vannina Maestracci.
Selon les données les plus récentes du Bureau de coopération interuniversitaire, le nombre de ces étudiantes et étudiants n’a pas augmenté à l’Université McGill en 2023 et a diminué de 5 % en 2024. À l’Université Bishop’s, la baisse a été respectivement de 10,5 % et 27,7 % au cours des deux dernières années. « Maintenant que le projet de loi a été déposé, nous espérons que le gouvernement tiendra compte des situations spécifiques de chaque université », ajoute Mme Maestracci.
Dans les universités francophones, la présence de ces étudiantes et étudiants a au contraire progressé. Certains établissements en région, comme l’Université du Québec à Rimouski et l’Université du Québec en Outaouais (UQO), ont connu de très fortes augmentations.
Cela n’empêche pas la rectrice de l’UQO, Murielle Laberge, de s’inquiéter du projet de loi. « Le ministre affirme ne pas vouloir freiner le développement des universités en région, mais il se donne beaucoup de pouvoirs qui, s’ils sont mal appliqués, pourraient avoir des conséquences négatives sur nous », avance-t-elle.
Elle rappelle que le processus de recrutement de la clientèle internationale est long et complexe. Les candidates et candidats déposent souvent des demandes dans plusieurs établissements, donc celles et ceux qui sont acceptés ne viennent pas toujours. Cela rend le nombre exact d’inscriptions compliqué à prévoir. « Si le gouvernement impose des quotas par région ou par programme, ce sera très difficile à gérer pour nous », poursuit la rectrice.
Un discours moins accueillant
De son côté, le recteur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Stéphane Pallage, s’inquiète du changement de discours des gouvernements envers cette communauté étudiante. « Pendant longtemps, les gouvernements reconnaissaient qu’elle représentait une grande richesse pour nos universités, notre système de recherche et notre société, et là soudainement le discours devient plus négatif », indique-t-il.
Au moment de lui parler, le gouvernement venait tout juste d’annoncer la suspension pour huit mois du volet diplômé du Programme de l’expérience québécoise, la principale voie d’accès à la résidence permanente pour ces étudiantes et étudiants. Une autre décision que M. Pallage a du mal à comprendre. « Ces personnes sont de très bons candidats à l’immigration, puisqu’’elles ont été diplômées au Québec, qu’elles en connaissent la langue et la culture, et qu’elles y possèdent déjà un réseau d’amis et même parfois une famille. »
Le gouvernement tenait des audiences publiques au sujet de ce projet de loi les 5 et 6 novembre. Ce n’est certainement pas la dernière fois que les recteurs et rectrices devront défendre leur attachement aux étudiantes et étudiants provenant de l’étranger. Le 23 octobre dernier, le Parti Québécois, qui caracole en tête des sondages depuis plusieurs mois, a dévoilé son intention de réduire de moitié leur nombre au Québec au cours d’un éventuel premier mandat.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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