Un investissement de 635 M$ accueilli tièdement par la communauté de recherche

« C’est une annonce relativement répétitive puisqu’elle concerne des programmes stables », remarque Jim Woodgett.

16 juin 2021
Lab technician

C’est avec un certain détachement que la communauté de la recherche a accueilli l’investissement de plus de 635 millions de dollars qu’a annoncé François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, le 15 juin.

Selon M. Champagne, cet investissement destiné à « faire progresser [les] meilleures idées, découvertes et innovations » financera 4 800 chercheurs, 156 chaires de recherche et plus de 1 300 projets de recherche. Des enjeux comme la lutte au coronavirus, les changements climatiques, le racisme et la justice sociale compteront parmi les sujets étudiés.

Avec cette annonce, le ministre veut faire du Canada un chef de file du secteur de l’innovation dans le monde et stimuler l’économie du savoir. Prenant part à l’événement, Ted Hewitt, président du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et du Comité directeur du Programme des chaires de recherche du Canada, a tenu à saluer l’investissement et le soutien accordé à la recherche en science humaine. « Le CRSH se réjouit de l’appui du Canada et de votre reconnaissance quant au rôle essentiel que joue la recherche en science humaine dans la résolution de certains des plus grands conflits de notre époque. Ce rôle a été mis en évidence tout au long de la pandémie de COVID-19. »

Le directeur de l’Unité de recherche en physiologie moléculaire de l’Institut de recherches cliniques de Montréal et professeur agrégé à l’Université de Montréal, Mathieu Ferron, ne partage pas cet enthousiasme. Il a plutôt eu une impression de déjà-vu. Il se rappelle qu’une annonce du même type il y a quelques années avait semé la confusion chez certains de ses collègues qui avaient cru qu’il était question d’une bonification du financement alors que ce n’était pas le cas. « D’après moi, il n’y a pas d’argent neuf là-dedans. Oui, ils soutiennent la science, mais dans le fond, ce sont les budgets qu’on a à chaque année pour la science. »

Même son de cloche du côté de Jim Woodgett, chercheur principal à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum à Toronto, « c’est une annonce relativement répétitive puisqu’elle concerne des programmes stables », écrit-il avant de préciser que tous les encouragements incitant le gouvernement à continuer à investir en science sont les bienvenus.

Celui-ci qui estime que le financement fédéral passant par les Chaires de recherches et les conseils subventionnaires est la base de la capacité scientifique du Canada n’a pas hésité ces dernières années à réclamer un réinvestissement significatif de la part du gouvernement. « Une fois de plus, nous avons eu la preuve que la science était essentielle à la vie moderne et qu’il est primordial d’avoir de tels investissements afin de soutenir les avancées de la recherche », ajoute-t-il en faisant référence à la pandémie de COVID-19.

Si le ministre Champagne positionne cet investissement comme en étant un qui permet de préparer les étudiants et les scientifiques à devenir des chefs de file mondiaux, M. Ferron soutient au contraire que le Canada traîne de la patte sur ce plan. Pour ce dernier, le taux de succès aux demandes de subvention aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) permet de mesurer les investissements en recherche. « Au début des années 2000, [le taux de succès] était autour de 30 pour cent et maintenant, on est autour de 15 pour cent. En fait, ce n’est pas que le budget a décliné, c’est qu’il n’a jamais augmenté », soutient celui qui attend toujours les réinvestissements majeurs réclamés par le rapport Naylor. Le rapport publié en 2017 recommandait une augmentation des dépenses fédérales annuelles en recherche de neuf pour cent sur quatre ans, pour un budget total de 4,8 milliards de dollars.

This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.