Un sérieux coup de pouce à la recherche fondamentale canadienne
L’injection de trois milliards de dollars dans la recherche et l’appui accordé à la « nouvelle génération de chercheurs » occupent une place prépondérante dans le budget fédéral de 2018.
Dans le budget qu’il a déposé le 27 février dernier, le gouvernement a fait ce qu’il convient d’appeler la plus importante augmentation du financement de la recherche fondamentale à ce jour. Il s’est entre autres engagé à accorder 1,7 milliard de dollars sur cinq ans aux trois organismes subventionnaires et un financement stable à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI); il a exprimé son appui aux chercheurs en début de carrière et fait de l’équité un élément transversal du document budgétaire.
Les milieux universitaire et de la recherche attendaient avec intérêt de savoir jusqu’à quel point le gouvernement adopterait les recommandations contenues dans le rapport Naylor, commandé par la ministre des Sciences Kirsty Duncan, et rendu public en avril 2017. Le budget de l’an dernier n’accordait ni nouveau financement aux trois principaux organismes subventionnaires ni financement stable à la FCI. Cette année, c’est en le qualifiant « d’investissement historique en science » que les groupes d’universitaires et de chercheurs parlent du budget.
Au cours des cinq prochaines années, le gouvernement accordera 925 millions de dollars aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). Le nouveau Fonds pour les trois conseils qui appuiera la recherche interdisciplinaire et à haut risque recevra la première année un montant supérieur à celui qui était recommandé. Ce fonds est directement lié aux objectifs du Comité de coordination de la recherche mis sur pied en octobre 2017 dans le but d’harmoniser les programmes et les politiques des organismes subventionnaires et de la FCI. Le montant annoncé pour la recherche fondamentale représente un peu plus de la moitié de ce que recommandait le rapport Naylor. Afin d’appuyer les coûts indirects de la recherche, la somme de 231 millions de dollars sur cinq ans est aussi allouée au Fonds de soutien à la recherche.
Au-delà des considérations financières, le budget et l’examen du soutien fédéral aux sciences ont permis d’entamer un dialogue sur la manière d’améliorer l’écosystème de recherche, explique Martha Crago, membre du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, et vice-principale à la recherche et à l’innovation à l’Université McGill. « Je pense qu’il s’agit d’un budget très étonnant qui a montré beaucoup d’ouverture à ce que contenait le rapport Naylor, dit-elle. Comme c’est un budget pluriannuel, il nous permet d’avoir une feuille de route pour l’avenir. »
Le budget contient en outre une enveloppe de 210 millions de dollars sur cinq ans destinée au Programme des chaires de recherche du Canada, ce qui pourrait donner lieu à la création de 250 chaires de recherche supplémentaires d’ici 2020-2021. « [Cet investissement vise à] soutenir les chercheurs en début de carrière tout en assurant une plus grande diversité parmi les chercheurs sélectionnés et un nombre accru de femmes nommées à des chaires de recherche du Canada, » signale le document budgétaire.
Depuis le dépôt du budget, le milieu canadien de la recherche s’est exprimé : Jim Woodgett, directeur de recherche à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tannenbaum de Toronto, a commenté sur Twitter « C’est un budget favorable à la science [canadienne], sans en faire la grande gagnante, car il s’agit d’un investissement pour le Canada qui vient corriger les négligences du passé. »
Holly Witteman, professeure-chercheuse agrégée au département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université Laval, admet en entrevue avoir été émue par le clin d’œil de connivence du budget au rapport sur l’examen du soutien fédéral aux sciences, mais comme chercheuse en santé, elle se dit préoccupée : « Je crois qu’il est évident que, après le budget de l’an dernier qui accordait zéro dollar, celui-ci est meilleur, mais il y a encore place à l’amélioration. Je suis préoccupée par l’équilibre entre [coûts de fonctionnement, salaires, infrastructure et coûts indirects de la recherche, » avoue-t-elle.
Alors que les étudiants aux cycles supérieurs, les chercheurs en formation et les chercheurs postdoctoraux profiteront d’un financement global accru, le gouvernement verra au cours de la prochaine année à leur accorder directement du soutien sous forme de bourses d’études et de recherche, précise le document budgétaire. Vanessa Sung, coprésidente de Dialogue Sciences et Politiques, de Montréal, qui a lancé la campagne Students 4 the Report (Les étudiants en faveur du rapport), affirme pour sa part que le budget représente un important pas en avant. « Nous sommes certainement heureux de cet investissement initial, explique-t-elle. Au fil de la campagne, nous nous sommes sentis de plus en plus inclus dans le groupe des intervenants. Le milieu a fait preuve d’une remarquable cohésion. »
Katie Gibbs, directrice générale de l’organisation Evidence for Democracy, est d’accord : « Ce n’est pas par hasard si la science a connu un tel succès dans le budget de 2018. C’est parce que, au cours de la dernière année, le milieu de la recherche a su se serrer les coudes et promouvoir ses intérêts comme jamais auparavant. »
Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, accorde aussi le mérite des résultats positifs au milieu de la recherche qui a fait campagne à l’unisson. « Ce qui est très significatif, c’est que le gouvernement a particulièrement investi dans la recherche autonome, axée sur la découverte et entreprise par les chercheurs, précise M. Davidson. Et c’était la principale recommandation du rapport Naylor – laisser les chercheurs faire leur travail sans cibler ni diriger […]. En résumé, la ministre Duncan a commandé une étude, le milieu de la recherche s’est regroupé, et le gouvernement a écouté. »
Principales annonces budgétaires touchant les universités :
- IRSC : 354,7 millions de dollars sur cinq ans (90,1 millions par année par la suite) aux IRSC
- Les IRSC regrouperont le Programme de partenariats pour l’innovation en cybersanté et le Programme de démonstration des principes en un seul programme de recherche en collaboration avec l’industrie.
- CRSNG : 354,7 millions de dollars sur cinq ans (90,1 millions par année par la suite) au CRSNG
- Le CRSNG regroupera les subventions d’engagement partenarial, le Programme des professeurs-chercheurs industriels, les subventions Connexion et les subventions de partenariat stratégique pour les réseaux et les projets et les subventions pour les Bourses Expérience en un seul programme de subventions de recherche et de développement coopératifs.
- CRSH : 215,5 millions de dollars sur cinq ans (54,8 millions par année par la suite) au CRSH.
- Nouveau fonds pour les trois conseils : 275 millions de dollars sur cinq ans, et 65 millions par année par la suite, pour soutenir la recherche internationale, interdisciplinaire, présentant des risques élevés et demandant des résultats rapides. Son administration sera confiée au CRSH au nom des trois conseils subventionnaires.
- Programme des chaires de recherche du Canada : 210 millions de dollars sur cinq ans, et 50 millions de dollars par année par la suite, [pour créer jusqu’à] 250 chaires supplémentaires pour les chercheurs en début de carrière d’ici 2020-2021.
- Fonds de soutien à la recherche : 231,3 millions de dollars sur cinq ans, et 58,8 millions de dollars par année par la suite, au CRSH, qui administrera le programme au nom des trois conseils subventionnaires.
- FCI : 763 millions de dollars sur cinq ans [y compris] un montant de 160 millions pour apporter un soutien accru aux installations de recherche majeures du Canada par l’intermédiaire du Fonds des initiatives scientifiques majeures de la FCI. Le gouvernement propose aussi d’établir un financement permanent de 462 millions de dollars par année d’ici 2023-2024 pour les outils et l’infrastructure de recherche soutenus par l’intermédiaire de la FCI.
- Données massives : 572,5 millions de dollars sur cinq ans, et 52 millions par année par la suite, afin de mettre en œuvre une stratégie pour l’infrastructure de recherche numérique qui offrira aux chercheurs partout au Canada un accès plus ouvert et équitable en matière de ressources de calcul avancé et de données massives.
- Lutter contre la violence fondée sur le sexe sur les campus : jusqu’à 5,5 millions de dollars sur cinq ans à Condition féminine Canada, afin de collaborer avec des intervenants (y compris les provinces et les territoires) à l’élaboration d’un cadre national qui garantira l’adoption d’approches uniformes, complètes et viables pour lutter contre la violence fondée sur le sexe dans les établissements postsecondaires. À compter de 2019, dans le cas des universités et des campus collégiaux qui ne mettent pas en œuvre les pratiques exemplaires contre les agressions sexuelles sur le campus, le gouvernement du Canada envisagera de retirer le financement fédéral.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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