La biologiste pionnière Anne Innis Dagg obtient son dû
Après s’être vue refuser la titularisation parce qu’elle est une femme, et ce, malgré ses recherches brillantes, la « reine des girafes » reçoit enfin la reconnaissance qu’elle mérite.
À la fin de la présentation du documentaire The Woman Who Loves Giraffes (La Femme qui adore les girafes) ce printemps à Toronto, le public se lève, les larmes aux yeux. Il se lève de nouveau quand Anne Innis Dagg, sujet du documentaire, monte sur scène sourire aux lèvres, vêtue d’un chemisier jaune orné de girafes. Durant la séance de questions qui suit la projection, une troisième ovation a lieu lorsqu’un ancien étudiant de Mme Dagg de la promotion de 1965 prend la parole. « De toute évidence, vous exercez dans le milieu scientifique un leadership hors du commun depuis 54 ans, en particulier par l’affirmation de votre identité. Je vous salue et demande au public de se lever pour applaudir une femme exceptionnelle. »
Plus tard, au fond du théâtre, la foule se presse autour de Mme Dagg, âgée de 86 ans. « C’est une vedette maintenant », explique Alison Reid, la réalisatrice du documentaire. Mme Dagg provoque la même réaction à chacune des projections auxquelles elle assiste en Amérique du Nord. « Je suis heureuse qu’elle obtienne cette reconnaissance et toutes ces marques de distinction amplement méritées. »
En effet, pendant presque toute sa carrière, Mme Dagg n’a reçu que très peu d’encouragements. Elle s’est rendue en Afrique du Sud en 1956, au début de l’apartheid, pour observer les girafes. Elle y est allée seule, sans l’aide d’aucune université ni quelque autre ressource que ce soit. Mme Dagg a probablement été la première personne au monde à faire l’observation scientifique systématique de grands mammifères sauvages. Ce n’est que quatre ans plus tard que Jane Goodall a fait son premier voyage en Tanzanie pour étudier les chimpanzés.
Mais contrairement à Mme Goodall, Mme Dagg n’est pas devenue célèbre après son voyage. Malgré un doctorat, plusieurs années d’enseignement et la publication d’articles dans des revues à comité de lecture, elle a vu sa demande de permanence refusée par l’Université de Guelph en 1972.
« Comme je l’ai mentionné dans le documentaire, cette décision a gâché sa carrière », explique Sandy Middleton, ancien professeur de zoologie à l’Université de Guelph, aujourd’hui à la retraite. M. Middleton était l’un des membres – tous de sexe masculin – du comité de permanence et de promotion qui a examiné la demande. Il dit qu’il a été le seul à voter en sa faveur. Mme Dagg a donc travaillé à temps partiel à l’Université de Waterloo et, pendant ses temps libres et à ses frais, a continué d’écrire des livres et des articles sur les animaux, l’environnement et l’inégalité entre les sexes dans les milieux universitaire et scientifique. « C’est dans ma nature, dit-elle à propos de sa productivité, elle qui se qualifie de citoyenne scientifique. J’ai toujours besoin de rester occupée. »
Grâce à sa ténacité, à son éthique de travail et à son esprit inquisiteur, Mme Dagg a mené une carrière discrète, mais non moins importante. Bien qu’elle ait toujours su que son livre de 1976 intitulé The Giraffe: It’s Biology, Behavior, and Ecology (La Girafe : biologie, comportement et milieu) se soit bien vendu, elle ignorait jusqu’à récemment qu’il constituait une « bible » pour les biologistes du monde entier qui étudient ce grand mammifère.
« Cet ouvrage représente la principale étude sur le sujet jusqu’à maintenant. Aujourd’hui encore, c’est le livre à consulter », explique Jason Pootoolal, zoologiste à Cambridge, en Ontario, qui s’est occupé des girafes lorsqu’il travaillait au parc animalier African Lion Safari, situé dans la région.
Mme Dagg a été la première personne au monde à aborder dans ses publications la question des comportements homosexuels chez les animaux. Elle a dénoncé le fait que les biologistes imposaient des valeurs sociales humaines – et des motifs sexistes – dans leurs descriptions des comportements animaliers. Parallèlement, ses travaux sur la discrimination par le sexe dans le milieu universitaire ont mis en lumière divers problèmes tels que l’inégalité des salaires et les effets discriminatoires des règles anti-népotisme sur les femmes des membres du corps professoral. « Elle croit beaucoup aux publications et à la diffusion des connaissances, sans aucune manipulation des faits. C’est une véritable pionnière », ajoute M. Pootoolal.
Aujourd’hui, Mme Dagg reçoit les excuses, les récompenses et les acclamations qui lui sont dues. Certains diraient que c’est trop peu, trop tard.
Née en 1933, Anne Innis semblait destinée à une carrière universitaire – d’ailleurs, les quatre enfants Innis ont fait des études supérieures. Son père, Harold Innis, était un professeur renommé d’économie politique dont un collège de l’Université de Toronto porte le nom. Sa mère, Mary Quayle Innis, était une auteure et rédactrice en chef prolifique qui a occupé le poste de doyenne des étudiantes au collège universitaire de l’Université de Toronto. C’est elle qui emmène Anne au zoo Brookfield, à Chicago, où la fillette de trois ans voit sa première girafe. « Depuis, j’ai toujours voulu en savoir plus sur ce magnifique animal », écrira-t-elle en 2016 dans ses mémoires Smitten by Giraffe (Amoureuse des girafes), publiés par les presses universitaires McGill-Queen’s.
Après des études secondaires à la Bishop Strachan School (le peintre Robert Bateman a été son premier petit ami, se souvient-elle), un diplôme en biologie et une maîtrise en génétique à l’Université de Toronto, Anne commence à préparer son voyage en Afrique. Un de ses professeurs lui suggère d’écrire à un directeur de ranch en Afrique du Sud dont il a entendu parler. Elle s’exécute et signe sa lettre A. Innis – ses autres demandes ayant été rejetées parce qu’elle était une femme.
Au ranch Fleur de Lys, Anne étudie une trentaine de girafes par jour et note dans les moindres détails leurs activités toutes les cinq minutes. Elle recueille des feuilles dont les girafes se nourrissent pour comprendre leur alimentation. Malgré la chaleur, elle élit domicile dans la Ford Prefect qu’elle s’est procurée pour 200 dollars, car les girafes interrompent leurs activités quand elle sort de la voiture. Cette méthode contraste avec celle de Jane Goodall lors de ses recherches sur le terrain. « Elle faisait entrer les chimpanzés dans sa tente et jouait avec eux. Je n’aurais jamais fait cela », explique-t-elle. Anne Innis ignore les règles de ségrégation – ainsi que les remarques acerbes à son endroit – et se lie d’amitié avec des Noirs sur le bateau qui l’emmène en Afrique et le trajet du retour. Au ranch, elle tisse des liens étroits avec deux enfants africains.
Après le voyage, en 1957, Anne épouse le physicien Ian Dagg, qui partage sa passion du tennis. Il accepte un poste de professeur à l’Université de Waterloo. Mme Dagg enseigne, puis fait un doctorat en comportement animal, et le couple a trois enfants. Ian Dagg colle sur les murs du bureau de sa femme les pellicules des films qu’elle avait tournés en Afrique afin qu’elle puisse analyser le pas des girafes. Elle découvre ainsi que cet animal ne peut pas trotter. Elle se rappelle que les enfants voulaient l’aider, assis sur ses genoux.
Un an après l’obtention de son grade en 1967, Mme Dagg devient professeure adjointe à l’Université de Guelph. Lorsqu’elle présente sa demande de permanence, elle a déjà publié 20 articles sur des sujets tels que le comportement des girafes, leurs préférences alimentaires, la locomotion de différents animaux et la population d’oiseaux dans la région de Waterloo, notamment dans le Journal of Zoology, les Proceedings of the Zoological Society of London, Mammalia et la Revue canadienne de zoologie.
Pour justifier son refus, le comité de permanence prétend que le programme de recherche de Mme Dagg n’a pas été clairement établi et qu’elle n’a publié aucun article dans des revues prestigieuses. « En ce qui me concerne, c’était vraiment une excuse bidon, affirme M. Middleton. Les femmes ne réussissaient pas dans mon département », ajoute-t-il, se rappelant qu’une femme avait obtenu sa permanence à la même époque, mais parce que son mari effectuait des tâches techniques importantes pour le doyen. Quelques années après ce refus, une autre candidate compétente voit aussi sa candidature rejetée.
« Tous mes espoirs se sont alors anéantis », explique Mme Dagg dans le documentaire. L’Université de Waterloo lui ayant déjà clairement indiqué qu’elle n’engagerait aucune femme mariée à un poste à temps plein, elle pose sa candidature à l’Université Wilfrid Laurier, mais un homme moins qualifié qu’elle obtient le poste. Mme Dagg porte plainte à la Commission ontarienne des droits de la personne. Son dossier traîne pendant des années, puis sa plainte est rejetée.
« Maman était très déprimée dans les années 1970 », se rappelle sa fille Mary Dagg. Amy Phelps, zootechnicienne au zoo de San Francisco, connaît Mme Dagg. Elle déclare : « Anne aurait très bien pu s’apitoyer sur son sort. Mais ses revers ont plutôt été une source de motivation. » Elle fonde la maison d’édition Otter Press, publie un livre de son mari, puis son premier livre intitulé Mammals of Waterloo and South Wellington (Mammifères de Waterloo et de South Wellington). D’autres ouvrages suivront. À partir de notes prises en Afrique, elle écrit The Giraffe avec un ancien camarade de classe, Bristol Foster, et l’ouvrage est publié par une maison d’édition aux États-Unis.
En 1978, Mme Dagg travaille à temps partiel au programme d’études intégrées de l’Université de Waterloo. Ce programme, qu’elle dirige même pendant un certain temps, deviendra le programme d’études indépendantes. En 1992, elle est conseillère de Cory Doctorow. Maintenant journaliste et auteur de science-fiction, M. Doctorow veut rédiger sa thèse sur la technologie en hypertexte et la présenter sur un CD-ROM. « Anne est montée au front pour moi », se souvient-il. L’Université refuse et exige une version papier. « Bien qu’elle exige une rigueur absolue, elle ne s’embarrasse pas des conventions », ajoute-t-il.
Mme Dagg continue d’écrire et de publier, mais sépare ces activités de son enseignement. « Personne ne m’en a jamais parlé, dit-elle au sujet de ses collègues de l’Université de Waterloo. Personne ne m’a demandé ce que je faisais, car tout le monde présumait que je ne faisais rien. » Mary croit que sa mère tient son éthique de travail rigoureuse de l’éducation qu’elle a reçue. « Son père et sa mère travaillaient tout le temps. Pour elle, il est normal de travailler et d’écrire quand elle est à la maison. » En plus de la seconde édition du livre The Giraffe en 1982, elle a publié des dizaines d’articles et une vingtaine de livres tout au long de sa carrière. Et d’autres sont encore à venir, dont des livres pour enfants sur les animaux et un livre sur sa mère.
Au fil des ans, la maison Otter Press est à peine rentable, mais Mme Dagg gagne un peu d’argent avec son enseignement et son écriture. Elle dit souvent à ses enfants : « Je m’occupe des voyages. » En effet, c’est elle qui paie les voyages en famille et le salaire de son mari couvre les dépenses courantes.
Lorsque M. Dagg meurt subitement en 1993, terrassé par une crise cardiaque lors d’un de leurs matchs de tennis habituels du vendredi soir, Mme Dagg continue d’écrire et poursuit son travail de sensibilisation. Elle renoue avec un ancien ami d’université, le professeur de sciences politiques Alan Cairns, veuf lui aussi, et ils seront conjoints de fait jusqu’au décès de M. Cairns l’an dernier.
Mme Dagg s’est butée à un sexisme flagrant dans ses interactions avec les universités, mais l’objet de ses travaux de recherche a aussi pu constituer un obstacle. « Les girafes étaient perçues comme de belles grosses vaches stupides, explique Mme Phelps à San Francisco. Elles ne faisaient l’objet d’aucune étude sérieuse, contrairement aux grands singes, aux éléphants et aux gros carnivores. » Selon Jonathan Newman, ancien doyen du collège de sciences biologiques de l’Université de Guelph, l’étude des girafes peut poser d’importants défis. « Plus l’animal est gros, plus il est difficile d’en tirer des données scientifiques valables et d’obtenir des répétitions. » De plus, les girafes vivent loin du Canada.
Citoyenne scientifique sans aide financière, Mme Dagg se détourne de son premier amour pour aborder un autre sujet : les hypothèses sexistes dans la science. En 1983, dans Harems and Other Horrors: Sexual Bias in Behavioral Biology (Harems et autres horreurs : les préjugés sexistes en biologie comportementale), elle dénonce le fait que les scientifiques (des hommes pour la plupart) appliquent aux animaux leurs conceptions genrées de la sexualité, par exemple en qualifiant les femelles de « saintes-nitouches » ou d’« aguicheuses ». En 2004, une dispute par articles interposés sur l’infanticide chez le lion avec le biologiste américain Craig Packer – qui la traite de « scientifique marginale » ayant une « obsession bizarre » – la pousse à écrire Love of Shopping is not a Gene: Problems with Darwinian Psychology (L’Amour du magasinage n’est pas un gène : les problèmes de la psychologie darwinienne). Dans ce livre, elle établit un rapport entre les hypothèses sur les animaux, le caractère inévitable de la guerre et l’infériorité des femmes et des minorités, et les failles de la psychologie darwinienne.
« Ce livre m’a transformé, explique M. Doctorow, qui a révisé l’ouvrage. J’ai compris que j’avais accepté des concepts qui ne résisteraient pas à un examen le moindrement rigoureux. Je parle encore de ce livre aujourd’hui. »
Entre-temps, son expérience négative du milieu universitaire – y compris le fait que ses collègues à temps partiel de sexe féminin et elle gagnent moins que les hommes – incite Mme Dagg à s’intéresser aux questions de genre dans les universités. En 1988, MisEducation: Women & Canadian Universities (Éducation manquée : les femmes et les universités canadiennes) explique à l’aide de sondages et de données statistiques l’ampleur de la discrimination selon le sexe dans les universités du Canada. En 2001, son livre The Feminine Gaze (Le regard féminin) souligne le travail des auteures non romanesques du Canada.
« Je crois en partie que le fait de ne pas avoir obtenu sa permanence lui a été bénéfique, déclare sa fille Mary. Elle a pu se concentrer sur un autre enjeu crucial, le manque de respect envers les femmes, pas seulement dans les universités, mais dans tous les milieux. »
Il y a dix ans, Mme Phelps, alors responsable des girafes au zoo d’Oakland, participe à la création de l’International Association of Giraffe Care Professionals et à la planification de la première conférence du groupe, qui a lieu en Arizona en 2010. Elle souhaite que l’auteure du livre qu’elle avait toujours sur elle depuis l’adolescence soit présente. « Cette femme avait été tellement importante pour nous… mais personne ne la connaissait. »
Mme Phelps demande l’aide de Lisa Clifton-Bumpass, conseillère en comportement animal et ancienne policière. Les deux femmes avaient travaillé ensemble au zoo et dressé une girafe arthritique afin qu’elle accepte plus facilement ses traitements contre la douleur. Puisque Mme Clifton-Bumpass n’avait jamais eu de contact avec cette espèce auparavant, Mme Phelps lui donne un exemplaire du livre The Giraffe. Après quelques recherches, Mme Clifton-Bumpass trouve les coordonnées de Mme Dagg et Mme Phelps prend contact avec elle.
Lorsqu’elle apprend toutes les épreuves que l’auteure a traversées, Mme Phelps sait que Mme Dagg doit être présente à la conférence coûte que coûte. « Il était très important que son histoire soit entendue et que le milieu scientifique lui témoigne le respect qu’il lui refuse depuis 50 ans. » Mme Dagg se rend à la conférence, fait un exposé et reçoit le Pioneer Award (un prix d’excellence qui porte maintenant son nom et que les organisateurs de la conférence décernent chaque année). « Elle a été polie et aimable, et vraiment étonnée, je crois, d’apprendre à quel point elle nous a tous inspirés », explique Mme Phelps. M. Pootoolal, qui assistait à la conférence, dit que Mme Dagg l’a abordé avec une courtoisie empreinte de déférence. « C’est la reine des girafes et pourtant, elle agissait avec beaucoup d’humilité », ajoute-t-il.
La conférence a permis à Mme Dagg de rencontrer les plus grands spécialistes de la girafe au monde. « C’est très agréable. Lorsque j’assiste à une conférence, je connais plein de gens et ils me connaissent aussi », dit-elle. « Elle a retrouvé de l’énergie, raconte Mary. Pendant des années, elle a travaillé seule sans jamais savoir que ses travaux touchaient autant de gens. Elle vivait dans une espèce de bulle. »
Aujourd’hui, cette bulle a incontestablement éclaté. En 2011, l’émission Ideas sur la chaîne radiophonique CBC diffuse un reportage sur Mme Dagg qui capte l’attention de Mme Reid. Celle-ci veut d’abord réaliser un film scénarisé sur sa vie, mais opte finalement pour un documentaire.
Entre-temps, Cambridge University Press souhaite rééditer le livre sur les girafes. Mme Dagg fait appel à ses nouveaux collègues pour connaître les résultats des plus récents travaux de recherche. « Je peux les appeler quand j’ai besoin d’explications », dit-elle. Avant que la nouvelle édition paraisse en 2014, elle publie une lettre dans le quotidien The Globe and Mail pour expliquer les erreurs qu’elle a commises à propos de l’anatomie et du comportement social de la girafe dans les éditions antérieures. « Elle reconnaît s’être trompée », dit Mme Phelps avec admiration.
Peu de temps après, Mme Dagg retourne enfin en Afrique. C’est Mme Clifton-Bumpass, elle-même passionnée par les girafes et admirative du travail de Mme Dagg, qui lui propose un voyage au Kenya en 2013. Deux ans plus tard, Mme Dagg visite le ranch Fleur de Lys, mais des routes pavées balafrent le paysage et la population de girafes a diminué de façon spectaculaire. La même année, elle participe à un reportage dans le cadre de l’émission The Nature of Things de la CBC qui souligne la décroissance des troupeaux de girafes, puis, en 2016, elle publie son autobiographie, Smitten by Giraffe.
Aujourd’hui, grâce au documentaire, l’histoire de Mme Dagg touche de nouveaux publics, et la biologiste reçoit de nombreux hommages y compris de l’école Bishop Strachan. L’Université de Guelph a organisé une présentation du film en février dernier. M. Newman y a prononcé une allocution et lu une lettre d’excuses au nom du provost et du vice-doyen aux affaires universitaires, annonçant la création d’une bourse estivale de recherche au nom d’Anne Innis Dagg. « Notre objectif était de permettre aux étudiants de voir le documentaire et de discuter avec Mme Dagg par la suite, explique-t-il. Nous voulions aussi nous excuser pour ce que le milieu lui a fait subir. »
Pour Mme Dagg, cet acte de contrition a un goût doux-amer. « Ils n’avaient pas le choix, dit-elle à propos des excuses de l’Université. Tout le monde s’entend pour dire que leur façon d’agir a été épouvantable. » Selon Mary, le film a rouvert de vieilles blessures, et sa mère le regarde chaque fois qu’il est présenté. « Et chaque fois, elle en veut à l’Université. » Mme Dagg qualifie le doyen ayant refusé sa permanence d’« homme horrible » et trouve
« dégoûtant » que le corps professoral ait été majoritairement composé d’hommes à l’époque.
Dans sa maison, les girafes sont omniprésentes – en peluche, sur des tasses à café et même sur des tableaux peints par son ami de longue date Robert Bateman –, mais les nombreuses années passées à les étudier et à les protéger lui manquent. « Je suis heureuse de présenter Anne à la jeune génération de zoologistes pour montrer à ces femmes que la porte n’a pas toujours été ouverte, explique Mme Phelps. Certaines ont dû la défoncer à coup de sang, de sueur et de larmes. »
Mais d’autres femmes du milieu universitaire n’obtiendront jamais leur dû. « Les histoires de femmes qui, comme Anne, ont réalisé des travaux importants sans aucune reconnaissance sont nombreuses », dit Mme Reid. Aujourd’hui, Mme Dagg savoure humblement son statut de vedette et jette sur son long parcours un regard différent. « Je suis beaucoup plus heureuse maintenant. J’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’important. »
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