Les complexités du captage et stockage de carbone

Le Canada est un chef de file dans le captage et le stockage du carbone, mais cette technologie n’est qu’une solution temporaire selon certains experts.

18 décembre 2019
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Cet article est un sommaire de l’article « The complexities of carbon capture and storage ».

Dans une plaine balayée par les vents tout juste au nord d’Edmonton, le soleil illumine l’énorme complexe industriel de Scotford. Son usine de valorisation transforme l’épaisse substance issue des sables bitumineux en pétrole brut synthétique, qui deviendra ensuite du carburant et d’autres produits. Cette raffinerie, contrairement à d’autres, comporte une annexe particulière : l’installation Quest de captage de carbone. Le CO2 y est séparé des émissions de gaz générées par le processus de valorisation. Le CO2 capté est chauffé et comprimé. Puis, sous forme liquide, il est transporté par pipeline 65 km plus loin, où il est injecté dans des réservoirs salins deux kilomètres sous terre. Il y sera stocké définitivement.

En mai 2019, l’installation Quest a franchi le cap des quatre millions de tonnes de CO2 stockées, ce qui correspond aux émissions annuelles d’un million de voitures. Depuis sa mise en service en 2015, Quest a stocké plus de CO2 que toute autre installation semblable dans le monde. Son taux de stockage annuel est également le plus élevé. Plusieurs autres nouvelles installations canadiennes travaillent aussi à faire évoluer la technologie de captage et de stockage de carbone (CSC).

Un nombre croissant de scientifiques estiment qu’il faut miser sur la technologie de CSC pour éviter un réchauffement mondial de plus de deux degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, un seuil qui entraînerait des changements majeurs et potentiellement irréversibles à l’écosystème planétaire. « La technologie de captage et de stockage de carbone est une avenue très prometteuse, affirme Don Lawton, professeur en géophysique à l’Université de Calgary. Le stockage réduit considérablement les émissions de CO2. Cette technologie peut être adoptée à grande échelle et coûte de moins en moins cher. Surtout, elle nous offre un moyen d’agir dès maintenant. »

Au Canada, les gouvernements et l’industrie investissent déjà massivement dans le CSC. Par exemple, le projet de 1,35 milliard de dollars de l’installation Quest a reçu du financement du gouvernement albertain (745 millions de dollars) et d’Ottawa (120 millions de dollars).

M. Lawton croit néanmoins que le CSC n’est qu’une solution temporaire dans la transition vers la réduction de la consommation de carbone. « Nous ne pouvons pas passer directement aux énergies renouvelables. Selon la plupart des prévisions, nous dépendrons des combustibles fossiles dans une certaine mesure jusqu’en 2050 ou 2060. »

Bien entendu, il faut s’assurer que le CO2 stocké dans le sol y reste. Le Containment and Monitoring Institute y travaille. Situé sur un terrain de 220 hectares près de Brooks, en Alberta, son centre de recherche est l’un des premiers voués à la surveillance et à la formation sur le CSC au Canada. Ce projet de sept millions de dollars est le fruit d’un partenariat entre CMC Research Institutes et l’Université de Calgary. Le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada finance les coûts de fonctionnement, et plusieurs multinationales apportent un financement additionnel.

« Pour que le procédé de CSC serve à des fins commerciales, il faut démontrer au public et aux organismes de réglementation qu’il est sécuritaire, indique M. Lawton, qui est aussi directeur du centre de recherche. Nous recherchons les technologies les plus efficaces pour s’assurer que le CO2 injecté dans le sol, reste sous terre. »

Malgré les progrès, certains ne sont pas convaincus des mérites du CSC. Selon Laurie Adkin, professeure au Département de sciences politiques à l’Université de l’Alberta, la solution à la crise climatique ne réside pas dans le CSC ni les autres technologies d’« énergies propres », que les gouvernements subventionnent fortement pour le compte de l’industrie des combustibles fossiles. « On cherche stratégiquement à prolonger l’extraction et la demande de combustibles fossiles », affirme Mme Adkin, ajoutant qu’il serait beaucoup plus efficace et moins risqué de diriger ces investissements vers les énergies renouvelables et l’augmentation de l’efficacité énergétique.

Pour leur part, les défenseurs du CSC soutiennent que cette technologie peut jouer temporairement un rôle essentiel, tandis que nous cherchons à améliorer les dispositifs de stockage d’énergie et progressons vers les énergies renouvelables. Steven Bryant, professeur en génie chimique et pétrolier à l’Université de Calgary, voit dans le CSC un moyen utile de ralentir les changements climatiques. Il estime toutefois que cette technologie ne suffira pas.

« Il n’existe pas de solution magique. Il faudra miser sur un éventail de technologies et réduire globalement la demande en énergie, soutient M. Bryant. Nous devons aussi mettre à profit les technologies qui éliminent le CO2 de l’atmosphère. Il nous faut penser à nos petits-enfants et nous y mettre dès maintenant. Si nous repoussons le moment d’agir, les générations futures nous en voudront. »

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