Les services aux étudiants ont-ils un problème de diversité?

Les questions de race et d’équité sont de plus en plus présentes dans ce milieu.

16 octobre 2019

Cet article est un sommaire de l’article « Does student affairs have a diversity problem? ».

Qu’il s’agisse du gestionnaire principal du programme de vie étudiante ou du chef de résidence, le personnel des affaires étudiantes a pour mandat de soutenir les étudiants tout au long de leur parcours universitaire, dans les bons et moins bons moments. Comme ce personnel influe directement sur l’expérience étudiante, il est important que les établissements postsecondaires canadiens investissent dans des équipes qui reflètent et représentent la clientèle étudiante. En intensifiant la diversification dans le milieu des affaires étudiantes, en particulier aux échelons supérieurs, ils offriraient des modèles inspirants aux étudiants et au personnel de l’université.

« Mes étudiants sont souvent découragés, mais ils reprennent confiance en me voyant, car ils savent que j’ai traversé les mêmes étapes qu’eux », explique Jen Gonzales, directrice générale des affaires étudiantes à l’Université Ryerson. Étudiante de première génération issue d’une grande famille équatoro-canadienne, Mme Gonzales s’est sentie minorisée tout au long de ses études au premier cycle il y a une quinzaine d’années. « J’ai composé avec cela toute ma vie, alors quand un étudiant me pose des questions à ce sujet, je comprends parfaitement ses préoccupations. »

« Cette expérience commune est un atout dans le domaine des affaires étudiantes, indique Nadia Rosemond, gestionnaire principale de la vie étudiante et de l’expérience internationale sur le campus Scarborough de l’Université de Toronto (U de T). Il nous est plus facile d’aider nos étudiants si nous comprenons ce qu’ils vivent, étant nous-mêmes philippins, noirs ou autochtones. »

Mme Rosemond cite l’exemple réel d’un étudiant ayant sollicité de l’aide en santé mentale en raison de microagressions sur le campus. Au premier rendez-vous, l’étudiant s’est vite rendu compte que le conseiller n’avait aucune idée de l’effet dévastateur des petites pointes de racisme, souvent inconscientes. Au lieu d’aborder diverses solutions avec le conseiller, l’étudiant a dû passer une partie de la séance à expliquer pourquoi ces microagressions étaient pernicieuses. Selon elle, une équipe plus diversifiée sur le plan racial pourrait optimiser les services à ces étudiants.

Illustration par Daiana Ruiz.

Enquête sur la question

Sania Hameed, qui exerce actuellement les fonctions de conseillère en information scolaire et professionnelle à l’U de T, a mené des recherches sur l’expérience des professionnels des affaires étudiantes racisés dans le cadre de sa maîtrise en éducation à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’U de T. « On m’a dit que c’était risqué, sur le plan professionnel, de m’attaquer à un tel sujet controversé », souligne-t-elle. « Mais qui voudrait évoluer dans un domaine où ces questions sont taboues? À l’instar de nombreux collègues, je vis cette expérience difficile qui a un caractère très personnel. Comment discuter d’enjeux systémiques “avec objectivité” sans s’appuyer sur des données? Je devais recueillir davantage d’information. »

Mme Hameed, qui a obtenu son diplôme en 2018, a réalisé une enquête auprès de 135 professionnels des affaires étudiantes de l’Ontario qui se disaient noirs, autochtones ou personnes de couleur. Elle a ainsi constaté que le personnel faisait lui aussi face à des microagressions sur le campus : confusion avec une autre personne de couleur, compétences remises en question par des collègues, sentiment d’être obligé d’accepter des responsabilités qui dépassent le cadre du poste.

Bon nombre de répondants avaient également l’impression que leur embauche était symbolique, qu’elle visait l’atteinte d’un quota en matière de diversité et qu’ils étaient « la personne de couleur de service » au sein de leur équipe. Par exemple, plusieurs avaient été désignés comme personne-ressource de l’équipe sur les questions de race et d’équité simplement parce qu’ils étaient les seules personnes de couleur.

Responsabilisation du domaine

Le manque de diversité saute aux yeux lors des grandes réunions sectorielles comme la conférence de l’Association des services aux étudiants des universités et des collèges du Canada (ASEUCC) ou l’assemblée annuelle de l’Ontario Association of College and University Housing Officers (OACUHO). « Les dirigeants de couleur sont rares. Il est difficile de trouver un modèle à suivre. Cette pénurie de dirigeants racisés amène le personnel des affaires étudiantes à se demander s’il y a inégalité, si la couleur de la peau est perçue comme un désavantage professionnel », précise Mme Hameed.

Mme Hameed voit ses travaux comme une amorce de réflexion et de changement dans le secteur canadien des services aux étudiants, mais également comme une première étape pour ceux qui estiment être les alliés dans leur milieu professionnel des membres racisés et minorisés. L’équité et l’inclusion relèvent d’un travail collectif, un travail qui demande aussi de repenser les activités des affaires étudiantes, ajoute-t-elle.

Ainsi, l’OACUHO a lancé un projet sur la diversité ethnique en 2018 dans le but de transformer le domaine. Celui-ci intégrait un sondage sur l’expérience au travail auprès des professionnels racisés. L’ASEUCC appuie les travaux de recherche comme ceux de Mme Hameed et propose des occasions de perfectionnement professionnel à l’intention du personnel racisé. Enfin, des universités comme l’Université de Toronto et l’Université Ryerson établissent des réseaux pour le personnel racisé de tous les départements.

« Même si nous sommes régis par des échéances et des budgets, il nous faut redéfinir nos priorités afin de renforcer l’appartenance au milieu professionnel. Ces chiffres sont-ils plus importants que l’écoute des membres du milieu? Les alliés doivent être ouverts à la critique et à la possibilité d’avoir tort. Ils doivent pouvoir accueillir les commentaires critiques et avoir la volonté de progresser ensemble », conclut-elle.

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