Repenser l’apprentissage par l’expérience à l’ère de la pandémie
Selon une directrice universitaire de l’apprentissage par l’expérience, si les méthodes doivent changer, les objectifs restent les mêmes.
Cet article est un sommaire de l’article « Re-imagining experiential learning during the pandemic ».
Mike Young, chargé de cours principal au Département des sciences de la Terre et de l’environnement de l’Université Dalhousie, offre deux cours largement axés sur l’apprentissage par l’expérience sur le terrain, où la présence physique des groupes d’étudiants est normalement requise. Lors d’un trimestre d’automne classique, il aurait dû faire participer son groupe de première année à six ou sept sorties éducatives d’une journée et à plusieurs excursions pédagogiques de deux jours. Au printemps, ce serait aux étudiants de quatrième année de partir 28 jours dans les déserts du Nevada et de la Californie. Mais, cette année, M. Young devra procéder autrement.
Avant le début de la pandémie de COVID-19, il avait commencé à recueillir certaines photos et vidéos sur le terrain afin d’initier virtuellement ses étudiants les moins férus de plein air au volet pratique du travail avant qu’ils s’aventurent sur le terrain. Il explique qu’à ce moment-là, il n’avait pas encore réfléchi à la façon de réunir son matériel pédagogique. « Je me suis dit que ce serait un processus de longue haleine », confie-t-il. Mais quand il a été clair qu’il faudrait tirer un trait sur le travail de terrain cet automne, l’urgence s’est fait sentir.
« J’ai retroussé mes manches avec enthousiasme et me suis ambitieusement proposé d’aider tout le monde. J’en suis ravi aujourd’hui, mais je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. »
M. Young a alors enrichi sa banque d’images en y ajoutant des séquences filmées par drone, des modèles 3D, des relevés photogrammétriques et d’autres clichés haute résolution. Il s’est également familiarisé avec de nouveaux logiciels et de nouvelles techniques. Au cours du trimestre d’automne 2020, il a été en mesure d’offrir ses excursions virtuelles à sept groupes différents. « J’ai retroussé mes manches avec enthousiasme et me suis ambitieusement proposé d’aider tout le monde, raconte-t-il. J’en suis ravi aujourd’hui, mais je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. »
L’expérience de M. Young reflète la réalité observée partout à travers le pays. Après le choc initial des mesures de confinement du printemps, il est devenu manifeste pour le milieu universitaire que le trimestre d’automne allait se dérouler à distance. En plus d’adapter leurs cours, de nombreux professeurs se sont attelés à repenser les activités pratiques ou celles qui se tenaient habituellement en personne. Cette remise à plat généralisée de l’apprentissage par l’expérience concerne des pans entiers de l’offre pédagogique, qu’il s’agisse des travaux sur le terrain, des simulations en direct, de l’expérimentation en laboratoire, des stages travail-études, des projets de recherche communautaires ou des activités d’apprentissage par le service.
De l’avis de Cara Krezek, directrice de l’enseignement coopératif, de la formation au choix de carrière et de l’apprentissage par l’expérience à l’Université Brock, les programmes les plus pratiques ont aussi été les plus touchés, comme les sciences appliquées, les sciences infirmières, les sciences de l’éducation et les études en loisirs et sports. Mme Krezek souligne que son constat fait d’ailleurs écho à une étude d’Enseignement coopératif et apprentissage en milieu de travail Canada (ECAMT Canada), dont elle est également présidente.
Les établissements postsecondaires ont été invités par ECAMT Canada à communiquer leur taux de placement pour 2020 et 2019. En date du 23 septembre dernier, 46 programmes d’apprentissage intégré au travail (AIT) — principalement de nature coopérative — dans 36 établissements avaient fait état de 18 316 placements. C’est certes moins que les 21 608 de 2019, mais « bien mieux que ce qui avait été envisagé », ajoute Mme Krezek.
Au mois de septembre, la Table ronde du milieu des affaires et de l’enseignement supérieur, qui comprend à la fois des entreprises privées et des établissements postsecondaires, a proposé le Défi : relançons le Canada afin d’accroître les possibilités d’apprentissage intégré au travail qui permettent d’aider le pays à se relever de la COVID-19. Financé par le gouvernement fédéral, ce concours national en ligne voit des équipes étudiantes relever 75 défis bien tangibles que la COVID-19 a imposés aux secteurs public, privé et à but non lucratif. Les participants ne sont pas rémunérés, mais peuvent obtenir du financement pour couvrir certaines dépenses.
L’intérêt des partenaires communautaires, y compris des organismes publics et à but non lucratif, est également grandissant. « Au début, nos partenaires communautaires hésitaient à accueillir des étudiants à distance ou en personne », se rappelle Vicki Lowes, directrice de l’apprentissage par l’expérience et de l’appui au rayonnement des services universitaires à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Toronto. Mais, elle a noté un changement d’attitude à la mi-septembre. « Dans l’un de nos cours de biologie humaine, intitulé Santé et collectivité, nous avons eu plus de demandes que d’étudiants disponibles. »
Selon Mme Lowes, même si la situation n’est pas revenue à la normale et que la plupart des stages d’apprentissage dans le milieu communautaire se font toujours à distance, les demandes d’accueil en personne ont repris à l’automne. Il devient cependant plus difficile de les satisfaire. « Nous avons dû élaborer des politiques et des procédures officielles strictes, explique-t-elle. Quand autorisons-nous les étudiants à y aller? Quelles garanties doivent nous apporter les employeurs? »
« Nos objectifs en matière d’apprentissage par l’expérience restent rigoureusement les mêmes. C’est notre méthodologie qui doit changer. »
Alors que les entreprises font face à de nouvelles règles et exigences, tout n’est finalement pas si différent dans la nouvelle réalité. Anita Abraham, directrice de l’apprentissage par l’expérience à l’Université Ryerson, affirme : « Nos objectifs en matière d’apprentissage par l’expérience restent rigoureusement les mêmes. C’est notre méthodologie qui doit changer. »
Mme Abraham précise que son équipe s’est concentrée sur les principes fondamentaux qui constituent l’essence de l’apprentissage par l’expérience. Il s’agit, selon elle, de « veiller à obtenir des résultats d’apprentissage, procurer une expérience organisée, et mettre en place une réflexion, une évaluation et une intégration efficaces. Cela nous donne beaucoup de latitude pour innover, sortir des sentiers battus et repousser les limites ». Elle révèle que la situation a poussé les professeurs à « réexaminer et repenser [leur offre pédagogique]. Quels sont les résultats d’apprentissage pour les étudiants? Que cherche-t-on réellement à leur inculquer? Peut-on parvenir au même résultat, mais d’une manière différente? ».
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