Pourquoi j’ai décidé de ne pas faire de doctorat après ma maîtrise

Conseils à l’intention des étudiants qui envisagent d’abandonner leurs études.

29 juillet 2019
man holding suitcase

En avril 2018, la CBC a publié un article sur des doctorants ayant décidé d’abandonner leurs études au profit d’une carrière hors du milieu universitaire. Ces étudiants ont fait le choix difficile de mettre fin à leurs travaux de recherche et ont dû par la suite reconstruire leur identité en dehors de l’université. Cet article m’a frappé parce que j’avais justement vécu la même expérience plus tôt cette année-là. J’avais en effet décidé de décliner une offre d’admission au doctorat après l’obtention de ma maîtrise.

Je n’aurais jamais cru qu’un jour j’abandonnerais les études doctorales, et, par le fait même, mon rêve de devenir professeur d’anglais. Pourtant, six mois après le début de ma maîtrise, j’ai commencé à avoir des doutes sur mes projets. La vie idyllique d’universitaire à laquelle j’avais toujours aspiré m’apparaissait de moins en moins attrayante. Je ne voulais plus subir la pression continuelle de la spécialisation, ni lire et écrire sur des sujets relevant davantage de la théorie que de la pratique. Je ne dormais plus qu’une nuit sur deux pour respecter les échéances et j’avais développé des habitudes alimentaires malsaines à cause du stress. De plus, je ressentais une grande culpabilité chaque fois que je passais du temps avec ma famille, mes amis ou mes étudiants de première année au lieu de lire, de terminer mes travaux ou de rédiger une demande de subvention.

J’ai traversé une période de honte après avoir pris ma décision. J’avais l’impression de décevoir mes professeurs (que je voyais comme des figures parentales), surtout ceux qui avaient pris la peine de rédiger des lettres de recommandation pour mon admission au doctorat. Puis, la peur a pris le relais. Pour la première fois de ma vie, je n’avais aucun plan de cours auquel m’en remettre.

Au cours des derniers mois, j’ai eu l’occasion de réfléchir longuement à ce qui comptait vraiment pour moi. Pendant ce temps, j’ai élaboré trois principes qui m’ont aidé à traverser cette période de transition difficile et qui m’ont permis de remettre les choses en perspective tout en ranimant ma curiosité et ma soif de connaissances.

1. Se reposer, se ressourcer et réapprendre à vivre

Il n’y a rien de mal à décrocher du tumulte quotidien pour prendre soin de sa santé mentale et physique, surtout après des études supérieures. William Deresciewicz, ancien professeur à l’Université Yale, conseille ceci aux étudiants qui ont décidé, comme lui, d’abandonner leur tour d’ivoire : « Prenez du temps pour retrouver un rythme qui vous convient, voir les choses sous un nouvel angle, rompre avec le cycle incessant du dépassement de soi et vous affranchir de la supervision constante. Découvrez le monde hors du milieu universitaire, élargissez vos compétences et cultivez de nouvelles habiletés. » Ne vous lancez pas immédiatement dans la recherche d’un emploi, comme vous le conseilleront sans doute vos proches. Pendant au moins un mois, consacrez-vous aux activités qui vous passionnent ou vous passionnaient, mais que vous avez mis en veilleuse au profit de vos études. Pour ma part, je me suis remis au piano et à la guitare dans les mois qui ont suivi l’obtention de ma maîtrise. Je me suis vite rappelé à quel point la musique me réjouissait et apportait un sens à ma vie quand j’étais étudiant au secondaire. J’ai donc poursuivi ma passion et je suis maintenant professeur de musique.

Surtout, faites en sorte de retrouver une alimentation et un rythme de sommeil sains, et aussi de rebâtir les relations que vous avez négligées pendant vos études supérieures. Sortez avec vos amis ou votre partenaire, allez aux fêtes d’anniversaire de vos proches et essayez simplement d’être plus présent lors de vos conversations.

2. Essayer quelque chose de nouveau

Après avoir pris le temps de renouer avec vous-même et vos proches, je vous conseille de travailler ou de faire du bénévolat dans un domaine que vous n’auriez jamais envisagé avant et que vous considériez comme n’étant pas digne de vous en tant qu’universitaire. Même si ces nouvelles expériences ne vous amènent pas à utiliser votre pensée critique comme vous le faisiez à l’université, vous en retirerez probablement de précieuses leçons qui vous seront utiles toute votre vie, ne serait-ce qu’en vous permettant de sortir de votre zone de confort. Après avoir quitté l’université, le premier emploi que j’ai occupé était celui d’enseignant de quatrième année. C’était une expérience très différente de toutes les précédentes, car j’avais déjà enseigné à des adolescents, mais jamais à des enfants. Ce travail m’a rendu plus humble, car malgré mes trois diplômes universitaires, j’ai constaté que j’en savais très peu sur les sujets abordés en quatrième année, comme les civilisations anciennes et la peinture impressionniste. J’ai aussi été étonné de voir à quel point certains de mes élèves étaient créatifs et ouverts sur le monde.

3. Se centrer sur le parcours et non sur la destination

Après avoir délaissé les études supérieures, je me suis tourné vers la philosophie stoïcienne. En effet, j’aime beaucoup les penseurs comme Sénèque qui croient qu’il est plus important de vivre des expériences enrichissantes au quotidien que de se demander où elles vous mèneront. Quand j’étais étudiant, je choisissais mes activités quotidiennes dans le seul but d’obtenir des références professionnelles, tout en écartant les expériences qui ne me serviraient pas directement à obtenir un emploi plus tard. Depuis, je m’efforce de m’éloigner de ce mode de pensée. J’espère dorénavant pouvoir prendre le temps d’apprécier encore plus le moment présent au lieu de penser sans cesse à l’avenir.

Évidemment, ce plan n’est pas une doctrine et vous êtes entièrement libre de suivre mes conseils ou non. Si vous êtes incertain du choix que vous ferez cet automne, sachez que vous n’êtes pas seul. De nombreux étudiants ont les mêmes questionnements. La vie est remplie d’incertitudes et « d’embûches, de luttes intérieures, de faux départs et de mauvais virages », comme le dit William Deresciewicz. Le plus difficile quand on abandonne les études supérieures, c’est de ne plus avoir de structure familière sur laquelle s’appuyer quand arrive septembre. Essayez de voir cette liberté retrouvée comme une occasion de croissance personnelle. Même si j’ai décidé de ne pas entreprendre de doctorat, je crois que les quatre prochaines années seront très enrichissantes et qu’elles me permettront d’apprendre à me connaître, ce que je n’aurais pas pu faire si j’avais poursuivi mes études supérieures.

Ryan Racine est titulaire d’une maîtrise en langue et littérature anglaises de l’Université Brock. Il est actuellement enseignant au secondaire et formateur au niveau collégial en Ontario.

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