Que se passe-t-il lorsque les conseillers d’orientation, qui aident naturellement, sont épuisés?
La nature de notre travail de praticiens du développement de carrière nous pousse à aider les autres, mais il ne faut pas oublier de prendre soin de nous-mêmes.
Au cours des dernières semaines, nos vies ont changé du tout au tout. Si vous avez la chance d’avoir conservé votre emploi, vous passez désormais des heures à l’ordinateur, car vous avez dû vous tourner vers Zoom et les courriels pour garder le contact avec vos collègues et vos étudiants. Vous avez l’impression d’y passer tout votre temps, et vivez peut-être un deuil, de la fatigue morale et de la peur. Il n’est pas rare de passer d’un extrême émotionnel à l’autre, parfois en l’espace d’une heure.
En tant que conseillers d’orientation et praticiens du développement de carrière, nous devons non seulement nous adapter, mais aussi penser à la façon d’aider les étudiants aux cycles supérieurs et la clientèle postdoctorale à atteindre leurs propres objectifs professionnels. Par la nature de notre travail, nous sommes des aidants. Mais que se passe-t-il lorsque nous aussi sommes épuisés?
Je ne peux m’empêcher de penser à la théorie d’Abraham Maslow, qui établit une hiérarchie des besoins : les besoins physiologiques (survie), la santé et la sécurité, l’amour et l’appartenance (besoins sociaux), l’estime, et l’accomplissement personnel (atteinte de son potentiel; créativité). En ces temps particuliers, cette théorie pourrait nous aider à explorer notre propre capacité à prendre soin de nous-mêmes et de nos clients (les étudiants).
1. Besoins physiologiques et survie
La pandémie touche tout le monde, mais chaque situation est différente. Prenons d’abord les besoins essentiels à notre survie. Les questions les plus élémentaires occupent notre esprit : notre famille est-elle en santé? A-t-elle de la nourriture, un toit et assez de papier hygiénique? Avons-nous accès aux denrées et aux produits de première nécessité dont nous avons besoin? Les conseillers et les clients qui ont des enfants ou des personnes à charge ont beaucoup de préoccupations d’ordre physiologiques qui occupent probablement la majorité de leur temps. Comme nous, nos étudiants n’arrivent parfois qu’à faire le strict minimum, voire moins. Notre tâche la plus importante sera alors de les orienter vers les services de soutien essentiels de l’université ou de la collectivité, comme les banques alimentaires et l’aide financière d’urgence.
2. Sécurité
En tant qu’êtres humains, nous aimons ce qui est ordonné, prévisible et gérable. Nous n’avons aucun contrôle sur la COVID-19, et ce qui arrivera dans une semaine est très difficile à prédire. Les répercussions sur la santé mentale ne doivent pas être sous-estimées, et de nombreuses organisations, comme l’Association canadienne pour la santé mentale, ont rassemblé des ressources de soutien psychologique en ces temps difficiles.
On peut affirmer que cet échelon de la pyramide englobe l’aide au perfectionnement professionnel, qui a une incidence positive démontrée sur la santé mentale. En ces temps incertains, ces services, et le rappel de leur existence, pourraient se révéler plus bénéfiques qu’il n’y paraît. En effet, les étudiants peuvent ainsi renouer un tant soit peu avec le sentiment de maîtriser leur propre destin.
3. Amour, appartenance et relations sociales
On peut suggérer que les recommandations d’éloignement physique touchent en premier lieu les relations sociales, car les contacts interpersonnels sont à redéfinir. Mais en temps de crise, il faut se tenir les coudes, même virtuellement. Depuis quelques semaines, le Réseau pour le perfectionnement aux études supérieures et postdoctorales organise des vidéoconférences Zoom hebdomadaires pour garder le contact et mettre des ressources en commun. D’un bout à l’autre du pays, des conseillers échangent avec leurs collègues et les étudiants grâce à une foule d’outils, comme Zoom, Microsoft Teams, Adobe Connect, Blackboard, D2L/Brightspace et Webex. On entend parler, entre autres, de cafés-causeries quotidiens, d’activités sociales hebdomadaires, de périodes de questions avec des intervenants sur les campus, de groupes virtuels d’écriture et de webinaires.
Souvent, ces rencontres virtuelles ne suscitent pas le même effet que les activités en personne. Toutefois, lors des webinaires, les codes non verbaux avec les participants, comme un hochement de tête, une main levée, un sourire ou même un simple regard vers la caméra, peuvent s’avérer utiles. Certaines fonctionnalités technologiques permettent aussi de gagner progressivement la confiance des participants. Par exemple, utilisez d’abord les sondages anonymes (Zoom, Mentimeter, etc.) et les réactions (comme le pouce en l’air ou en bas) avant de solliciter directement l’opinion ou les questions. Ces moyens contribuent en outre à créer un environnement virtuel inclusif.
4. Estime
L’estime est un sentiment de réussite qui découle de facteurs internes comme la dignité, ainsi que de facteurs externes comme le statut ou le fait de gagner le respect d’autrui. Pour de nombreux conseillers du milieu de l’enseignement supérieur, le sentiment d’être productif ou utile est source de satisfaction. S’ils le perdent, par exemple en raison de l’interruption des contacts en personne avec les étudiants et des activités donnant habituellement lieu à des commentaires, ils chercheront satisfaction ailleurs. Comment pouvez-vous bâtir votre estime? En échangeant des idées ou des ressources en ligne, ou en relisant d’anciens commentaires. Profitez de vos prochaines activités pour demander à vos interlocuteurs ce qu’ils ont tiré de leur séance.
5. Accomplissement personnel
Alors que l’insatisfaction des besoins des quatre premiers niveaux peut entraîner des « carences », qui à leur tour se transforment en motivation, ce n’est pas le cas de l’accomplissement personnel, qui est un besoin de se réaliser. Il n’est lié à aucun manque, mais plutôt à une volonté de grandir en tant que personne. Lorsqu’un tel besoin est raisonnablement satisfait, le dernier échelon de la pyramide, celui de l’accomplissement personnel, est atteint.
Alors que nous nous adaptons à la « nouvelle réalité », il faudrait peut-être songer à faire preuve de créativité pour communiquer avec les étudiants. Ne voyez pas trop grand pour commencer, collaborez avec les parties prenantes, et écoutez-les. Quelles sont leurs demandes? Pourquoi ne pas leur proposer des séances sur le réseautage à distance, le rehaussement de leur profil LinkedIn ou de nouvelles pistes professionnelles? Pour les conseillers, c’est à cet échelon que l’apprentissage et la croissance sont une fin en soi, et non un moyen de survivre pendant une pandémie. Si vous en avez la possibilité, il pourrait vous être utile de suivre un cours en ligne ou d’acquérir une nouvelle compétence.
Faites ce que vous pouvez
En résumé, la situation actuelle est inédite, et nous apprenons à mesure qu’elle progresse. La pression d’exceller peut être forte, mais le fait de reconnaître que le contexte peut déclencher divers besoins nous aide à accepter les sentiments qui surgissent. Nous pourrons ainsi simplement « être » sans chercher à « devenir » quelqu’un d’autre.
Stephanie Warner est spécialiste en développement professionnel pour les doctorants aux services d’orientation de l’Université de Calgary. Elle a obtenu un doctorat en médecine expérimentale à l’Université de la Colombie-Britannique en 2014.
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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