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Conseils carrière

Guide pour accompagner les étudiant.e.s sous votre supervision

Élaborer une entente écrite est un bon moyen de clarifier les attentes et d’instaurer un climat de confiance.

par JONATHAN DRIVER | 03 NOV 22

Mon collègue arrive au café avec un air décontenancé.

Je le questionne : « Qu’est-ce qui se passe? »

« Je reviens tout juste de la soutenance de thèse de Sam, me répond-il. Sa thèse a été acceptée, mais certaines questions plus larges lui ont un peu posé problème. En fait, je me suis rendu compte à mi-chemin que ses lectures s’étaient limitées aux articles et aux livres que je lui avais suggérés. C’était évident, selon moi, que je ne faisais que l’orienter dans la bonne direction, mais on dirait que j’ai plutôt été pris au mot. Je me serais au moins attendu à voir dans ses lectures des publications de l’examinateur externe, sans que j’aie à le spécifier… »

Comme professeur.e, on oublie souvent que nous aussi, il n’y a pas si longtemps, nous avions la candeur de nos débuts, ne savions pas mettre en place un projet de recherche ou structurer un article scientifique. Nous oublions que nous sommes arrivés aux cycles supérieurs sans vraiment savoir à quoi s’attendre et à quoi on s’attendait de nous.

Aujourd’hui, la plupart d’entre nous avons maintenant dirigé bien des étudiant.e.s. Nous connaissons leurs responsabilités et les nôtres, mais malheureusement, nous ne les communiquons pas toujours très bien.


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Justement, je constate que souvent, les problèmes entre étudiant.e et directeur ou directrice viennent du fait que les attentes ne sont pas bien clarifiées. Quand on supervise un étudiant, on se doit, par éthique et par professionnalisme, de lui dire ce qui doit être accompli pour réussir. La bonne nouvelle : ce souci de bien faire profite autant aux professeur.e.s qu’aux étudiant.e.s. La mauvaise nouvelle : bien souvent, on ne communique pas ces renseignements cruciaux, comme l’a découvert mon collègue pendant la soutenance de thèse.

Les étudiant.e.s aux cycles supérieurs savent qu’un diplôme de ce niveau leur permettra d’atteindre leurs objectifs professionnels, que ce soit dans le milieu universitaire ou non. Ce que personne ne sait, c’est combien de temps leur sera-t-il nécessaire, leur moyen de subsistance et comment évaluer leur avancement. Après quelques mois, en parlant avec leurs pairs, les étudiant.e.s découvriront peut-être que de se consacrer corps et âme à leurs études ou que partager leur propriété intellectuelle avec leur superviseur.e est tacitement attendu. Leur superviseur.e a peut-être la réputation de demander de récrire chaque chapitre. Les étudiant.e.s se rendront aussi compte de leur dépendance aux références des superviseur.e.s pour obtenir des bourses ou décrocher de futurs emplois, sans toutefois bien connaître leurs attentes.

La plupart des étudiant.e.s arrivent aux cycles supérieurs pour la première fois et ne savent pas grand-chose sur leur directeur ou directrice. Les « guides » de l’étudiant.e qu’on leur propose (dont ceux que j’ai rédigés), s’ils sont bien intentionnés, forment un ramassis de règles, de jalons, d’échéances et de conseils qui ont plutôt tendance à faire grimper leur niveau de stress, en plus d’occasionner une charge administrative de plus en plus lourde. Pour ajouter à la confusion, comme je le mentionnais dans un texte précédent, étudiant.e.s et directeurs ou directrices cumulent plusieurs relations de travail en même temps, étant donné que les étudiant.e.s portent plusieurs chapeaux (étudiant.e.s, personnes mentorées, employé.e.s et collègues).


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On ne devrait pas s’étonner que depuis des décennies maintenant, les doyen.ne.s des études supérieures conseillent une simple solution pour que la relation entre étudiant.e et superviseur.e soit limpide, et que les potentiels problèmes soient évités : une entente écrite entre les deux parties, qui établit leurs attentes et leurs responsabilités. Il ne sert à rien de tenter d’imposer ce genre de mesure, parce qu’un certain nombre de professeur.e.s refusent de voir la relation avec l’étudiant.e comme contractuelle. (Curieusement, ces mêmes personnes seraient hors d’elles si les universités tentaient d’éliminer la convention collective qui régit leurs fonctions!)

Donc si selon vous, une entente entre l’étudiant.e et le directeur ou la directrice équivaut à une perte de temps, à une entorse à la liberté académique ou à un processus qui empêchera l’étudiant.e d’absorber votre savoir par une fusion mystique jumelée de vénération pour votre réputation internationale : arrêtez votre lecture.

Sinon, dans plusieurs universités, on peut vous fournir un modèle ou une liste pour vous aider à rédiger un document qui encadre clairement vos obligations et droits respectifs. Ces guides sont souvent exhaustifs tout en restant de nature générale, donc ne vous sentez pas obligé.e de respecter chaque petit conseil, à moins que ce soit obligatoire. Voici quelques incontournables.

  1. Montrez l’ébauche du document à l’étudiant.e. Donnez-lui la chance de clarifier ou de modifier des passages avant la signature.
  2. Prévoyez un processus pour apporter des modifications au document, si jamais les circonstances évoluent.
  3. Décidez qui fera la médiation en cas de désaccord lié au document.
  4. Mettez au clair qu’il se pourrait que dans certains contextes, votre relation ne se limite pas à celle de professeur.e et d’étudiant.e, et qu’elle pourrait ainsi être régie par d’autres politiques ou par une convention collective. Si vous êtes à l’aise de l’aborder, présentez votre vision de la supervision.
  5. Expliquez le financement que vous pouvez offrir à l’étudiant, quand ce sera possible de l’obtenir et à quelles fins il pourra être utilisé. Vous pourriez ajouter une disposition en cas de changement du financement offert (p. ex. diminution en cas de soutien financier externe important reçu par l’étudiant.e, ou augmentation si vous obtenez une bourse).
  6. Énumérez les autres ressources fournies (p. ex. accès à des données, utilisation d’un laboratoire).
  7. Établissez clairement à qui la propriété intellectuelle issue des travaux de l’étudiant.e, ou de son utilisation des ressources que vous lui fournissez, appartiendra (clarifiez en particulier la question de la propriété partagée). À qui appartient-elle si l’étudiant.e ne termine pas le programme?
  8. Insérez une chronologie détaillant chaque trimestre avec une liste de tâches à réaliser pour obtenir le diplôme.
  9. Indiquez comment vous aimeriez recevoir ce que l’étudiant.e rédige (en particulier en ce qui concerne les chapitres de thèse). Donnez une garantie quant au délai pour votre rétroaction.
  10. Déterminez la fréquence des rencontres de suivi sur la progression de l’étudiant.e.

Évidemment, on doit prendre un moment pour réfléchir à ce qu’on inclut dans ce genre d’entente – une autre tâche qui s’ajoute à nos vies bien remplies. Ce document, à l’occasion, pourrait vous sortir d’un futur pétrin. Mais, surtout, vous en retirerez deux bienfaits bien tangibles. D’abord, l’entente permet de renseigner l’étudiant.e sur un processus que vous connaissez bien, mais qu’il a encore à découvrir. Deuxièmement, elle le rassure : l’étudiant.e peut vous faire confiance, compter sur vous et communiquer avec vous. Il s’agit là de précieuses bases pour établir des liens de qualité, peu importe la complexité des relations.

Jonathan Driver est professeur d’archéologie à temps partiel à l’Université Simon Fraser, où il était auparavant doyen aux cycles supérieurs et provost.

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