Que ferez-vous pour favoriser la santé mentale?

Chaque personne sur les campus a un rôle à jouer.

11 octobre 2019
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Pour les jeunes et la société en générale, la santé mentale est l’un des problèmes les plus criants. Les universités qui ne se mobilisent pas pour enrayer le fléau des troubles de santé mentale ignorent les signes précurseurs d’une catastrophe. Ce faisant, elles n’aident pas à résoudre ce problème gravissime pour leur collectivité et leur pays, et elles risquent d’en payer le prix. Les enfants et les jeunes nous placent constamment devant la vérité, même si nous choisissons souvent de détourner le regard, comme la crise des changements climatiques le démontre. Pendant que nous nous bornons à l’inaction, les taux de détresse psychologique, d’anxiété, de dépression et de comportement suicidaire augmentent chez les jeunes. Comme le souligne le biologiste E.O. Wilson, « voyons jusqu’à quelle altitude nous pouvons voler avant que le soleil fasse fondre la cire de nos ailes ». Est-ce cela que nous attendons?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale ne consiste pas simplement en une absence de troubles mentaux. Il s’agit d’un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».

Les chercheurs et professionnels de la santé mentale qui dispensent des soins aux jeunes le font avec cœur; toutefois, leur nombre et les ressources dont ils disposent ne suffisent pas à la demande. Malgré leur dévouement, beaucoup d’entre eux sont épuisés. Le système qui s’occupe de la santé mentale des enfants et des jeunes (y compris les jeunes adultes et les étudiants) croupit dans l’ombre, se nourrissant des restes. Les maladies mentales graves et persistantes de même que les troubles liés à l’usage de substances menacent la vie, la santé physique et la santé mentale des personnes atteintes, mais aussi de leurs proches.

Revenons à la définition de l’OMS et réfléchissons quelques instants : quels autres facteurs peuvent nuire au potentiel humain, au travail enrichissant et productif et à la participation à la société? Soudain, il ne fait aucun doute que la santé mentale englobe beaucoup plus que les troubles mentaux. Soudain, il devient impossible d’ignorer la pauvreté, la maltraitance et les expériences néfastes vécues durant l’enfance, dont les conséquences peuvent être permanentes et coûteuses, surtout compte tenu du nombre d’années que les enfants ont encore devant eux. Il devient impossible d’ignorer les traumatismes, subis à tout âge, y compris au début de l’âge adulte (de 18 à 25 ans). Il devient impossible d’ignorer l’oppression sous toutes ses formes. Il devraient donc être impossible d’ignorer l’effet des changements climatiques sur la santé mentale. Et il devient impossible d’ignorer les données probantes selon lesquelles le suicide chez les enfants et les jeunes, même s’il est encore rare, a considérablement augmenté depuis 2000.

La définition de l’OMS mentionne également les « difficultés normales de la vie ». Mais que considère-t-on comme des difficultés normales au sein des communautés universitaires et de la société d’aujourd’hui? Est-ce normal de comparer de manière constante et obsessionnelle notre image et notre vie à celles d’autrui? Est-ce normal de s’inquiéter de l’éducation postsecondaire dès l’école primaire? Est-ce normal d’être privé d’une seconde chance lorsqu’on fait une erreur parce que cette erreur a été filmée et diffusée en ligne quelque part? Est-ce normal d’obliger nos enfants à faire des études dans un domaine qu’ils n’ont pas choisi? Est-ce normal de rester assis à longueur de journée ou de dépendre d’un appareil qui nous relie en permanence à nos études ou à notre travail? Est-ce normal d’être obligé de cumuler trois emplois contractuels qui n’offrent pas d’avantages sociaux ni de filet de sécurité? Est-ce normal que les enfants ne jouent pas assez dehors et que les adultes passent le plus clair de leur temps en voiture? Si tout cela est normal, alors peut-être est-ce là le nœud du problème.

Le savoir fait partie de la solution aux problèmes de santé mentale, et ce, dans des domaines qui pourraient sembler surprenants. Nous avons besoin des sciences humaines pour nous rappeler l’histoire du Monde et trouver différentes façons de communiquer afin de mieux nous comprendre individuellement et collectivement. Il nous faut l’ingénierie et l’informatique pour réaliser les promesses de l’intelligence artificielle et pour concevoir et bâtir des structures et des systèmes qui tiennent compte des questions de santé mentale. Nous avons besoin des sciences sociales pour étudier et remettre en question la société dans laquelle nous vivons et notre relation les uns avec les autres, et pour trouver des solutions locales et globales qui favorisent la santé mentale. Nous avons besoin du commerce pour découvrir, promouvoir et communiquer des idées, des solutions et des services qui améliorent le bien-être et la santé mentale, en particulier au travail où nous passons la majeure partie de notre vie. Nous avons besoin des sciences pour comprendre le corps humain et le monde naturel et pour découvrir ce qui favorise et ne favorise pas la santé mentale. Il nous faut les sciences de la santé – humaine et animale – pour déterminer ce qui contribue et nuit à notre santé.

L’éducation est l’une des réponses aux problèmes de santé mentale des jeunes et de l’ensemble de la société, car elle permet de prédire la santé physique et mentale. L’éducation améliore et sauve des vies, surtout lorsque les plus vulnérables y ont accès. L’éducation et la santé mentales sont de puissantes forces synergiques lorsqu’on les exploite. Former les membres de communautés pour en faire des sentinelles peut même prévenir les suicides. Si les universités ne trouvent pas le moyen de mettre le savoir au service de la sécurité de nos jeunes, qui le fera?

Or, comme le dit Aristote, instruire l’esprit sans instruire le cœur revient à ne pas instruire du tout. Si nous ne pouvons être empathique, avoir de la compassion et faire preuve de bonté, nous sommes perdus dans une sombre forêt. Nous avons besoin d’adjoints d’administration ou d’assistants à l’enseignement qui remarquent la déprime chez un étudiant et qui cherchent à en savoir plus. Nous avons besoin d’employés de café qui égaient nos journées par leurs mots d’encouragement. Il nous faut des gestionnaires ou des professeurs qui instaurent une culture de bienveillance envers leur personnel ou leurs étudiants. Il nous faut des gestionnaires de résidence ou d’installations qui s’inquiètent lorsqu’un étudiant n’est pas sorti de sa chambre depuis des jours. Nous avons besoin d’infirmières qui écoutent, qui trouvent des façons d’aider et qui comblent les lacunes en matière de soins et de services. Nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres, faute de quoi nous errerons sans carte ni boussole.

La santé mentale des jeunes est peut-être le thermomètre qui permet d’évaluer l’état de santé de la société. Tout comme le climat, la température de la société est à la hausse. Si nous ne prenons aucune mesure pour prévenir ces problèmes grandissants, nous y contribuons. Si nous ne pouvons augmenter la taille et la solidité de notre filet de sécurité collectif, avec intelligence et sensibilité, nous échouerons fort probablement. Chaque personne sur les campus a un rôle à jouer. Quel sera le vôtre?

Catharine Munn est professeure agrégée de clinique au Département de psychiatrie et des neurosciences comportementales de l’Université McMaster.

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