Le 12 mai dernier, un campement a fait son apparition à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sur le site du complexe des sciences Pierre-Dansereau. Depuis, un dialogue semble s’être amorcé entre la direction et les protestataires, habitués à une présence policière accrue mais passive.
Les événements ont pris une autre tournure quand certains membres du campement uqamien ont été blessés lors d’une intervention policière très musclée qui visait à mettre fin à une manifestation pacifique. Depuis, de nombreuses images de violences policière circulent sur les réseaux sociaux.
View this post on Instagram
Interrogée sur ces faits, la direction de l’UQAM nous a fait savoir qu’elle n’était « en aucun cas associée à l’intervention policière qui s’est déroulée à l’extérieur de son campus lundi [20 mai, ndlr], au centre-ville de Montréal, bien que des manifestants provenaient du campement installé sur ses terrains. »
Quelques jours plus tôt, rien ne présageait que des tensions allaient éclater. Si des voitures des forces de l’ordre étaient bien présentes aux abords du complexe, elles surveillaient calmement les activités liées au campement.
Les activistes, dont la majorité étudie ou travaille dans différentes universités montréalaises, appartiennent à la communauté juive ou arabe, et campent pour montrer leur solidarité avec le peuple palestinien depuis la recrudescence du conflit le 7 octobre dernier.
Le 27 mai, un juge de la Cour supérieure du Québec a accueilli en partie la demande d’injonction provisoire déposée par l’UQAM qui réclame la libre circulation du personnel et de la population étudiante dans le secteur barricadé par les protestataires, reconnaissant ainsi que la sécurité est mise à mal et qu’il est urgent d’y pallier.
« Le campement de l’Université populaire Al-Aqsa de Gaza à l’UQAM » : c’est le nom qui a été choisi par l’organisation Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes & Palestiniens (SDHPP), à l’origine des campements montréalais dont le compte Instagram est très actif – et de plus en plus suivi. « On a choisi ce nom de façon très symbolique pour rendre hommage à l’Université d’Al-Aqsa qui a été complètement détruite par le génocide commis par Israël, tout comme les 12 autres universités de Gaza. C’est aussi pour pointer du doigt la destruction systémique et organisé de tout le système éducatif », explique Leila Khaled, l’une des 4 porte-paroles du SDHPP uqamien, qui ne laisse rien transparaitre derrière ses lunettes de soleil et son keffieh. « Ce n’est pas juste un campement pour camper! C’est un espace de vie collective, de politisation, d’action politique et d’exercices démocratiques, avec des assemblées générales et des groupes autogérés pour l’organisation quotidienne. Il s’agit de mettre en pratique la vie étudiante et le vivre-ensemble. La vie en commun et le consensus ne sont pas simples », explique Mme Khaled, estimant qu’une centaine d’activistes participent au mouvement. « Jusqu’à présent, tout se passe bien, malgré quelques pressions sécuritaires de la direction. »
La direction de l’UQAM a confirmé avoir identifié des interlocutrices et interlocuteurs avec qui elle communique constamment sur la sécurité, la libre circulation sur le campus et l’accès aux pavillons. « Si ces conditions ne sont pas respectées, l’UQAM prendra des actions, mais le dialogue reste la priorité pour garantir un campus sécuritaire », a déclaré Jenny Desrochers, directrice des relations presse.
Divulgation publique et boycott universitaire
Les protestataires mettent en avant plusieurs revendications, à commencer par la divulgation publique de tous les liens et relations éventuels entre l’UQAM et Israël, ainsi que le boycott des universités israéliennes. « On demande que l’UQAM coupe ses liens avec Israël jusqu’à ce que les droits humains soient respectés. Cela répond à la politique interne 43 qui définit un code éthique relatif aux partenaires avec lesquels l’Université peut travailler, il conviendrait de le respecter et de le mettre en application », rappelle la porte-parole.
De manière plus générale et en visant directement le gouvernement québécois, les protestataires réclament la fermeture du bureau du Québec en Israël. « C’est tellement insultant de faire une telle annonce en plein génocide en précisant que cela pourrait faciliter l’entrée et les liens commerciaux avec le Moyen-Orient… », lance simplement Mme Khaled.
Des revendications partagées par des personnes juives très présentes sur les campements montréalais pour afficher leur soutien au peuple palestinien, à l’image de Zev Saltiel, étudiant à McGill et membre de VJI (Voix juives indépendantes Canada), une organisation issue de la base ancrée dans la tradition juive qui s’oppose à toute forme de racisme et qui promeut la justice et la paix pour tous en Israël-Palestine « En tant que personne juive trans et queer qui passe beaucoup de temps à se battre pour ses droits et sa sécurité, ce n’est pas seulement une responsabilité d’afficher mon soutien à la Palestine mais cela fait surtout complètement partie de mes valeurs les plus ancrées.»
« Dans les faits, l’UQAM n’est donc pas la bonne cible »
Mme Desrochers nous a également fait savoir que les occupantes et occupants réclament que l’Université McGill retire l’injonction introduite en Cour supérieure, que le gouvernement du Québec ferme son bureau à Tel-Aviv et que l’UQAM abandonne ses liens économiques et universitaires avec Israël. Pour elle, l’UQAM n’est donc pas la bonne interlocutrice pour les deux premières demandes. Pour la troisième, elle a précisé que l’UQAM n’avait pas d’investissement en lien avec l’armement ou le conflit en cours, ce qui leur avait été confirmé par la Fondation de l’UQAM et son gestionnaire de placements, précisant que la Fondation s’était dotée d’une politique d’investissement responsable il y a de nombreuses années. « « l’UQAM n’est donc pas la bonne cible », tranche-t-elle.
Quoiqu’il en soit, pour Mme Khaled et sa communauté activiste, les campements étudiants prouvent qu’il est encore temps de changer les choses. « C’est rafraichissant ce qui se passe dans les campements en ce moment, cela montre que notre boussole vers la justice et l’autodétermination des peuples est encore vivante, malgré tout ».