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Les universités québécoises intensifient leur lutte contre les violences sexuelles

La prévention, le traitement des plaintes et les relations intimes entre professeurs et étudiants sont abordés dans les nouvelles politiques récemment adoptées.

par JEAN-FRANÇOIS VENNE | 31 JAN 19

La plupart des universités québécoises ont adopté récemment une politique de lutte contre les violences sexuelles, respectant ainsi la date butoir fixée par le gouvernement provincial au 1er janvier dernier. Ces politiques doivent entrer en vigueur le 1er septembre 2019. Leur adoption a été précédée de consultations avec les étudiants et le personnel, une obligation imposée par le projet de loi 151, adopté le 8 décembre 2017. Ces documents couvrent plusieurs aspects de la violence sexuelle sur les campus, de la prévention au traitement des plaintes en passant par les relations intimes entre professeurs et étudiants.

Les politiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’Université McGill se font toutefois attendre. Les deux établissements invoquent la complexité des consultations auprès de leur communauté pour expliquer ce retard. Coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), Sandrine Ricci rappelle qu’un comité a travaillé pendant quatre ans à l’UQAM sur une politique de lutte aux violences sexuelles, sans réussir à obtenir un consensus sur le campus. Un nouveau comité a été mis sur pied et doit en présenter une autre ébauche au conseil d’administration incessamment.

« Le projet de politique à l’UQAM porte à la fois sur la violence sexuelle et le sexisme, explique-t-elle. Certains trouvent abusive cette inclusion du sexisme, ce qui complique l’atteinte d’un consensus. »

Restreindre les relations entre les professeurs et les étudiants

La Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur donne le choix entre décourager ou proscrire les relations intimes entre les membres du personnel et les étudiants. Elle impose aussi l’adoption d’un code de conduite pour encadrer ce type de rapports.

La plupart des universités ont interdit les relations intimes entre professeurs et étudiants en cas de relation pédagogique ou d’autorité. En général, cette interdiction s’applique aussi à l’extérieur du campus et à l’utilisation des médias sociaux, comme c’est le cas à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). « Il s’agit d’une réponse à une demande très forte des étudiants, qui vise, entre autres, à prévenir certaines formes d’ambiguïtés reliées au consentement dans un contexte d’autorité, souligne Marie-Karlynn Laflamme, directrice du service des communications et des relations publiques. Cette proposition a fait l’objet d’un consensus rapide entre les membres du personnel, les professeurs et les étudiants. »

L’Université du Québec en Outaouais (UQO) a opté pour une déclaration obligatoire de conflit d’intérêts dans le cas de relations intimes entre deux personnes ayant un rapport pédagogique ou d’autorité, sans aller jusqu’à les proscrire. « Nous craignons qu’une interdiction soit en contradiction avec la Charte des droits et liberté de la personne, puisqu’il s’agit d’adultes consentants, explique le recteur Denis Harrisson. Nous croyons que l’obligation de déclarer publiquement de telles relations peut, en elle-même, décourager les gens d’en entreprendre. »

Prévention et traitement des plaintes

M. Harrisson rappelle, par ailleurs, que la prévention et la formation constituent un élément important de la politique adoptée par son établissement. Tous les employés, professeurs inclus, suivront une formation sur la violence sexuelle et les comportements interdits, offerte par le Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles de l’Outaouais. Jusqu’ici, toutes les politiques adoptées par les universités prévoient des activités de prévention et de formation, dont la nature et la fréquence restent parfois à être précisées.

À l’Université Laval, la politique prévoit la création du Centre d’intervention et de prévention des violences à caractère sexuel (CIPVACS). Rappelons que l’établissement avait été fortement ébranlé par une série d’agressions sexuelles sur son campus en 2016. Ces événements ont été en grande partie à la source de l’intervention de la ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Hélène David, et de ce projet de loi.

Le CIPVACS regroupera les services et ressources disponibles en matière de violence sexuelle dans un endroit connu et facilement accessible sur le campus. « Nous souhaitons éviter que les personnes souhaitant déposer une plainte se fassent renvoyer d’une ressource à l’autre, comme c’était trop souvent le cas auparavant, indique Robert Beauregard, vice-recteur exécutif et vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes. Cela évite de devoir répéter plusieurs fois la même histoire et que le parcours ne se transforme en un véritable chemin de croix. »

Les universités ont toutes créé des postes ou des structures visant à mieux gérer le traitement des plaintes à caractère sexuel. C’est notamment le cas du protecteur universitaire et du bureau des plaintes à l’UQAC, du Bureau d’intervention en matière d’inconduite à l’UQO, du Bureau d’intervention en matière de harcèlement de l’Université de Montréal ou du Centre d’aide aux survivantes et survivants d’agression sexuelle de l’Université de Concordia.

Si l’adoption de ces politiques semblent constituer un pas dans la bonne direction, Mme Ricci prévient que leur succès dépendra de leur implantation et surtout d’une évaluation régulière de leur efficacité. « Qui procédera à ces évaluations, l’université ou des organismes externes?, questionne-t-elle. Quels critères serviront à juger de l’efficacité de ces politiques? Ce sont des questions cruciales et il faudra surveiller les réponses qu’y apporteront les universités. »

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