Des mesures concrètes démontrent l’engagement des universités envers la réconciliation

Un sondage montre que les universités ont fait des efforts pour accroître le nombre de professeurs, de programmes et d’espaces autochtones afin de combler l’écart en matière d’éducation.

12 juin 2018

En juin, Mary Ellen Turpel-Lafond, ancienne juge et protectrice des droits des enfants, a réintégré le milieu universitaire pour diriger le centre d’histoire et de dialogue sur les pensionnats autochtones de l’Université de la Colombie-Britannique, qui a ouvert ses portes au public en avril dernier (Mme Turpel-Lafond sera aussi professeure à la faculté de droit Peter A. Allard). « Je veux m’assurer que ce centre est propice aux discussions porteuses de changements en dehors de l’Université », a-t-elle dit. Elle espère que ce centre permettra aux survivants des pensionnats de raconter leurs récits à l’extérieur de la cour et de consulter leurs dossiers établis par la Commission de vérité et réconciliation (CVR).

« Ma démarche tient compte des traumatismes, car je sais que le système judiciaire a lui-même contribué à briser des familles, explique Mme Turpel-Lafond, qui est de descendance crie et écossaise et a des liens de parenté avec les Premières Nations de la Saskatchewan et du Manitoba. Je crois que la réconciliation, ce mot populaire qui semble parfois vide de sens, consiste à donner aux Autochtones une nouvelle tribune pour raconter leur histoire. »

Le centre d’histoire et de dialogue sur les pensionnats autochtones de l’Université de la Colombie-Britannique.

Il y a trois ans, dans la foulée de la publication du rapport final de la CVR, 96 universités canadiennes se sont engagées à respecter une série de principes élaborés avec les dirigeants autochtones pour combler l’écart en matière d’éducation et progresser vers la réconciliation. Depuis, les universités ont pris des mesures pour embaucher un nombre accru de professeurs et de membres du personnel autochtones, créer de nouveaux espaces autochtones comme le centre d’histoire et de dialogue de l’Université de la Colombie-Britannique, et améliorer le soutien offert aux étudiants autochtones qui fréquentent l’université.

De nouvelles initiatives en matière d’éducation des Autochtones ont vu le jour au cours des dernières années. Un sondage mené en 2017 par Universités Canada auprès de ses établissements membres et publié ce printemps a révélé une hausse de 55 pour cent du nombre de programmes d’études axés sur les études autochtones ou destinés aux étudiants autochtones depuis 2013. Plus des deux tiers des établissements ont rapporté que des Autochtones œuvraient au sein de leurs équipes de gouvernance ou de direction et 60 pour cent se sont fixé comme objectif d’augmenter le nombre de professeurs autochtones.

Selon Universités Canada, environ cinq pour cent des étudiants au premier cycle, trois pour cent des étudiants aux cycles supérieurs et 1,4 pour cent des professeurs à temps plein et à temps partiel sur les campus canadiens se déclarent Autochtones.

À l’Université de la Saskatchewan, où 2 400 étudiants se déclarant autochtones ont été admis en 2017, le collège des arts et des sciences a créé l’automne dernier 30 nouveaux postes pour des professeurs autochtones. « L’embauche de professeurs autochtones est un engagement important du collège et de l’Université, mais nos pratiques de recrutement ne nous permettaient pas de réaliser nos objectifs assez rapidement, explique Lawrence Martz, vice-doyen aux relations avec les professeurs et professeur de géographie et d’urbanisme à l’Université de la Saskatchewan. Nous avons donc décidé d’être plus proactifs et de nous engager à long terme. » Il ajoute que, selon le plan décennal qui a résulté de cette décision, l’Université affiche de nouveaux postes chaque année et offre du mentorat pour les professeurs.

L’Université McMaster a mis sur pied une initiative pour la santé des Autochtones visant à recruter un nombre accru de professeurs et de membres du personnel autochtones à temps plein et à intégrer le savoir autochtone dans les programmes de la faculté des sciences de la santé. « Nous voulons que tous nos chercheurs, nos enseignants et nos cliniciens comprennent les points de vue autochtones et leur relation avec leur travail », ont écrit Bernice Downey, responsable de cette initiative, et J. Mark Walton, doyen associé, dans un récent article d’opinion (en anglais).

Selon le sondage d’Universités Canada, en plus de ces efforts de recrutement, 72 pour cent des universités canadiennes organisent sur leur campus des activités conçues spécialement pour les étudiants autochtones, et les trois quarts des universités canadiennes offrent des lieux de rencontre pour ces étudiants. Par exemple, l’Université Laurentienne a ouvert l’an dernier son Centre autochtone de partage et d’apprentissage, et établi en 2016 l’Institut de recherche autochtone Maamwizing pour promouvoir les démarches de décolonisation en recherche axée sur les collectivités autochtones.

L’Université Mount Allison propose pour sa part aux Autochtones le lieu de rassemblement Mawita’mkw, qui a accueilli le premier aîné en résidence de l’Université : Gilbert Sewell de la Première Nation Pabineau du Nouveau-Brunswick. De leur côté, l’Université de l’Alberta et l’Université Simon Fraser offrent des logements adaptés aux étudiants autochtones et à leurs familles, et dans le cadre de leur initiative visant à créer une communauté universitaire axée sur l’expérience de vie et l’apprentissage, l’Université Western et l’Université Queen’s ont récemment attribué certains étages de leurs résidences aux Autochtones.

Malgré les nombreuses mesures prises par les universités, de nombreux défis persistent. « Je pense que l’Université de la Colombie-Britannique a franchi des étapes symboliques importantes, poursuit Mme Turpel-Lafond. Mais elle devra, tout comme les autres universités, accroître ses efforts en matière de recrutement, de rétention et d’expérience universitaire pour ses étudiants autochtones. »

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