Enseignants : du surplus à la pénurie en quelques années
La pénurie d’enseignants dans certaines parties du Canada a plusieurs causes, dont les conditions de travail et les compressions dans les programmes de formation des enseignants.
Seana Schonfeldt-Taylor amorce sa carrière d’enseignante avant même d’avoir terminé son baccalauréat en enseignement. Cette étudiante au premier cycle à l’Université Laurentienne en est à sa dernière année d’un programme bidisciplinaire en éducation qui lui permettra aussi d’obtenir un baccalauréat en sociologie.
Depuis le début de septembre, Mme Schonfeldt-Taylor est appelée une ou deux fois par semaine à faire de la suppléance dans une école primaire locale en raison de la pénurie d’enseignants qui gagne rapidement du terrain d’un bout à l’autre du pays. Et elle n’a jamais demandé à être sur la liste d’appel : c’est l’école qui le lui a proposé après qu’elle eut occupé un emploi d’été à son service de garde. L’étudiante de 24 ans, aussi éducatrice de la petite enfance certifiée, obtiendra son diplôme au printemps et ne pourrait être plus heureuse : « Je déteste devoir refuser une demande parce que j’ai un cours. L’école connaît plus ou moins mon horaire, mais elle m’appelle toujours lorsqu’elle a vraiment besoin de moi pour vérifier ma disponibilité. »
Il y a quelques années encore, alors que les diplômés en enseignement étaient trop nombreux, un tel phénomène était rare en Ontario et, à divers degrés, ailleurs au Canada. Mais la tendance s’est rapidement inversée. Le taux de chômage pendant la première année d’enseignement en Ontario est passé de 38 pour cent en 2013 à 14 pour cent en 2017. Et selon Frank McIntyre, un conseiller en recherche de l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario, il « se situe à moins de dix pour cent » cette année.
La pénurie d’enseignants touche les facultés d’éducation de tout le pays, plus particulièrement en raison de la forte demande d’enseignants spécialisés en français, en français langue seconde, en mathématiques et en sciences. Parallèlement, les listes de suppléants sont de plus en plus courtes, car les nouveaux enseignants ont davantage d’offres d’emplois permanents.
Selon les observateurs, cette situation est attribuable à divers facteurs, dont les départs à la retraite qui augmentent toujours, la hausse des inscriptions dans certaines parties du pays, les compressions dans les programmes de formation des enseignants, la baisse d’intérêt pour la profession après plusieurs années de pénurie d’emplois et des circonstances propres à certaines régions qui ont touché l’offre et la demande.
Le programme d’enseignement au primaire de l’Université de Sherbrooke a vu ses inscriptions chuter de plus de 20 pour cent dans les trois dernières années. Selon Serge Striganuk, doyen de la Faculté d’éducation de l’établissement et président de l’Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADEREQ), cette situation n’est pas rare au Québec. Les doyens des facultés d’éducation au Québec travaillent avec le gouvernement provincial et les commissions scolaires pour redorer l’image de la profession et améliorer les conditions de travail afin de raviver l’intérêt des étudiants potentiels. À Montréal, certaines écoles cherchaient encore des professeurs au début de l’année scolaire, en septembre dernier.
« Pendant les cinq premières années, les conditions de travail des enseignants sont loin d’être idéales », affirme M. Striganuk, en précisant que les salaires sont bas et que les postes permanents sont rares. À son avis, la promesse électorale du nouveau gouvernement provincial de faire passer le salaire de départ des enseignants de 45 000 $ à 53 000 $, est un bon début, mais il faudra faire plus.
Du côté de la Colombie-Britannique, le gouvernement a dû rapidement embaucher 3 700 enseignants après que la Cour suprême du Canada lui a imposé en 2016 de rétablir les effectifs de 2002 dans les écoles publiques. À la suite de cette décision, les facultés d’éducation de la province ont reçu un financement supplémentaire de 1,2 million de dollars pour créer de nouvelles places en formation des enseignants.
L’Université de la Colombie-Britannique a ainsi pu offrir 60 nouvelles places cette année et l’année prochaine, dont 40 pour les étudiants spécialisés en immersion française. Parallèlement à l’initiative gouvernementale, l’établissement a aussi doublé les places dans son programme d’enseignement en milieu rural, qui sont passées de 30 à 60. Selon Marianne McTavish, doyenne associée à la formation des enseignants de la Faculté d’éducation, cette expansion soudaine « est un beau problème, car elle signifie que nos diplômés ont plus d’occasions qu’ils n’en ont eues depuis un certain temps ».
En Ontario, les quelque 5 100 enseignants diplômés en 2018 suffisent à peine à combler les départs à la retraite prévus pour l’année, souligne M. McIntyre. En 2015, le gouvernement provincial a amputé de moitié, soit de 9 000 à 4 500, le nombre d’étudiants admis chaque année dans les programmes de formation des enseignants et a doublé la durée de la formation, qui est désormais de quatre semestres.
George Sheppard, directeur du programme d’enseignement en langue anglaise à l’Université Laurentienne (où un programme en français est aussi offert), souligne que l’adaptation à ces changements draconiens n’a pas été facile. Il explique que les programmes de formation devraient être plus flexibles pour s’adapter aux occasionnels surplus de main-d’oeuvre afin de mieux protéger les domaines très prisés, comme l’enseignement du français et des technologies.
Selon Kirk Anderson, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université Memorial et président de l’Association canadienne des doyens et doyennes d’éducation, de nombreuses facultés d’éducation réajustent leurs processus de recrutement pour répondre rapidement aux pénuries dans ces domaines spécialisés. Mais les facultés devront aussi recueillir des données plus précises sur les véritables besoins du marché, afin de savoir cibler efficacement l’expansion.
L’Ontario et la Colombie-Britannique s’efforcent déjà de recueillir de meilleurs renseignements sur l’offre et la demande. M. Anderson affirme que son association aimerait mettre sur pied un ensemble de données « pancanadiennes » afin d’obtenir un portrait juste des besoins à l’échelle du pays. « Le gouvernement et le milieu universitaire doivent avoir une meilleure idée de la demande réelle, car les réductions gouvernementales dans les ressources limitent notre capacité à former les enseignants », conclut-il.
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- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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