Étudiants handicapés et perspectives d’emploi : un sombre tableau
Un rapport confirme l’existence d’un écart entre les nouveaux diplômés en situation de handicap et leurs pairs en matière d’emploi.
Un rapport du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) confirme ce que les personnes handicapées affirment depuis des années : les perspectives d’emploi sont minces, et l’écart entre les étudiants handicapés et leurs pairs, qui commence immédiatement après l’obtention du diplôme, est de plus en plus important.
Pour Ken Chatoor, chercheur principal au COQES et auteur de l’étude, ce constat n’a rien de surprenant, mais invite tout de même à la réflexion.
Le rapport traite de la réalité des étudiants postsecondaires en Ontario et se fonde sur deux ensembles de données autodéclarées provenant d’enquêtes menées par Statistique Canada en 2016. M. Chatoor a analysé les diplômes obtenus par les étudiants handicapés, leurs expériences au collège ou à l’université et leurs statuts d’emploi après l’obtention du diplôme.
Il a constaté que les étudiants handicapés étaient moins susceptibles de fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire et d’obtenir un diplôme de deuxième ou de troisième cycle. Lorsque les nouveaux diplômés arrivent sur le marché du travail, ils ont plus de mal à trouver un emploi et sont moins satisfaits de leur salaire et de leurs avantages sociaux que leurs collègues non handicapés.
Le rapport révèle également un écart de 17 % entre les personnes handicapées et non handicapées récemment diplômées occupant des emplois avec congés maladie payés et de 9 % entre celles occupant des emplois avec régime d’épargne-retraite. Plus grave encore, 25 % des personnes interrogées ont déclaré ne bénéficier d’aucun avantage social dans leur emploi, alors que ce n’est le cas que de 18 % de celles qui n’ont pas de handicap.
« Cela crée un écart considérable dans les revenus de toute une vie, ce qui a des répercussions énormes sur certains aspects de la vie, comme la retraite, explique M. Chatoor. Si l’on ajoute à ce revenu inférieur le fait que les personnes handicapées soient moins susceptibles d’occuper des emplois avec REER collectif ou caisse de retraite, les problèmes s’accumulent. »
« Cet écart, je le vis en ce moment »
Maggie Lyons-MacFarlane, qui préside le conseil d’administration de l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau postsecondaire (NEADS) et dirige la section néo-brunswickoise de l’organisme, connaît bien cette réalité.
Titulaire d’une maîtrise ès arts en éducation, Mx Lyons-MacFarlane déclare « vivre cet écart en ce moment même », et ce, après avoir postulé à près de 1 500 emplois et n’avoir obtenu que six entrevues en quatre ans.
Selon Frank Smith, coordinateur national de NEADS, cette situation pourrait notamment s’expliquer par un manque d’expérience professionnelle pertinente chez les personnes handicapées. Pour compenser et pouvoir rivaliser sur le marché du travail, certains étudiants, comme Mx Lyons-MacFarlane, restent plus longtemps aux études.
Le rapport dresse également un bilan par type de handicap. Seuls 56 % des répondants avec un handicap physique ont trouvé un emploi rémunéré après l’obtention de leur diplôme, contre 79 % des répondants présentant un handicap visuel. M. Chatoor explique que ce degré de spécificité vise à refléter la diversité des handicaps et à faire en sorte que les données « témoignent des expériences vécues par les personnes présentant divers handicaps pour que nous puissions élaborer des politiques plus cohérentes et mieux éclairées, car les implications sont différentes ».
Mx Lyons-MacFarlane estime que ces distinctions sont bien intentionnées, mais souvent inutiles, et préfère concevoir le handicap comme visible ou invisible, en partie pour simplifier les choses pour toutes les parties concernées. « Dès que [les gens] voient la stratification [ils se disent] “Est-ce que ça vaut la peine d’y consacrer autant de temps?” Les handicaps invisibles pourraient englober les difficultés d’apprentissage, la santé mentale ou l’autisme, qui représente une catégorie à part. Toutes sortes de handicaps épisodiques. »
Mx Lyons-MacFarlane considère également que cela pourrait faciliter le processus d’embauche pour les personnes handicapées. Plutôt que d’expliquer leur diagnostic en détail et de s’identifier selon des descripteurs précis, les gens pourraient simplement indiquer les accommodements dont ils ont besoin.
Des bases de référence erronées
Selon Tanya Titchkosky, professeure d’études des handicaps à l’Université de Toronto, c’est l’ensemble des données qui devrait être revu. Elle se dit déçue par les rapports comme celui-ci et ceux qui l’ont précédé, qui reposent sur des bases de référence erronées de ce que sont le « fonctionnement normal » et le « fonctionnement avec un handicap ». « Les données elles-mêmes sont fondées sur une conception vraiment dégradante et non étudiée du handicap », explique Mme Titchkosky. Elle soutient que si ce type de recherches est souvent bien intentionné, il peut renforcer les stéréotypes et les politiques d’exclusion, car les solutions proposées sont toujours adaptées aux individus, plutôt que de passer par un changement systémique ou sociétal.
« On se fonde sur une conception du handicap comme une incapacité à fonctionner normalement pour un être humain, puis on localise cette incapacité dans une partie du corps et on mesure le défaut de fonctionnalité, s’insurge Mme Titchkosky. Cela transforme le handicap en problème médical ou de santé et détourne l’attention des enjeux sociaux. Nous en faisons une question individuelle pour ne pas voir que le problème touche aussi les salles de cours, les rues, les transports en commun, etc. Pour ne pas avoir à nous demander ce qui impose des limites aux personnes handicapées. »
Que faire de ces constats? Dans son rapport, M. Chatoor formule différentes recommandations. Le plus important, selon lui, est que les établissements d’enseignement posent un regard critique sur leurs programmes et qu’elles en corrigent les lacunes. « Comment savoir ce qui fonctionne et ce qui est idéal? Je pense que ce secteur profiterait grandement de le savoir. »
M. Chatoor recommande également d’adopter la conception universelle de l’apprentissage – un cadre qui part du principe que les obstacles aux activités sont inhérents à l’environnement et qu’ils doivent être éliminés de manière proactive – lors de la création de matériel didactique. Mx Lyons-MacFarlane est d’accord pour dire que ce cadre devrait être appliqué à grande échelle, même en dehors des salles de cours. « Il aiderait à réguler le marché du travail, à ouvrir des portes, à permettre aux personnes neurodivergentes de se présenter comme des personnes très compétentes. » De son côté, MmeTitchkosky ne recommande pas du tout l’utilisation de cette étude, affirmant que toute solution qu’elle propose se fonde sur une base erronée.
Le rapport souligne que la pandémie de COVID-19 a également touché durement les étudiants et les établissements d’enseignement postsecondaire, et que l’on ne sait pas encore quelles en seront les conséquences à long terme pour les étudiants handicapés. Il mentionne enfin une « urgence particulière » à recueillir des données qui permettront d’éclairer les politiques futures.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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