La pandémie joue des tours aux athlètes universitaires canadiens
Un psychologue du sport a observé une montée des symptômes d’anxiété et des troubles de l’humeur au cours des deux dernières années.
Kaitlin Swartz voyait grand pour 2022. Médaillée des derniers championnats de l’Association de l’Ouest canadien en février 2020, la coureuse de demi-fond de l’équipe d’athlétisme de l’Université de l’Alberta était de nouveau attendue sur le podium en février 2022, après une pause d’un an imposée aux épreuves par la pandémie. Elle espérait aussi courir aux championnats canadiens d’athlétisme qui se tiendront à l’Université du Nouveau-Brunswick au début mars.
Ses entraînement perturbés sans arrêt par une série de blessures à la jambe et au pied, que l’étudiante de quatrième année en kinésiologie attribue à la pandémie, et la possibilité d’autres reports ou annulations d’épreuves, ont toutefois tempéré son optimisme en ce qui concerne la prochaine saison.
« Ça ne fait que trois semaines que je m’entraîne sans blessures et j’ai énormément de mal à donner le maximum, à atteindre mes limites, quand je sais que les épreuves pourraient ne pas avoir lieu », déplore Mme Swartz, qui a fini 9e et 12e lors de la première compétition de la saison de 2022 organisée par l’Association sportive universitaire de l’Ouest canadien. « Je ne suis pas au meilleur de ma forme, je ne peux donc pas m’attendre à reproduire mes exploits de 2020 », ajoute-t-elle. Alors que janvier touche à sa fin, les athlètes universitaires canadiens qui participent à des épreuves d’hiver (hockey, basketball, volleyball, natation, curling, athlétisme, etc.) continuent de faire face aux incertitudes qui accompagnent la plus récente vague de COVID-19.
Le début de la pandémie a abruptement sonné le glas de la saison 2020 pour beaucoup de ces sports, et la plupart ont été de nouveau touchés l’année dernière, lorsque des matchs, des compétitions, des saisons et des championnats ont été reportés, interrompus ou annulés. À la fin de 2021, un relâchement des mesures sanitaires a enfin permis à la plupart des activités sportives d’automne de reprendre à leur rythme régulier et aux sports d’hiver de redémarrer… jusqu’à ce que la COVID-19 et son variant Omicron lancent un nouvel assaut.
À la fin novembre, les 102 étudiants qui devaient représenter le Canada lors de la 30e universiade d’hiver de la Fédération internationale du sport universitaire à Lucerne, en Suisse, ont appris que la compétition, le plus grand événement mondial multisport pour les 17 à 25 ans, n’aurait pas lieu à cause de la résurgence du virus.
« Cette nouvelle a brisé des rêves », confie Margaux Gilmour, athlète expérimentée de l’équipe de ski alpin des Carabins de l’Université de Montréal et une des trois athlètes sélectionnées pour cette épreuve à Lucerne. « Personne ne peut s’imaginer à quel point j’étais enthousiaste. »
Spécialiste du slalom géant, Mme Gilmour explique que la pandémie a été dévastatrice pour sa carrière de skieuse, en commençant par une annulation à la dernière minute de la course finale de la saison en mars 2020, ce qui lui a dérobé ses chances de finir première au classement général.
« On devait partir [pour Québec] à 17 h, mais j’ai reçu un texto indiquant l’annulation de la course à 15 h, raconte Mme Gilmour, étudiante de quatrième année en administration des affaires. Un vrai coup de poing au ventre. »
Après avoir souffert d’une déchirure du ligament croisé antérieur du genou, d’une fracture du tibia et d’une commotion cérébrale à cause d’une chute à grande vitesse lors d’un entraînement en mars 2021, qu’elle met sur le compte des interruptions de son entraînement dues à la pandémie, elle misait sur Lucerne pour relancer sa carrière de skieuse professionnelle.
« Une semaine à la fois »
À la mi-décembre, alors qu’Omicron continuait de se propager sur la planète, trois des quatre conférences d’U Sports, qui encadre le sport universitaire à l’échelle nationale, ont décidé de mettre les compétitions de janvier sur pause. Une décision qui s’harmonise avec le report de la rentrée en présentiel annoncé par de nombreuses universités de leurs régions respectives. Depuis, ces trois conférences (Sports universitaires de l’Ontario, Sport universitaire de l’Atlantique et Réseau du sport étudiant du Québec) multiplient les reports et les annulations : pratiques intraéquipe, rencontres préparatoires et de saison régulière, tournois et championnats.
Seule l’Association sportive universitaire de l’Ouest canadien autorise la tenue de rencontres sportives ce mois-ci, tout en appliquant des règles strictes en matière de vaccins, de port du masque et de capacité d’accueil des vestiaires et des gradins. « Nous y allons une semaine à la fois », indique Connor Hood, coordinateur des communications sportives pour les 24 équipes des Golden Bears et des Pandas de l’Université de l’Alberta, qui accueillera d’ailleurs les championnats nationaux masculins de lutte et de basketball en mars, s’ils ont lieu. « On veut jouer autant de parties que possible pendant que nous le pouvons, mais on a toujours peur qu’une mauvaise nouvelle nous attende au détour. »
L’incertitude qui plane actuellement sur le sport et les études perturbe beaucoup d’athlètes. « C’est vraiment frustrant et décourageant », confie Connor Welsh, défenseur et capitaine adjoint de l’équipe de hockey des Tigers de l’Université Dalhousie.
M. Welsh raconte la joie de ses coéquipiers à l’idée de pouvoir retourner sur la glace à l’automne dernier, et ce, après avoir vu les deux derniers championnats nationaux et l’ensemble de la saison 2020-2021 être annulés. Les Tigers avaient gagné neuf des 18 matchs joués avant les vacances scolaires, ce qui leur a conféré la troisième place sur sept au classement de la ligue Sport universitaire de l’Atlantique.
« On a continué de s’entraîner pendant la pandémie, et on s’estime chanceux d’être là les uns pour les autres, affirme M. Welsh. Je pense que ça nous a permis de renforcer notre esprit d’équipe et explique le succès que nous connaissons cette année. »
Par contre, à la fin décembre, Sport universitaire de l’Atlantique a annulé tous les matchs de janvier et prévoyait une saison plus courte, commençant au début de février, suivie si possible des séries éliminatoires puis des championnats nationaux, qui devraient avoir lieu à Halifax en mars.
« Comme je ne peux rien y faire, j’essaie de ne pas penser au pire, commente M. Welsh. J’essaie de me concentrer sur le positif. »
Les « faux départs » pèsent lourd
Pour Michel Larivière, psychologue clinicien et professeur titulaire en kinésiologie à l’Université Laurentienne, qui propose le seul programme de premier cycle du pays en psychologie du sport, l’espoir et l’optimisme ne sont pas au rendez-vous depuis mars 2020 chez les athlètes universitaires.
« Le pire pour eux, c’est tous ces faux départs », explique M. Larivière, ancien joueur et entraîneur de basketball universitaire qui accompagne maintenant les athlètes d’élite dans leur vie personnelle et sportive. « Ils se motivent et adoptent un esprit de compétition qui leur demande énormément de concentration et d’énergie, puis tout tombe à l’eau : plus d’épreuves ni de matchs pour mettre en pratique et démontrer leur talent. Les humains tolèrent mal l’incertitude sur le plan de la santé mentale », ajoute-t-il.
« L’incertitude constante et le bien-être ne vont pas ensemble, surtout chez les jeunes qui organisent leurs études et leur vie sociale autour du sport, tout ça pour se faire couper l’herbe sous le pied. »
M. Larivière a observé une montée des symptômes d’anxiété et des troubles de l’humeur au cours des deux dernières années. « Beaucoup disent être fatigués et à fleur de peau, au point de ne pas pouvoir se concentrer, rapporte-t-il. En plus de subir le stress que tout le monde partage depuis le début de la pandémie, ils doivent rester sur le qui-vive et s’adapter aux changements apportés au fur et à mesure que leur sport ressuscite. »
Selon lui, la pandémie a davantage frappé les étudiants qui pratiquent des sports individuels. « Ils restent mentalement isolés la plupart du temps, et sur de longues périodes, explique-t-il. Le bon côté, c’est que leur personnalité et leur tempérament les rendent plus tolérants face à ce genre de situations. »
M. Larivière ajoute que dans les sports d’équipe, les étudiants composent mieux avec la situation grâce à la présence de personnes avec qui ils peuvent relâcher la pression. « C’est important d’avoir un espace de soutien, comme un groupe de personnes soudé, affirme-t-il. Il faut leur rappeler de se concentrer sur ce qu’ils peuvent faire, comme s’entraîner. Heureusement, la plupart des athlètes universitaires sont disciplinés et résilients. Ils peuvent en prendre. Par contre, ils sont particulièrement vulnérables aux déceptions, qu’ils vivent parfois très intensément. Leurs proches doivent en prendre conscience. »
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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