Les universités dans l’angle mort de la campagne électorale

Malgré les nombreuses revendications des acteurs du milieu universitaire, l’éducation postsecondaire peine à se tailler une place.

13 septembre 2021
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Alors que la pandémie domine les débats depuis le déclenchement des élections fédérales, l’éducation universitaire et la recherche passent un peu sous le radar. Pourtant, les universités se trouvent au cœur d’enjeux cruciaux pour l’avenir du Canada.

La crise sanitaire a montré les limites du financement des universités basé sur les droits de scolarité. En août dernier, Statistique Canada évaluait qu’elles pourraient perdre jusqu’à 2,5 milliards de dollars des revenus projetés pour 2020-2021, en raison notamment de la baisse des inscriptions provenant de l’international.

« Les universités ont été écartées de plusieurs programmes d’aide financière pendant la pandémie, rappelle David Robinson, directeur général de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU). Le prochain gouvernement fédéral devra les aider concrètement à affronter les problèmes systémiques qu’elles rencontrent. »

Le directeur général verrait d’un bon œil un nouvel accord financier en éducation postsecondaire entre le fédéral et les provinces, à l’image du programme national de garderies. « Présentement, les transferts fédéraux aux provinces pour soutenir l’éducation postsecondaire sont trop faibles, augmentent peu et leur utilisation par les provinces n’est pas très transparente », souligne M. Robinson. En 2020, un peu plus de 4,5 milliards de dollars du Transfert canadien en matière de programmes sociaux étaient, théoriquement, attribués à l’éducation postsecondaire.

Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada (organisme qui publie le magazine Affaires universitaires), rappelle que le Canada manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée. « Les universités jouent un rôle crucial pour former des talents et en attirer de l’étranger, souligne-t-il. Cependant, la compétition mondiale est féroce et le Canada doit investir pour s’assurer que nos établissements restent attractifs. »

Le PDG attire aussi l’attention sur l’urgent besoin d’investissements dans les infrastructures physiques et numériques des campus. Selon Universités Canada, les universités du pays ont besoin d’au moins 7 milliards de dollars pour réaliser des projets d’infrastructures et de plus de 17 milliards de dollars pour des projets d’entretien — parfois urgents — qui sont reportés. « Elles doivent adapter certaines installations aux règles sanitaires liées à la COVID-19 ou réduire leur empreinte carbone, ce qui exige des dépenses auxquelles le gouvernement fédéral peut contribuer », croit-il.


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Soutenir les francophones

En 2020, le gouvernement fédéral a sauvé in extremis le démarrage de l’Université de l’Ontario français. La même année, la Campus Saint-Jean en Alberta et les universités Laurentienne et Saint-Paul en Ontario ont annoncé des compressions dans leurs programmes en français.

« L’éducation universitaire en français dans les milieux minoritaires joue pourtant un rôle important, notamment pour atteindre la cible de 25 % de Canadiens bilingues en 2036 proposée par le gouvernement fédéral, pour soutenir les communautés francophones hors Québec et pour attirer des immigrants francophones », souligne Lynn Brouillette, présidente-directrice générale de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).

L’ACUFC demande un énoncé de politique publique reconnaissant la mission civique des établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire et un nouveau programme permanent d’appui. Elle souhaite aussi que le gouvernement fédéral utilise la Loi sur les langues officielles afin d’inciter les institutions fédérales à imaginer des moyens innovants pour appuyer ces établissements.

Les principales promesses des partis

 

Nouveau Parti démocratique

  • Éliminer les intérêts sur les prêts étudiants fédéraux et instaurer un programme ciblé de remise de dette pour les diplômé
  • Interdire les stages non rémunérés en dehors des programmes d’éducation.

Parti libéral

  • Ajouter 1 000 chaires de recherche au Canada et créer un fonds de 75 millions de dollars par année pour aider les collèges et universités à commercialiser des recherches.
  • Embaucher 1 200 nouveaux conseillers en santé mentale dans les établissements d’enseignement postsecondaire.
  • Suspendre le remboursement des prêts étudiants des nouveaux parents jusqu’à ce que leur plus jeune enfant ait cinq ans.
  • Éliminer les intérêts sur les prêts d’études canadiens et augmenter à 50 000 dollars le seuil du Programme d’aide au remboursement pour les étudiants emprunteurs qui sont célibataires.

Parti Vert

  • Abolir les droits de scolarité de l’enseignement postsecondaire.
  • Annuler les dettes de prêts étudiants.
  • Prestation canadienne d’urgence rétroactive pour les étudiants.
  • Allouer 10 milliards de dollars au financement des transferts fédéraux-provinciaux aux universités et collèges.

Parti Conservateur

  • Nouvelle enveloppe budgétaire de 30 M$ par année afin d’offrir un financement aux établissements d’enseignement postsecondaire francophones en milieu minoritaire.
  • Promouvoir la liberté d’expression sur les campus.

Sources : Le Devoir et les plateformes électorales des partis

Aider les étudiants

Très affectée par la pandémie, la communauté étudiante a elle aussi des attentes. « Les étudiants sont souvent oubliés pendant les élections fédérales, alors qu’ils représentent l’avenir du pays, déplore Alannah Mckay, présidente de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ). Nous avons lancé une campagne intitulée “Génération vote” pour les inciter à voter et pour faire connaître nos principales revendications. »

La Fédération réclame l’abolition des droits de scolarité et la mise en place de programmes d’allègement des dettes étudiantes, ainsi qu’un programme national de garde d’enfants universel, un contrôle des loyers, des investissements dans le logement abordable et de l’aide pour la sécurité alimentaire. Elle demande un plein financement de l’éducation postsecondaire pour tous les étudiants issus des Premières Nations, métis et inuits et des fonds pour des programmes de langues autochtones. Enfin, elle souhaite un accès illimité aux soins de santé publics pour les étudiants internationaux et l’élimination des frais différentiels.

Financer la recherche fondamentale

La recherche universitaire constitue un autre sujet dont on entend peu parler en campagne électorale. « La pandémie a pourtant montré que la science a un rôle crucial à jouer pour appuyer les prises de décisions des dirigeants politiques et surmonter des crises majeures », rappelle Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures de l’Université de Sherbrooke et président de l’Acfas. Cette association tiendra le 10 septembre à midi un Bar des sciences virtuel sur les élections fédérales, en collaboration avec l’ACUFC.

L’Acfas souhaite que le gouvernement rehausse le financement de la recherche fondamentale ainsi que le soutien aux jeunes chercheurs et aux étudiants chercheurs. Elle espère une augmentation significative du nombre et de la valeur des bourses accordées aux étudiants des cycles supérieurs et aux stagiaires postdoctoraux par les organismes subventionnaires fédéraux.

Paul Dufour, professionnel en résidence de l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique à l’Université d’Ottawa, rappelle à ce titre que le rapport du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale plaidait déjà en 2017 pour une hausse rapide du financement de la recherche fondamentale. « Ce sont des recherches de longue date — notamment dans les universités — qui ont permis d’élaborer si vite des vaccins contre la COVID-19, offrant ainsi un exemple spectaculaire de l’importance de cette forme d’exploration », souligne-t-il

Ce membre du conseil d’administration de Dialogue Sciences & Politiques estime aussi que le gouvernement fédéral doit soutenir la création d’interfaces entre le milieu de la recherche et la société. « Les tensions et la désinformation au sujet des vaccins et des changements climatiques montrent bien que le dialogue entre la science et la société constitue un enjeu majeur », souligne-t-il.

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