Un appel à augmenter la préparation aux situations d’urgence

Les mesures d’urgence en vigueur dans les universités sont-elles suffisamment bien communiquées à leur communauté?

09 mars 2023
Someone stands in front of a memorial for victims of the Polytechnique massacre.

Des syndicats québécois demandent aux collèges et universités de mieux se préparer aux situations de crise sur leur campus. Les établissements possèdent des plans d’urgence, mais le personnel n’est pas toujours bien formé pour réagir dans ces crises.

Le 11 novembre dernier, deux cégeps ont dû confiner leur campus en l’espace de quelques heures en raison de la présence d’individus armés ou louches. Ces deux événements se sont terminés avec plus de peur que de mal, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Au Québec, tout le monde garde en tête la tuerie de Polytechnique, qui a coûté la vie à 14 jeunes femmes en 1989, et la fusillade au collège Dawson en 2006, qui a fait une morte et une vingtaine de blessés.

Des événements plus récents ont marqué d’autres provinces. À la mi-janvier, l’Université Acadia, en Nouvelle-Écosse, a imposé un confinement de deux heures et demie sur son campus à la suite d’un incident lors duquel une personne aurait laissé voir qu’elle avait une arme à feu en sa possession. En 2014, le campus de l’Université d’Ottawa a été fermé en raison d’une fusillade près du Parlement. D’autres campus en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique ont aussi été confinés temporairement à cause d’incidents de ce genre.

Mal préparés?

Pourtant, la préparation du personnel laisse encore à désirer. « Au Québec, tous les établissements d’enseignement supérieur doivent posséder un plan d’urgence, mais trop souvent le personnel les connaît mal et les formations restent trop rares », déplore Valérie Fontaine, présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ). Elle a cosigné une lettre ouverte en novembre qui demande aux établissements d’offrir des formations pratiques sur les situations d’urgence.

« Le Québec a adopté en 2019 une loi qui rend obligatoires les activités de formation sur les violences à caractère sexuel dans les établissements et nous souhaitons que le gouvernement fasse la même chose avec la préparation aux situations d’urgence », explique-t-elle.

Peu d’établissements jusqu’à maintenant se sont engagés à fournir de telles formations. La syndicaliste raconte que les responsables de certains établissements craignent que ce type de mise en situation crée de l’angoisse sur les campus. Les coûts associés à ces exercices et le fait que la communauté étudiante se renouvelle très rapidement les feraient aussi hésiter.

Gabriel Cormier, vice-recteur à l’administration et aux ressources humaines de l’Université de Moncton, indique que l’établissement à des plans d’urgence pour plusieurs situations. Elle ne donne toutefois pas de formations spécifiques, à part des exercices d’incendie. « Nous regardons la possibilité de rendre obligatoires certaines formations pour le personnel, mais compte tenu du nombre de membres du personnel et de la taille de la communauté étudiante, je ne crois pas que ce serait envisageable de faire des exercices pour couvrir tous les types de situations d’urgence possible », explique-t-il.

L’Université compte surtout sur son système de communication, notamment des affiches un peu partout sur le campus et une application mobile qui peut servir à signaler une urgence ou à envoyer des messages urgents à la communauté universitaire.

De manière similaire, l’Université de Montréal a lancé dans la foulée des événements du 11 novembre une campagne de sensibilisation aux comportements à adopter en cas d’urgence. Elle entend désormais mener une campagne par courriel auprès du personnel à l’automne et auprès des étudiant.e.s au début de chaque trimestre.

Une nouvelle formation

Le Collège Ahuntsic a pour sa part modifié son approche à la suite des confinements du 11 novembre. « Le personnel et les syndicats nous ont demandé d’offrir des formations plus spécifiques pour se préparer à ce type d’événement, explique la conseillère en communication, Sophie Beauregard. Nous collaborons avec une firme spécialisée pour donner une conférence-formation à tous les membres du personnel. »

Toute la communauté du cégep aura aussi accès à des capsules vidéo en ligne. Les membres du personnel nouvellement embauché.e.s devront suivre une formation en ligne. « C’est important qu’ils puissent avoir une formation dès leur entrée en fonction, car on ne sait jamais quand une situation d’urgence surviendra », souligne Mme Beauregard.

C’est la première fois que le Collège propose une formation autre que les exercices d’incendie. Elle a depuis déjà été offerte à deux reprises, soit en décembre et janvier. Elle enseigne les deux comportements à adopter lors d’une situation d’urgence : fuir et se barricader. Le cégep forme aussi des « chefs d’étage », qui s’assureront, par exemple, que tout le monde est évacué dans l’éventualité où une situation d’urgence devait survenir.

Pratiquer le travail d’équipe

De son côté, l’Université de l’Alberta a une équipe de gestion de crise qui comporte près de 40 postes. L’établissement tente d’avoir deux à trois personnes pour chaque poste, au cas où l’une d’entre elles ne pourrait pas jouer son rôle lors d’une situation d’urgence. Toutes ces personnes ont droit à des formations. « Nous offrons trois niveaux de cours et le premier niveau est obligatoire pour les membres de l’équipe », explique Robert Pawliuk, vice-président associé aux infrastructures et opérations de l’établissement albertain.

L’équipe procède également à des exercices chaque trimestre. Les membres pratiquent leur capacité à répondre à différents scénarios. Le personnel de sécurité du campus est aussi formé. L’Université s’assure notamment qu’il collabore bien avec les membres du personnel qui doivent les aider dans des circonstances précises.

« Ces personnes peuvent indiquer la présence d’une archive qu’il faut protéger en priorité en cas d’inondation ou d’incendie ou encore des laboratoires dans lesquels se trouvent des substances dangereuses pour les premiers répondants », illustre M. Pawliuk.

Gare aux catastrophes naturelles

Sur la côte Ouest, l’Université de la Colombie-Britannique offre une douzaine de formations à son personnel qui suivent un cycle de trois ans. Elles couvrent une panoplie de sujets, comme le travail dans le centre de gestion de crise ou encore la préparation individuelle ou départementale à diverses situations d’urgence. « Le personnel peut demander la création d’une formation plus personnalisée pour un département ou une situation particulière », précise Hailey Maxwell, directrice de la planification des urgences et de la continuité.

L’Université réalise chaque année une mise en situation qui porte sur une partie précise de son plan d’urgence. En 2023, elle mettra son refuge d’urgence à l’épreuve pour voir comment le personnel et les installations fonctionnent lorsqu’il est occupé par beaucoup d’individus.

L’établissement effectue aussi deux ou trois activités de préparation par année pour sa communauté étudiante. Située dans une zone sismique, elle apporte une attention particulière aux risques de catastrophes naturelles. « L’événement de simulation d’un tremblement de terre, tenu en octobre chaque année, est probablement le plus couru par les étudiant.e.s », explique Mme Maxwell. Elle précise qu’un simulateur de tremblement de terre est mis à leur disposition pour les aider à mieux comprendre comment un tel événement pourrait les affecter et les mesures à prendre pour s’en protéger.

Les campus sont des lieux vulnérables. Ils s’étendent souvent sur de vastes espaces et un grand nombre de personnes s’y trouvent, autant à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur. Les édifices sont souvent ornés d’un grand nombre de fenêtres, comportent de nombreux corridors et encore plus de salles, dont très souvent les portes ne barrent pas. Ce ne sont pas des endroits faciles à protéger. La sécurité des gens qui s’y trouvent repose en grande partie sur leur niveau de préparation. « Être mieux préparé aidera les gens à savoir rapidement comment réagir en cas de situations d’urgence, et ils se sentiront donc plus en sécurité », croit Valérie Fontaine.

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