Un partenariat pour former davantage de médecins inuits

Cette collaboration entre la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et le Nunavut vise à combler le besoin de soins culturellement sécurisants dans les communautés du Nord.

30 août 2022

Le gouvernement du Nunavut et l’Université d’Ottawa unissent leurs efforts pour pallier le manque de médecins inuits, qui sont depuis longtemps sous-représentés dans la profession. Ainsi, la Faculté de médecine de l’Université réservera deux places à des étudiants inuits à l’automne 2023. C’est un financement du gouvernement du Nunavut et du groupe Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), qui fait respecter les droits issus de traités des communautés inuites, qui rend cette initiative possible.

D’ailleurs, ce partenariat n’aurait pas vu le jour sans le Programme autochtone de la Faculté. « Nous ne cherchons pas que des personnes qui sont prêtes à entamer des études en médecine, mais celles en voie de l’être aussi », indique Darlene Kitty, médecin, professeure et directrice du Programme autochtone et membre de la Première Nation crie. L’entente prévoit, outre les places à la Faculté, l’enseignement de cours ciblés de sciences au Collège de l’Arctique du Nunavut, et l’accompagnement des aspirants étudiants tout au long du processus d’admission. « Nous travaillons aussi en amont, en encourageant les jeunes à faire carrière en médecine », précise la Dre Kitty.

Étudiant à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, Zach Verret-Borsos démontre à des jeunes du Nunavut comment bien installer une perfusion intraveineuse. Photo courtoisie de Tanya Lalonde, Université d’Ottawa/NVision.

« Les partenaires travailleront ensemble pour soutenir les étudiants dans leur parcours pour devenir médecins », déclare Kilikvak Kabloona, directrice générale de NTI, dans un communiqué. Aluki Kotierk, présidente de NTI, souligne à son tour que la formation et l’embauche de professionnels de la santé inuits sont « essentielles pour que soient dispensés des soins de santé en langue inuite accessibles, sécuritaires et de haute qualité au Nunavut ».

Comme c’est généralement le cas en milieu rural, il est très difficile de pourvoir des postes de médecin dans le Nord. À la difficulté pour les communautés inuites d’obtenir des soins s’ajoute celle d’obtenir des soins culturellement sécurisants et adaptés. Une équipe de recherche de l’Hôpital d’Ottawa a constaté que les patients inuits étaient environ 60 % plus susceptibles que les autres de subir des complications après une intervention chirurgicale non urgente ou oncologique, principalement en raison de la détection tardive du problème de santé.

Claire Kendall, doyenne adjointe de la responsabilité sociale à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et membre de l’équipe responsable du partenariat, estime que les facultés de médecine ont le devoir de remédier à ces problèmes, en grande partie hérités du colonialisme. « Nous savons que le système d’éducation est colonial, et nous en faisons partie, reconnaît-elle. C’est l’ensemble de ce système qu’il faut repenser pour assurer la qualité de la formation des professionnels de la santé. »

C’est l’une des raisons qui ont motivé des collègues du Nunavut à réclamer des mesures pour favoriser la formation en amont, et pour accompagner les étudiants inuits dès leur inscription au programme. La Faculté de médecine a mis en place une structure de soutien pour la population étudiante autochtone. Pour la Dre Kendall, il importe que chacun de ces éléments réponde aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, notamment en ce qui concerne l’accroissement du nombre de professionnels autochtones dans le domaine des soins de santé. La doyenne adjointe revient souvent à une déclaration d’une de ses collègues, la médecin inuite Elaine Kilabuk : « Les peuples autochtones savent ce qui est bon pour eux. »

De plus en plus reconnue dans le domaine de la santé, la notion de soins culturellement sécurisantes est aussi mise en lumière par ce partenariat. La Dre Kitty, qui exerce à Chisasibi, une communauté crie dans le Nord du Québec, explique que la représentation des personnes autochtones dans les services de santé a des retombées sur la santé de toute la communauté. « Les médecins autochtones connaissent la culture, l’histoire et les problèmes sociaux de ces communautés, mais savent aussi reconnaître leur résilience et leurs triomphes », résume-t-elle.

François de Wet, médecin-chef territorial au Nunavut et médecin à l’Hôpital général Qikiqtani, à Iqaluit, souhaite que les médecins allochtones reçoivent une formation sur les soins culturellement sécurisants lorsque possible. « Il faut plus de médecins autochtones, non pas pour qu’ils soient les seuls à servir les communautés autochtones, mais parce qu’ils ont l’expérience de la vie autochtone, dit-il. Les médecins allochtones devraient aussi être informés de cette réalité. On ne peut pas compter seulement sur les médecins inuits, le fardeau serait trop lourd sur leurs épaules. »

En définitive, il faut éliminer tous les obstacles à des soins de santé de qualité pour les personnes autochtones, affirme la Dre Kitty. « Depuis la mort tragique de Joyce [Echaquan], la question du racisme systémique s’est invitée dans les facultés de médecine, souligne-t-elle, faisant référence à cette Atikamekw décédée dans un hôpital au Québec, ignorée du personnel soignant malgré ses appels à l’aide. On peut combattre ce racisme en sensibilisant davantage le personnel aux problèmes autochtones, mais aussi aux bons côtés, comme la richesse de la culture et de la vie communautaire », conclut-elle.

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