Choisir le titre de sa thèse

Survol des nombreuses considérations qui nourrissent la réflexion qui permettra de déterminer le titre de sa thèse.

29 mai 2023
Un document imprimé et relié, mais sans titre.

NDLR : Ceci est le premier de deux textes qui aborderont les éléments à garder en tête au moment d’arrêter son titre de thèse ou de guider un.e étudiant.e à travers ce processus.

Combien de fois par semaine demande-t-on aux thésard.e.s le sujet de leur recherche ou le titre de leur thèse? La réponse : très fréquemment. C’est un peu comme une entrée en la matière, comme un « conversation starter », soit l’inévitable troisième question, qui suit systématiquement les échanges d’usage pour se présenter et expliquer ce que l’on fait dans la vie.

Certain.e.s thésard.e.s ont même deux scénarios de réponse pour décrire leur thèse, dépendant de leur interlocuteur : expert.e ou non-initié.e. À ses professeur.e.s et aux autres doctorant.e.s, on doit prouver l’intérêt et l’originalité du sujet; aux membres de sa famille et aux ami.e.s, il faut plutôt procéder à un exercice extrême de vulgarisation scientifique, comme un premier défi pédagogique. Il faut être en mesure de synthétiser et de cerner des mois de réflexion — et d’essai-erreur — en seulement quelques mots.

L’un des exercices les plus périlleux pour un.e thésard.e est de décider ce que sera le titre exact de sa future thèse : non pas qu’il soit irréalisable de le déterminer, mais ce processus visant à mettre au point l’intitulé le plus adéquat est fluctuant, en constante mouvance, comme la thèse elle-même. Le titre est toujours provisoire; il est modifié sans cesse et il n’est pas impossible que l’on revienne (momentanément?) à sa première idée, après beaucoup de tergiversations. Même au moment de la soutenance (et parfois après), le titre n’est — jamais encore — définitif.

Lorsqu’un.e thésard.e se présente ou évoque son travail au quotidien, on lui pose souvent des questions du style « Qu’est-ce qu’une thèse? » ou encore « De quoi traitera votre thèse? » Au départ, ces signes d’intérêt ou de curiosité empathique se veulent une entrée en la matière, une façon de briser la glace; mais pour la personne entièrement plongée dans sa réflexion ou absorbée par un chapitre particulier de sa recherche, ces questions toutes simples peuvent constituer des défis difficilement surmontables. En effet, comment pourrait-on résumer en seulement quelques phrases ce travail en cours, cette obsession vécue au quotidien, cette œuvre non encore achevée qu’est la thèse de doctorat? La thèse en cours est un peu comme un chantier, pour reprendre l’analogie du professeur Fernand Dumont; elle n’a pas encore de forme définitive ni de résultats finaux. S’il est difficile de forger un résumé de sa thèse, il est tout aussi ardu de formuler un titre qui annonce, résume, synthétise et délimite son sujet. La thèse apparaît parfois comme un enchevêtrement de questionnements et de correspondances multipliées à l’infini, un peu comme pour une cellule ou une galaxie — toutes proportions gardées. La résumer semblerait pratiquement impossible tant que toutes ces questions et composantes resteront sans réponse.


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Le concours « Ma thèse en 180 secondes » lancé par l’Acfas met au défi des étudiant.e.s de troisième cycle devant résumer leur recherche en des termes simples, pour un auditoire de non-initié.e.s. L’exercice est à la fois exigeant, stimulant et productif; tout comme on demande un aperçu, une esquisse à l’artiste ou à un.e écrivain.e pendant la préparation d’un prochain livre : de quoi sera-t-il question? Mais un titre n’est pas un résumé; et composer un titre de thèse reste encore plus complexe.

Similairement, le titre de thèse doit normalement donner un aperçu utile de ses composantes, si les éléments du titre sont adéquatement choisis. Tout comme le résumé, le titre annonce le contenu et départage les aspects retenus. Chaque doctorant.e doit savoir, après avoir réussi son mémoire de maîtrise, comment cerner et circonscrire son propos et éliminer ce qui sera superflu. Un titre de thèse ne peut pas exclure des éléments (ça, c’est le propre de la problématique); le titre de thèse peut seulement inclure, indiquer ce que l’on retient, annoncer le menu. Mais il est préférable d’éviter les adjectifs accrocheurs, omniprésents dans les magazines et les émissions scientifiques, du style « fascinant », « mystérieux », « inconnus », « incompréhensibles ». Une thèse ne s’apparente aucunement à une émission comme Découverte.

Tous les mots du titre sont importants, à commencer par le tout premier terme employé. Le choix du premier mot du titre est doublement déterminant; il doit être l’élément qui situe le propos de la thèse, et il faut avoir à l’esprit que certains répertoires de thèses font un classement par ordre alphabétique. Le monde scientifique qui consulte les thèses effectuera une recherche par mots-clés, et la thèse au titre idéal devrait offrir d’emblée aux lecteurs et lectrices qui butinent sur la toile plusieurs éléments clés. Il ne faut pas hésiter à opter pour un titre long, en plusieurs parties et à plusieurs niveaux, qui aura l’avantage d’inclure plusieurs dimensions touchant à la fois le contenu, le contexte, l’approche préconisée. La concision n’a pas sa place dans un titre de thèse. Un titre peut certes étonner par sa longueur, son ampleur, sa densité; mais on ne devrait pas reprocher à un.e thésard.e d’avoir établi un titre qui serait trop long.

Même la ponctuation est cruciale afin de structurer efficacement son titre : l’emploi des deux points, du point-virgule permettent d’introduire une autre dimension ou un angle de réflexion. Et par la même occasion de rallonger, donc de préciser et non de répéter, d’amener un autre élément essentiel. Il ne faut pas hésiter à introduire un sous-titre qui apporte une précision quant au cadre disciplinaire du travail, surtout s’il s’agit d’une recherche interdisciplinaire ou multidisciplinaire. On peut même y inclure un point. Donc de placer deux groupes de mots des phrases sans verbe, séparés par un point. Et même trois éléments dans un titre. Il serait déplacé qu’un décanat rejette un titre ou exige de l’abréger. Le titre de thèse doit demeurer la prérogative de la personne qui rédige la thèse.

Il est toujours préférable de garder un titre de travail, et dans ses cartons, deux autres choix de rechange. Et de ne pas effacer définitivement ses anciennes idées de titre que l’on aurait trop rapidement décidé d’abandonner.


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Pour beaucoup de doctorant.e.s, la thèse équivaudrait presque à une traversée du désert, à une préoccupation de tous les instants, tel un projet auquel se rapportent inévitablement toutes nos lectures, toutes nos réflexions durant une période déterminante de notre vie.

Retenons que le titre d’une thèse évolue sans cesse, comme un « work in progress », comme la thèse elle-même. Peut-être que le titre changera jusqu’au moment de la soutenance, et même par la suite au moment du dépôt final après révisions. Pourtant, le titre d’une thèse de doctorat est un élément fondamental, parfois négligé ou quelquefois conçu à la hâte, au dernier moment. Et pourtant!

D’ailleurs, si vous n’avez jamais changé de titre de thèse depuis votre première inscription au doctorat, vous devriez peut-être vous poser des questions!

Le titre d’une thèse n’est pas comme un « pitch d’ascenseur »; mais il se doit d’être aussi informatif et aussi invitant. En moins de mots et… sans ascenseur.

Yves Laberge est sociologue et a été responsable de la chronique « Lu pour vous ».

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