S’aventurer au doctorat en étant bien préparé
Le professeur à la retraite Jean-Pierre Deslauriers publie un livre consacré à l’aventure qu’est le doctorat.
« [Un] nombre étonnant d’étudiants récemment diplômés […] s’engagent dans les études doctorales sans trop penser à ce qui les attend », écrit Jean-Pierre Deslauriers dans son dernier livre, Et si le doctorat était une belle aventure? C’est pour démystifier le troisième cycle que le professeur associé au Département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais a décidé d’y consacrer cet ouvrage, qui est paru cette année aux Presses de l’Université Laval. Adoptant un ton résolument positif et personnel, le livre décrit les différentes étapes du doctorat, avec en son cœur la thèse. Affaires universitaires a discuté avec l’auteur pour connaître les motivations derrière ce projet.
Affaires universitaires : De quoi parle le livre et à qui s’adresse-t-il?
Jean-Pierre Deslauriers : Le livre s’adresse aux doctorants et aux futurs étudiants au doctorat, surtout en sciences sociales et en science de l’éducation. Je parle un peu de méthodologie de la recherche, mais le livre est plus large, et aborde la réalisation du doctorat. En bref, comment passer au travers? J’y ai décrit les étapes du doctorat dans une suite chronologique, du choix du sujet de thèse jusqu’au dépôt du manuscrit, en passant par l’écriture, la recherche d’information et l’encadrement du directeur.
Enfin, à chacune de ces étapes, je me suis attardé à illustrer quelques problèmes qui pouvaient se présenter et donner des suggestions pour les surmonter. J’ai essayé de me placer du point de vue des étudiants et donner un côté pratique à ce livre. Je voulais que le doctorant puisse se rendre compte que, malgré les mésaventures, les contretemps, la tentation du découragement, malgré tous ces incidents, il y a de la lumière au bout du tunnel.
AU : Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre?
M. Deslauriers : La principale raison est que je n’avais pas rencontré de livre semblable en français. Au cours de mes recherches, j’ai croisé plusieurs auteurs, dont plusieurs québécois, qui décrivent bien l’encadrement des étudiants dans leur recherche; je voulais plutôt me placer du point de vue des étudiants au doctorat. D’autre part, certains livres couvraient la maîtrise et le doctorat, ce qui me semble différent. Le programme de maîtrise vise souvent un enrichissement professionnel ou un approfondissement de la méthode de recherche. Cependant, dans sa thèse, l’étudiant au doctorat ira plus loin : il se destine à devenir un producteur de connaissances et sa thèse est le premier pas dans cette direction. C’est une différence fondamentale entre le deuxième et troisième cycle et c’est pourquoi j’ai limité mon travail au doctorat.
AU : Doit-on encore convaincre les gens de s’inscrire au doctorat?
M. Deslauriers : C’est tout à fait juste : les jeunes sont de plus en plus nombreux à s’inscrire au doctorat… mais je pense que oui. On a toujours besoin des plus jeunes qui abordent des sujets nouveaux, avec un regard frais, qui vont épouser les problèmes de leur temps. Même si le marché du travail est plus restreint, il demeure important d’avoir des gens qui vont travailler à approfondir les connaissances. Quelqu’un m’a déjà suggéré d’écrire sur l’après-doctorat; j’aurais peut-être dû écrire quelque chose là-dessus!
AU : Le ton de votre livre est très positif et personnel…
M. Deslauriers : Bien sûr! J’ai essayé de démontrer que faire son doctorat est agréable! Le plaisir d’apprendre, la satisfaction de réaliser des prises de conscience, voire de petites découvertes; ce sont des occasions privilégiées pour apprendre et apprendre à se connaître, découvrir ses intérêts et ce qu’on veut faire dans la vie. Se découvrir et découvrir l’univers théorique, voilà le cœur du programme de doctorat. Le pays de la connaissance est un vaste continent, mais c’est très plaisant de s’y avancer. Ma première préoccupation fut de communiquer ce bonheur que j’ai connu quand j’ai écrit ma propre thèse. Ça n’a pas été facile, mais ça été fondamental pour moi.
J’ai aussi réalisé en écrivant que je fus un très mauvais étudiant. Ce livre est un peu une façon de faire amende honorable envers mes pauvres professeurs!
AU : Vous mentionnez en introduction que la vaste majorité des étudiants qui entrent au doctorat ne sont pas vraiment conscients de ce qui les attend. Les étudiants devraient-ils réfléchir davantage à leurs motivations avant de faire un doctorat?
M. Deslauriers : Ah oui, ça, c’est vrai! Si on savait ce qui nous attend, probablement qu’on ne ferait rien! Ça prend un peu de naïveté et un peu d’audace pour s’engager dans un doctorat. D’autre part, il faut un peu de réflexion aussi. Il faut voir ce qui fait notre affaire.
Le problème dans le doctorat, ce n’est pas quand on suit des cours; on a alors des échéances à respecter, des professeurs qui nous encadrent. Lorsqu’on arrive à la thèse, on se retrouve seul. S’il y a quelque chose qui explique l’abandon, et je n’en ai peut-être pas assez parlé, c’est le manque d’encadrement des étudiants durant la thèse. La direction, c’est fondamental dans la réalisation d’une thèse, et il y a beaucoup de directeurs qui ne réalisent pas ça. Ce n’est pas toujours de la mauvaise volonté, mais ils se fient à ce qu’ils ont vécu.
AU : Quel conseil donneriez-vous aux futurs candidats au doctorat?
M. Deslauriers : Un doctorat, c’est fait pour tout le monde. Pas besoin d’être un génie ou un athlète du cortex pour passer au travail. Cependant, comme n’importe quel travail qui demande du temps et du souffle, il faut aimer ça. Il faut aimer lire, écrire et réfléchir. Il faut parfois travailler seul : la réflexion se fait souvent dans la solitude. Ensuite, il faut être tenace parce que les difficultés ne manquent pas. Tout de même, quand on aime son travail, les difficultés ne rebutent pas le doctorant. Durant le doctorat, vous vous découvrirez en apprenant.
Une dernière remarque. Tout le monde n’a pas besoin d’un doctorat : on peut vivre sans ça. Si la motivation faiblit trop, ce n’est pas honteux d’abandonner les études doctorales et de rediriger ses efforts dans une autre direction. Cependant, il faut abandonner pour de bonnes raisons et aller au bout de soi-même : on ne sait jamais quelle aurait été notre vie si on n’avait pas renoncé après avoir été si près du but.
Cet entretien a été revu et condensé pour plus de clarté.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
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1 Commentaires
L’ouvrage de Jean-Pierre Deslauriers m’apparaît essentiel, même si je ne l’ai pas lu. L’entrevue, qu’il donne ici, reflète parfaitenent les grandes joies d’entrer dans le vaste continent des connaissances, ainsi que les embûches, les imprévus et les retards issus de la vie durant de si longues études.
Faire un doctorat, c’est choisir consciemment de « monter un Himalaya » et de vivre la grande aventure des apprentissages réels loin de la surface des réalités. Personnellement, avec Emile Ollivier, j’ai vécu l’immense privilège d’être encadrée avec rigueur et honnêteté à la maîtrise (M.A.) et au doctorat. Et de réaliser enfin un rêve d’enfant, dans la quarantaine, où ma défense de thèse fut « une fête de l’esprit » selon son heureuse expression.
Cependant, un seul point mériterait d’être soulevé en corollaire : celui du vol intellectuel de notre production doctorale par les directions d’équipes de recherches. J’ai connu cette réalité lors de mon doctorat, comme d’autres en même temps refusant de se battre. L’Ombudsman de mon université a réussi la récupération d’un chapitre complet de ma thèse en contrepartie de mon abandon d’être co-auteur (2e) de l’ouvrage d’une professeure. Par la suite, en tant que professeure d’université, j’ai été confrontée à diverses formes de vol ou de plagiat une bonne dizaine de fois, avec batailles à la carte qui ont été perdues.
Ces phénomènes sont quasi endémiques et non dénoncés en milieu universitaire, sujets tabous au sein du corps professoral au Québec. Voilà des exemples patents de purs produits d’accumulation du capital symbolique (Pierre Bourdieu) dans un contexte de contraintes excessives de production et diffusion de nouveaux savoirs en milieu universitaire. Les cohortes étudiantes au doctorat devraient être informées de ces deux phénomènes distincts qui sont à dénoncer fortement, à l’instar de l’Observatoire international sur la déontologie et l’éthique en recherche.