La Charte de Scarborough : une initiative nationale pour lutter contre le racisme anti-Noir sur les campus
Des universités et collèges canadiens se dotent de lignes directrices pour lutter contre le racisme anti-Noir et favoriser l’inclusion des Noirs dans leur établissement.
Près de 50 établissements d’enseignement postsecondaire, dont aucun de langue française, ont signé la Charte de Scarborough contre le racisme anti-Noir et pour l’inclusion des Noirs dans l’enseignement supérieur au Canada lors d’une cérémonie virtuelle tenue le mois dernier. La Charte, rédigée par un sous-comité présidé par Adelle Blackett, professeure de droit à l’Université McGill, fournit un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions des étudiants, du personnel et des professeurs noirs dans les universités et les collèges canadiens.
« Je travaille en enseignement supérieur depuis longtemps, et je n’avais jamais vu une telle démarche pour améliorer les conditions des Noirs dans le milieu de l’enseignement postsecondaire. Je ne pensais pas que je verrais cela de mon vivant, se réjouit Barrington Walker, vice-recteur associé à l’équité, la diversité et l’inclusion à l’Université Wilfrid Laurier et membre du sous-comité de rédaction. Je suis fier de ce que nous avons accompli. »
Wisdom Tettey, vice-recteur et principal de l’Université de Toronto à Scarborough, a eu l’idée d’élaborer la Charte après les discussions qui ont eu lieu à l’échelle du pays sur l’état de la situation du racisme anti-Noir dans les établissements d’enseignement au Canada. Elle repose sur quatre principes – l’épanouissement des Noirs, l’excellence inclusive, la mutualité ainsi que la responsabilisation – pour que soient honorés les engagements qui y sont décrits, explique-t-il.
Ces engagements comprennent le soutien du leadership des étudiants noirs, la compilation et l’analyse de données sur la représentation des Noirs ainsi que la réévaluation de l’infrastructure et des protocoles de sécurité en place sur les campus pour protéger la dignité, l’égalité et la sécurité des personnes noires qui y circulent.
Contexte historique
Professeure agrégée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta, Bukola Salami, a particulièrement apprécié l’inclusion des nuances du racisme anti-Noir dans la Charte. À mon sens, ce document tient compte des différentes formes de racisme que les Noirs vivent au Canada, y compris de l’histoire de l’esclavage au pays. La Charte traite aussi de la nécessité de porter attention aux expériences des professeurs noirs non titulaires et à celles du personnel noir ayant un statut précaire au Canada. »
L’Université de l’Alberta a instauré certains changements récemment, notamment par l’embauche d’un titulaire d’une chaire de recherche du Canada en études des Noirs à la Faculté des arts, et elle se prépare à embaucher jusqu’à 11 professeurs noirs au cours des trois prochains mois. Mais quand elle évalue la situation dans son ensemble, Mme Salami voudrait que l’antiracisme fasse partie intégrante des structures et du fonctionnement mêmes des établissements d’enseignement supérieur.
« Ce que j’aimerais notamment, c’est qu’on veille à ce que le processus d’évaluation des professeurs ait un volet portant sur la lutte contre le racisme anti-Noir. Ainsi, lorsqu’une personne obtient une promotion, elle devrait être en mesure de démontrer qu’elle lutte contre le racisme dans sa pratique, soutient-elle. C’est important que l’antiracisme devienne une norme de pratique dans les systèmes d’enseignement, dans les systèmes de promotion, bref dans tous les systèmes. »
Apport des étudiants
Malgré des consultations à l’échelle nationale sur le contenu de la Charte, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ) soutient que les étudiants auraient davantage dû être appelés à participer au processus.
« À ma connaissance, ni moi ni mes prédécesseurs n’avons été invités aux discussions sur la Charte, et aucun leader étudiant non plus », commente Mobólúwajídìde (Bo) Joseph, représentant du Caucus des étudiantes et étudiants noirs de la FCÉÉ. Selon lui, la participation étudiante dans ce genre d’initiatives est essentielle si on veut en arriver à des solutions durables.
Cependant, selon M. Walker, les étudiants ont eu leur mot à dire : « Nous avons pris soin d’inclure des étudiants dans le processus de consultation lorsque la Charte a été envoyée à différentes universités. Nous nous sommes fiés à elles pour solliciter l’apport des étudiants, et avons eu un retour de plusieurs d’entre eux. »
La FCÉÉ s’inquiète aussi du respect du principe de responsabilisation. Elle estime que les mesures mentionnées dans la Charte constituent un bon point de départ, mais se demande comment faire en sorte que les établissements d’enseignement répondent à leurs engagements.
« Une partie du problème, c’est qu’il n’y a pas de moyen concret d’obliger les établissements d’enseignement à tenir parole et à lever les obstacles auxquels se heurtent encore les personnes noires », se désole M. Joseph.
Pour régler cette importante question, l’une des principales mesures énoncées dans la Charte est la création du Forum interinstitutionnel pour l’enseignement supérieur inclusif. Selon M. Walker, le Forum interinstitutionnel « a été conçu non seulement comme une tribune pour l’échange d’information et de pratiques exemplaires, mais aussi comme un forum où les établissements se tiendront mutuellement responsables de poursuivre l’élan que nous avons insufflé ».
De son côté, la FCÉÉ prévoit lancer un réseau pour le leadership des étudiants noirs, de sorte que les leaders étudiants noirs de partout au pays puissent communiquer, mettre en commun leurs connaissances et apprendre les uns des autres.
M. Walker précise que des changements s’opèrent aussi à l’Université Wilfrid Laurier, qui en est à peaufiner son plan stratégique en matière d’équité, de diversité et d’inclusion qui devrait être publié au printemps 2022, et qui s’apprête à embaucher six professeurs noirs.
La Charte pourrait prendre encore plus d’ampleur; jusqu’à maintenant, moins de la moitié des universités canadiennes l’ont signée. Mais M. Walker demeure optimiste sur le long terme. « J’espère que la Charte mettra un point final aux reproches que l’on fait aux universités, qu’on accuse de faire du surplace dans la lutte contre le racisme anti-Noir ou dans l’amélioration des conditions propices à la réussite des Noirs, ajoute-t-il. Je suis persuadé qu’on parlera encore de la Charte de Scarborough dans 50 ans, parce que c’est vraiment un document d’une importance historique. »
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- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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