Le recul du taux d’inscription des étudiants en enseignement sème l’inquiétude
Entre l’augmentation du nombre d’élèves québécois et les tentatives de recrutement ailleurs au pays, les futurs enseignants francophones se feront certainement courtiser.
Si le nombre d’enfants d’âge scolaire au Québec ne cesse d’augmenter depuis quelques années, le nombre d’étudiants inscrits dans un programme pour devenir enseignants est en baisse. Ce désintérêt pour la profession combiné avec la demande de plus en plus forte pour des enseignants de langue française provenant de programmes d’immersion ailleurs au pays mèneront-ils à une pénurie?
Les scénarios conservateurs de l’Institut de la statistique du Québec prévoient une augmentation de 22 pour cent du nombre d’élèves dans les écoles secondaires francophones entre 2015-2016 et 2029-2030 et de 14 pour cent au primaire. « Il faudra trouver des enseignants pour répondre à la demande », explique Martin Maltais, professeur spécialisé en financement et politiques d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski.
Or, la grande majorité des universités connaissent une baisse du nombre d’inscriptions en éducation depuis cinq ans. En avril dernier, le Journal de Montréal révélait que l’Université du Québec à Chicoutimi comptait 373 inscrits de moins en éducation en 2017 qu’en 2012. On en trouvait 190 de moins à l’Université Laval et 179 de moins à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Cela devrait se traduire par une baisse du nombre de diplômés dè 2020.
Un manque criant
La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys à Montréal, la deuxième plus importante commission scolaire au Québec, accueille cette année environ 3 000 élèves de plus que l’an dernier, alors que le niveau de croissance habituel se situe plutôt entre 1 000 et 1 500.
« Plus de 80 pour cent de nos jeunes viennent de l’immigration et 63 pour cent ont une langue maternelle autre que le français, rappelle le directeur général Dominic Bertrand. Il y a 18 mois, nous avons accueilli 500 réfugiés syriens, puis plus de 700 jeunes demandeurs d’asile depuis septembre. »
Les jeunes dont la maîtrise du français est faible sont placés dans des classes d’accueil où le ratio (au secondaire) est d’un maximum de 17 élèves par enseignant, comparativement à 32 en classe régulière. Au primaire et au secondaire, le nombre de classes d’accueil a bondi de 175 à 255 cette année dans cette commission scolaire, augmentant la pression sur le personnel. « Nos banques d’enseignants sont à sec depuis des mois », déplore le directeur général.
Même le nombre de stagiaires est en berne. En 2015-2016, l’Université de Montréal (U de M) et l’UQAM lui fournissaient respectivement 324 et 302 stagiaires. Cette année, elles lui en ont procuré respectivement 292 et 240, soit presque 100 de moins.
Les écoles québécoises doivent aussi affronter la concurrence d’autres provinces, notamment la Colombie-Britannique et l’Alberta, ouvertement à la chasse aux enseignants francophones. En 2015-2016, 428 625 élèves étaient inscrits dans des programmes d’immersion en français dans des écoles primaires et secondaires à l’extérieur du Québec, selon Statistique Canada. Une augmentation de plus de 20 pour cent par rapport à 2011-2012.
« Nous ne formons pas assez d’enseignants capables d’enseigner en français, confirme Wendy Carr, vice-doyenne à l’éducation des enseignants à l’Université de la Colombie-Britannique. Cette rareté est généralisée dans plusieurs provinces. »
Il est facile pour un enseignant québécois d’aller travailler dans une autre province, puisque sa formation y est reconnue. Toutefois, Mme Carr soutient que ceux qui viennent en Colombie-Britannique n’y restent souvent que quelques années. L’éloignement des proches ainsi qu’un coût de la vie plus élevé dans certaines régions les mettent sur le chemin du retour. « Il faut rapidement attirer dans les universités plus de jeunes capables et désireux d’enseigner en français », conclut-elle.
Soulignons que les établissements d’enseignement supérieur du Québec ne sont pas les seuls endroits où on peut obtenir un diplôme d’études postsecondaires en éducation en français au Canada. En Ontario, l’Université Laurentienne, l’Université York et l’Université d’Ottawa offrent un programme de ce type, tout comme l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, et l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle Écosse. L’Ouest canadien n’est d’ailleurs pas en reste puisque l’Université de Regina, l’Université de l’Alberta et l’Université Simon Fraser comptent également un programme d’éducation en langue française.
Problème d’image
Mais pourquoi les jeunes Québécois boudent-ils les programmes d’enseignement? Pour Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, de laquelle sont membres plus de 65 000 enseignants au Québec, la réponse tient de la piètre image d’une profession dont les conditions de travail laisseraient à désirer.
« Qu’a fait le gouvernement depuis vingt ans pour valoriser cette profession?, demande-t-elle. La tâche s’est complexifiée et est devenue plus exigeante, mais le gouvernement ne le reconnaît pas et n’ajuste pas les conditions de travail en conséquence. »
Les classes seraient plus complexes à gérer, notamment à la suite de l’intégration dans les classes régulières des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.
L’augmentation des programmes de projets particuliers (sports-études, arts-études, études internationales, etc.) vide certaines classes ou écoles des élèves les plus doués, laissant certains enseignants avec des groupes plus exigeants.
Le tout dans un contexte où les enseignants québécois figurent parmi les moins bien payés au Canada, malgré le fait qu’ils doivent compléter un baccalauréat d’une durée de quatre ans pour accéder à la profession. « Le secteur de l’éducation a besoin d’un réinvestissement massif, mais aussi d’un temps d’arrêt afin de discuter de la profession d’enseignant et des conditions de travail », soutient Mme Scalabrini.
La Politique de la réussite éducative lancée en juin 2017 promet d’améliorer l’accompagnement des jeunes enseignants dans leur insertion professionnelle et d’organiser un chantier sur la valorisation de la profession et sur l’autonomie professionnelle du personnel enseignant. Mais les mesures concrètes restent rares.
« Il faut se concerter pour trouver des solutions viables à moyen et long termes », affirme Monique Brodeur, doyenne de la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM. Des discussions en ce sens s’enclencheront prochainement entre l’Association des doyens en éducation au Québec, l’Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, les syndicats et des représentants du secteur collégial. Les étudiants auront aussi leur mot à dire.
Elle espère que la créativité sera au rendez-vous, notamment pour que les étudiants en dernière année de baccalauréat puissent contribuer à combler certains besoins entraînés par la pénurie. À l’automne 2018, un projet pilote permettra à certains étudiants de quatrième année au baccalauréat en éducation préscolaire et primaire à l’U de M d’obtenir des contrats de suppléance en touchant le salaire prévu dans la convention collective.
Mme Brodeur reconnaît aussi que l’image médiatique de l’enseignement a été écornée ces dernières années. Il n’est pas rare qu’il soit question des quelques 15 pour cent d’enseignants désertant la profession dans les cinq premières années de leur carrière ou de la précarité d’emploi pour les recrues, plutôt que des facettes plus positives. « Il faut faire attention de ne pas décourager les jeunes, prévient la doyenne. L’enseignement présente des défis, mais c’est un beau métier. »
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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