Renouveau à l’Université Laurentienne : la communauté francophone garde l’œil ouvert
L’hiver dernier, l’Université Laurentienne a adopté un nouveau plan stratégique, comme le voulait le Plan d’arrangement avec les créanciers. Ce document porte l’espoir d’une « voie positive » pour l’institution. La communauté francophone reste aux aguets.
L’Université Laurentienne a amorcé un nouveau chapitre après la présentation de son Plan stratégique 2024-2029. Ce document ambitieux, révélé dans un communiqué du 27 mars, marque le début d’une ère de renouveau pour l’institution. Pour la rectrice Lynn Wells, qui occupe ce poste depuis le 1er mai, ce plan incarne une vision de croissance soutenable. De son côté, Natalie Poulin-Lehoux, vice-rectrice associée aux Affaires francophones depuis octobre dernier, voit dans ce plan une opportunité de reconstruction. « Une de nos grandes priorités, dit-elle, c’est de rétablir et de renforcer nos liens à l’interne, ainsi que nos liens avec la communauté, surtout du côté francophone; de rebâtir, mais aussi de faire briller ce qu’on a
déjà. »
Cette démarche de renouveau s’appuie sur une collaboration étroite avec StrategyCorp, une entreprise embauchée pour préparer le plan stratégique, et sur la participation active de 2500 membres de la communauté Laurentienne. Le plan stratégique intègre également les recommandations de divers rapports, y compris ceux de la vérificatrice générale de l’Ontario et de l’unité des services en français de l’ombudsman de l’Ontario.
Ernst Gerhardt, professeur de littérature anglaise, estime que le plan stratégique final, qu’il voyait pourtant d’un bon œil, ne reflète pas tout le travail de consultation mené en amont. « Si je devais critiquer le plan stratégique, je dirais qu’il ne reconnaît pas l’histoire récente de la Laurentienne et qu’il n’aborde pas la façon de surmonter les défis que cette histoire présente.» Il s’est d’ailleurs opposé à l’adoption du plan stratégique, comme un tiers des votants au Sénat (soit 9 personnes sur 26).
Les francophones demeurent inquiets
La communauté, intramurale et hors campus, a été échaudée par les événements de février 2021, lorsque la Laurentienne a demandé à être protégée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Deux mois plus tard, près de 200 membres du personnel, dont une centaine issue du corps professoral, toutes langues confondues, perdaient leur emploi. De plus, 69 programmes, dont 28 de premier cycle en langue française, étaient supprimés, « dépassant de loin les attentes les plus pessimistes »
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La communauté demeure aux aguets. Dans le Landscape Report qui a mené au plan stratégique, le français « n’est mentionné que quelques fois », reproche l’éditorialiste sudburois Réjean Grenier dans un éditorial publié dans Le Voyageur le 29 novembre dernier. « Par exemple, on lit qu’il y a plusieurs francophones dans le Nord et à Sudbury. Mais pas grand-chose sur leur rôle à l’université ou le rôle de l’Université face à cette minorité. Quant au bilinguisme, il est mentionné trois fois, dont deux qui affirment que c’est un obstacle au recrutement de professeurs qualifiés. »
Mme Poulin-Lehoux soutient pourtant que la communauté francophone a été engagée dans le processus. « On a vraiment tenté d’être bien représentés dans le plan. Mais il ne faut pas se le cacher, on est une institution bilingue. J’ai compris cette année, en apprenant un peu le côté politique de ma job, qu’il y a des gens qui n’aiment pas le mot bilingue. » Elle souligne aussi que l’Université adopte le langage des bailleurs de fonds en parlant de bilinguisme et que « dans notre environnement à Sudbury, puis dans le nord de l’Ontario, c’est très représentatif. Les jeunes se retrouvent là-dedans. »
Dans les couloirs, M. Gerhardt ressent la crainte que l’offre de programmes et de cours en français reste insuffisante malgré les nouvelles orientations stratégiques. « C’est un enjeu très compliqué.» Il explique que pour obtenir un baccalauréat ès arts, par exemple, il faut réussir des cours dans une autre langue. Avec la suppression de programmes en français, comme ceux d’études françaises ou d’histoire, une des solutions est de se tourner vers les cours de français langue seconde, bien que ce soit un programme en anglais. «C’est très bien d’offrir des cours en français pour aider les étudiantes et les étudiants à apprendre à parler français, mais ce n’est pas la même chose qu’avant.»
Il a toutefois observé des progrès, du moins du côté de la faculté où il enseigne. « Nous développons des solutions à ce problème. Je pense que nous y arrivons. »
À l’appui, la vice-rectrice aux Affaires francophones dresse un bilan positif pour l’année 2023-2024, en ce qui concerne l’offre en français. « On a développé 12 nouveaux cours en sciences libérales, 9 en éducation, 7 en orthophonie, 2 en sciences infirmières, un en sciences naturelles. Puis on a fait plusieurs révisions de programmes, de cours, etc. »
La mise en œuvre
Au lancement de son plan stratégique 2024-2029, l’Université Laurentienne a assuré que la francophonie demeure au cœur de la mission de l’institution.
« Nous sommes un établissement bilingue depuis 64 ans, rappelle la rectrice. C’est un aspect fondamental de notre identité, avec des programmes en français, en anglais, et des programmes bilingues aussi. Maintenant, on doit penser quels programmes on va reconstruire, élargir, enrichir.»
L’établissement doit maintenant établir les plans d’enseignement et de recherche, à travers des consultations, à l’interne et à l’externe. Mme Poulin-Lehoux rencontre ces semaines-ci les 85 enseignantes et enseignants francophones permanents. « Je veux comprendre leur vision des programmes », explique-t-elle.
« Je ne suis pas certaine que nous sommes rendus à un point où on va développer des nouveaux programmes », admet-elle. « On a des cours à développer en français, on a du travail à faire de ce côté-là. » Elle avance d’autres priorités établies dans le plan stratégique : la solidification des programmes, le transfert entre les universités et les collèges, le renforcement des partenariats avec les autres institutions postsecondaires, etc.
Elle promet qu’il y aura des aspects très spécifiques à la francophonie et à l’amélioration des programmes bilingues, ainsi qu’une définition claire de ce qui constitue un programme bilingue et un programme francophone. La rectrice Lynn Wells ajoute que les consultations joueront également un rôle crucial : « Le langage des plans émergera des consultations avec la communauté. Nous élaborerons des plans financièrement et académiquement viables, qui représenteront le meilleur pour nos étudiants et nos communautés. »
Le plan de mise en œuvre du plan stratégique cible la francophonie par le biais de diverses initiatives, telles que la promotion d’expériences bilingues et triculturelles. De plus, une nouvelle image de marque sportive (les Voyageurs) reflétera mieux le caractère de l’établissement.
StrategyCorp contribuera également à l’élaboration des plans d’enseignement et de recherche, notamment en s’appuyant sur les consultations antérieures, explique Mme Poulin-Lehoux. « Ils nous aideront à organiser nos idées, mais ils ne sont pas là pour rédiger le plan. »
« On a plusieurs voix à la table », assure-t-elle.
L’enjeu de la langue se transpose dans les instances décisionnelles. « Le Sénat n’est plus autant francophone qu’il l’était, observe Ernst Gerhardt. Et c’est parce que de nombreux locuteurs francophones ont été coupés par la LAAC. » Du côté du conseil de gouvernance, la représentation s’améliore, rapporte Natalie Poulin-Lehoux. « Je ne pense pas que tous les sièges sont encore comblés au Conseil des gouverneurs. Ce n’est pas parfait, mais ça progresse. Il y a trois ou quatre représentants des peuples autochtones. Nous avons trois francophones, possiblement quatre. »
Quelques dates
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1er février 2021 : demande de protection de la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies (LACC) par l’Université Laurentienne.
12 avril 2021 : annonce des coupes d’emplois et de programmes.
2 mars 2022 : dépôt des analyses de NOUS Group sur la gouvernance et la gestion.
31 mars 2022 : dépôt du rapport de l’Unité des services en français de l’ombudsman de l’Ontario.
Printemps 2022 : dépôt du rapport de vérification du bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario.
1er mai 2023 : nomination de Deloitte comme expert-conseil en transformation opérationnelle.
4 mai 2023 : nomination de StrategyCorp comme consultant en planification stratégique.
27 mars 2024 : lancement du plan stratégique 2024-2029.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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