Des arbres variés pour mieux s’adapter

En ville ou en forêt, l’objectif de Christian Messier reste le même : diversifier la flore pour une meilleure résilience face aux « changements globaux ».

24 août 2022
Man with plants

Tombé très jeune dans « la potion de la forêt », Christian Messier, professeur d’écologie forestière à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et l’Université du Québec en Outaouais (UQO), continue toujours de fortifier sa passion pour les milieux naturels. La pierre angulaire de ses recherches reste toutefois la suivante : la résilience des forêts face aux « changements globaux », une formulation que le chercheur emploie pour englober les dérèglements climatiques et autres aléas naturels et humains, comme la fragmentation des forêts pour le développement immobilier, ce qui a un effet sur la « connectivité » et donc, sur la « résilience » de la nature.

Les travaux de recherche actuels de M. Messier prennent tous racine dans un ouvrage publié en 2009 qu’il a coécrit : A Critique of Silviculture : Managing for Complexity. « La foresterie a toujours été une force qui simplifie les forêts et qui a servi à contrôler nos actions dans ces milieux naturels. Dans ce livre, on affirmait qu’il fallait plutôt complexifier la forêt, car c’est via la complexité qu’un système davantage résilient peut émerger », explique le chercheur. L’ouvrage est rapidement devenu un « best-seller » scientifique, utilisé encore aujourd’hui dans plus de 50 facultés de foresterie partout à travers le monde, ajoute M. Messier.

« On affirmait qu’il fallait plutôt complexifier la forêt, car c’est via la complexité qu’un système davantage résilient peut émerger.» 

Ce livre est l’aboutissement de divers travaux de recherches, qui ont lancé M. Messier dans une sorte de « croisade », pour « convaincre » l’industrie forestière de planter davantage de forêts « diversifiées », dans les milieux naturels comme dans les villes. De ce fait, « on obtient une meilleure production ainsi qu’une meilleure résilience face à la sécheresse, aux maladies et aux insectes », ajoute-t-il d’un ton passionné.

Les recherches de M. Messier résonnent non seulement au Québec, mais aussi à l’international. C’est le cas des « triades », une pratique que M. Messier a développé au Québec après un long séjour de postdoctorat en Finlande. Selon lui, l’idée des « triades » consiste à augmenter les aires protégées et les coupes plus naturelles et écosystémiques, tout en « contrebalançant » la perte de bois de ces coupes en faisant de l’aménagement intensif sur une petite proportion d’un territoire spécifique.

« Ce projet-là a eu beaucoup de succès et a même inspiré une nouvelle loi au Québec en 2013 en ce qui concerne le zonage fonctionnel. Actuellement, il y aussi un réseau international qui se met en place. De plus en plus de chercheur.euse.s s’intéressent à la triade », explique le professeur.

Une fois revenu au Québec, M. Messier a rapidement eu « l’appel » de la forêt tropicale et s’est rendu dans les forêts du Panama. « Aller dans les forêts tropicales pour une personne qui s’intéresse aux forêts et aux arbres, c’est comme tomber dans un magasin de bonbons », affirme le chercheur. Dans ce pays, de nombreux éléments l’ont inspiré, comme l’immense diversité et variété d’espèces, ainsi que les adaptations « extraordinaires » de celles-ci.

« Je me suis questionné à ce moment sur ce qui affectait la croissance des arbres et sur l’importance d’avoir une diversité d’arbre dans la forêt pour le fonctionnement de l’écosystème », mentionne-t-il.

À l’instar de sa communauté de recherche, M. Messier s’est intéressé assez tardivement à la foresterie en milieu urbain. Il y a une quinzaine d’années, c’est l’obtention d’une « grosse subvention » pour chapeauter une nouvelle chaire de recherche de foresterie en milieu urbain et péri-urbain qui l’a poussé dans cette direction. C’est à partir de ce moment qu’il entame ses recherches sur le sujet. « En 15 ans, il y a eu une explosion de l’intérêt pour la foresterie et l’écologie urbaine. Maintenant, il y a plusieurs collègues qui s’intéressent à la foresterie urbaine et je dirais que j’ai probablement contribué un peu à cet engouement-là, car les gens ont vu que c’était possible d’effectuer des recherches intéressantes en ville. »

« En 15 ans, il y a eu une explosion de l’intérêt pour la foresterie et l’écologie urbaine. Maintenant, il y a plusieurs collègues qui s’intéressent à la foresterie urbaine et je dirais que j’ai probablement contribué un peu à cet engouement. » 

Dans le but de remédier à la fragilité des monocultures urbaines, il a collaboré avec un ancien postdoctorant, qui est maintenant son collègue à l’UQAM, pour définir les « traits fonctionnels » de plus de 200 espèces d’arbres que l’on retrouve à Montréal. « Maintenant, chaque fois que l’on plante des arbres dans un parc ou une rue, on les diversifie en sélectionnant certains arbres de ces grands groupes fonctionnels. De cette façon, on s’assure que, peu importe la perturbation future, ce ne seront pas toutes les mêmes espèces qui seront affectées de la même manière », explique M. Messier.

Celui qui travaille aujourd’hui dans les universités montréalaise et gatinoise estime avoir le meilleur des deux mondes. « À l’UQAM, c’est beaucoup la foresterie urbaine tandis qu’à l’UQO, ce sont plus des recherches en forêts naturels. »

Ces va-et-vient entre les deux établissements et à l’international lui ont permis de rencontrer une panoplie d’individus, étudiant.e.s comme chercheur.euse.s, partageant la même passion de la forêt. En plus d’inspirer professionnellement sa communauté scientifique, M. Messier ne laisse pas indifférentes les personnes qui croisent sa route. C’est le cas d’Isabelle Laforest-Lapointe, une ancienne étudiante au doctorat et actuellement professeure adjointe au Département de biologie à l’Université de Sherbrooke. Selon elle, M. Messier est avant tout quelqu’un de « très humain, très chaleureux et très accueillant ».

En plus d’être un scientifique chevronné dans son domaine, le chercheur aurait un « 6e sens » en ce qui concerne la compréhension des systèmes politiques et économiques, ce qui fait de lui un excellent médiateur entre « les utilisateurs de la science » et la « science pure », révèle Mme Laforest-Lapointe.

Une appréciation qui est d’ailleurs réciproque. « Je dis toujours que tout ça a été rendu possible uniquement, car j’ai eu la chance d’avoir des étudiant.e.s extraordinaires dans ma carrière, brillant.e.s avec des idées brillantes qui ont beaucoup réussi », précise M. Messier.

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