La curiosité d’Edward Akuffo à l’origine de nouvelles relations internationales
Auteur du premier livre sur la politique étrangère du Canada en Afrique, M. Akuffo est habité par un vif sentiment d’émerveillement depuis l’enfance.
Un homme dans la rivière tend sa canne à pêche à Edward Akuffo et l’invite à essayer.
En cette journée d’automne 2011, la rivière Vedder – située à Chilliwack, en Colombie-Britannique, à environ 80 kilomètres à l’est de Vancouver – fourmille d’activité. M. Akuffo, récemment arrivé d’Alberta pour devenir professeur adjoint au département de sciences politiques de l’Université de la vallée du Fraser et impatient de s’établir dans la communauté, a accepté l’invitation d’un collègue à découvrir la pêche à la mouche.
Des heures durant, M. Akuffo observe son collègue et discute avec deux moucheurs des environs, leur posant des questions sur leur canne à pêche et sur les techniques pour ferrer et ramener un poisson. L’un des hommes, qui a déjà atteint sa limite de prises quotidiennes, sent un saumon chinook de 20 livres mordre à la ligne.
« Tu veux le ferrer et le ramener à la maison? », propose-t-il à M. Akuffo.
M. Akuffo saisit la canne et, appuyant ses pieds dans le lit rocheux de la rivière, la lève vers le ciel. Il se souvient de la sueur qui ruisselait alors sur son front. Au bout du compte, il a remporté son combat avec le saumon et l’a ramené à la maison pour le souper. Ses enfants l’ont accueilli en héros, raconte Scott Sheffield, professeur au département d’histoire de l’Université de la vallée du Fraser, qui avait invité M. Akuffo à la pêche ce jour-là.
« À sa première journée de pêche, il a affronté un saumon de 20 livres et a réussi à le ramener, raconte M. Sheffield. C’est tout à fait son genre. »
C’était loin d’être la première fois que M. Akuffo, qui dirige aujourd’hui le département de sciences politiques de l’Université, manifestait un intérêt pour la nouveauté.
En 2012, il a écrit le tout premier livre sur la politique étrangère canadienne en Afrique, un projet qui a favorisé l’engagement du Canada en Afrique et l’établissement de relations diplomatiques complètes avec l’Union africaine.
Ce livre est le fruit de la curiosité, un trait de caractère cultivé chez M. Akuffo dès son plus jeune âge.
Élevé à Akropong, au Ghana, l’universitaire a passé beaucoup de temps avec ses grands-parents. Sa mère, infirmière, a dû reprendre le travail un mois après sa naissance, en raison des lois régissant les congés de maternité. C’est donc sous les encouragements et l’œil attentif de son grand-père qu’il a exploré son village.
« Lorsque j’ai une idée en tête, je n’hésite pas à me lancer. »
« Chaque fois que j’essayais quelque chose, il disait [à ma famille] de me laisser faire », raconte M. Akuffo – qu’il s’agisse de chasser les poules, de jouer dans le sable ou de ramasser des bâtons.
Cette mentalité ne l’a pas quitté avec l’âge : il est profondément déterminé à réussir, quels que soient les obstacles, en particulier si la tâche lui est difficile ou inhabituelle. C’est l’une des nombreuses qualités qu’il transmet à ses étudiantes et étudiants, à qui il apprend que le travail acharné et la détermination mènent à des réalisations extraordinaires.
« Lorsque j’ai une idée en tête, je n’hésite pas à me lancer. »
Dans les années 1990, au début de ses études en sciences politiques à l’Université du Ghana, M. Akuffo était fasciné par le travail de l’Agence canadienne de développement international, un organisme qui construisait des écoles, soutenait l’agriculture et creusait des puits d’eau potable, entre autres, dans son pays d’origine. [Note du rédacteur : en 2013, l’Agence a été fusionnée avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.]
« Il ne se passait pas un mois, et je n’exagère pas, ni même une semaine, sans qu’on entende parler de l’Agence canadienne de développement international dans les médias, raconte M. Akuffo. Ça m’a fait réfléchir. Pourquoi le Canada dépense-t-il l’argent de ses contribuables dans des pays lointains comme le Ghana? »
Après avoir obtenu son baccalauréat, M. Akuffo s’est installé au Canada en 2002. Il s’est d’abord inscrit à l’Université Brock pour obtenir une maîtrise en arts, puis à l’Université de l’Alberta pour un doctorat en philosophie et en relations internationales, où il s’est employé à analyser le travail du Canada en Afrique au cours des cinq dernières décennies.
À l’époque, la plupart des travaux universitaires portaient sur les relations du Canada avec l’Afrique du Sud et d’autres régions précises du continent ainsi que sur les missions de paix canadiennes, et dépeignaient une Afrique pauvre et en proie à des conflits, explique-t-il.
Cette constatation a surpris M. Akuffo, qui souhaitait mener des études approfondies sur les liens entre les missions de paix et la politique étrangère du Canada et se servir de la recherche pour expliquer pourquoi l’argent des contribuables était envoyé en Afrique.
« Les universitaires, en particulier dans le domaine des relations internationales, ont la responsabilité d’examiner ces liens; nous ne pouvons plus nous permettre de les ignorer.
« Mon intense curiosité est ce qui m’anime. »
« Le continent africain a bien changé depuis les années 1990 », affirme M. Akuffo, soulignant que la mondialisation encouragera les échanges commerciaux et les investissements entre le Canada et l’Afrique, un continent qui possède 30 % des réserves mondiales de minerais essentiels et où 60 % de la population est âgée de moins de 25 ans. « Désormais, ce n’est plus dans la “contrée lointaine de l’Afrique” que l’argent des contribuables est dépensé. »
Toutefois, même si le Canada a récemment recommencé à s’intéresser de près aux affaires étrangères en Afrique et publié un cadre d’approche provisoire de 45 pages pour les partenariats avec ce continent, le pays n’a pas de stratégie officielle à cet égard.
Selon M. Sheffield, les travaux de recherche universitaires dans le domaine font encore cruellement défaut; les études se sont toujours concentrées sur le maintien de la paix ou l’aide étrangère en Afrique. Il souligne que le travail de M. Akuffo, qui examine l’intervention canadienne en Afrique à la lumière des politiques historiques canadiennes en matière de développement et de sécurité, ajoute une approche nuancée et multidimensionnelle aux relations canado-africaines.
« C’est en grande partie pour cette raison que le travail d’Edward est si important : il comble un vide », déclare M. Sheffield, qui débat fréquemment des affaires mondiales avec son ami et collègue.
Ce sentiment est également partagé par Colter Louwerse, un ancien étudiant de M. Akuffo.
« Apporter quelque chose de nouveau à son domaine, c’est un défi pour beaucoup d’universitaires, explique M. Louwerse. Il a vraiment réussi à se tailler une place et à devenir le spécialiste du sujet. »
M. Akuffo, qui a remporté le prix d’excellence en recherche de l’Université de la vallée du Fraser en 2023 et a récemment collaboré avec l’ambassade d’Allemagne à Ottawa pour bâtir une stratégie africaine, n’hésite pas à attribuer cette réussite à ses collègues.
« Je ne peux pas me targuer d’avoir réussi dans le domaine, seulement d’avoir établi des relations, des amitiés et une collégialité avec les personnes qui font partie intégrante de mon travail », affirme-t-il.
Son prochain projet étudiera les liens entre les activités maritimes du Canada en Afrique et le maintien de la paix. M. Akuffo se penche également sur la coopération en matière de sécurité entre le continent et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.
Quelle que soit la direction que prendront ses travaux, il est convaincu que les activités de recherche aident les gens à comprendre la société et à développer de nouvelles idées. Il y a quelques années, sur la rivière Vedder, il n’a peut-être pas inventé une nouvelle façon d’attraper un poisson, mais les heures passées à observer la passion d’un autre homme lui ont permis d’apprendre quelque chose de nouveau.
« Je suis curieux, dit M. Akuffo. Mon intense curiosité est ce qui m’anime. »
Laisser un commentaire
Affaires universitaires fait la modération de tous les commentaires en appliquant les principes suivants. Lorsqu’ils sont approuvés, les commentaires sont généralement publiés dans un délai d’un jour ouvrable. Les commentaires particulièrement instructifs pourraient être publiés également dans une édition papier ou ailleurs.