Rehausser l’image des universités canadiennes dans l’opinion publique : un coup de fouet s’impose
Comment les universités peuvent-elles se faire entendre?
C’est l’heure d’entrer dans les coulisses d’un chroniqueur des ligues majeures.
Il y a quelques mois, j’ai rédigé ma première chronique pour Affaires universitaires, qui portait sur « le fossé croissant entre les universités et la société ». Un papier plutôt morose. J’y soulevais notamment que les personnalités politiques d’il y a 20 ans prenaient volontiers la pose aux côtés des cadres universitaires, qui symbolisaient l’avenir. Ce n’est vraiment plus le cas aujourd’hui, parce que les universités donnent confusément l’impression d’être une source d’ennuis. Pas aux yeux de tout le monde, mais pour assez de gens. Les politiciennes et politiciens sont, presque par définition, un indicateur tardif de la société dans son ensemble; je pense que cette dégradation de leur capital social peut être préoccupante pour les universités.
Après avoir reçu ma chronique, mon rédacteur en chef m’a demandé si j’avais des pistes de solutions pour résoudre le problème que je décrivais. J’ai répondu que j’étais plutôt enclin à conclure la chronique sur une note négative. C’est donc ce que nous avons fait. Laissez-moi vous confier un secret : en fait, je n’étais pas certain d’arriver à trouver une solution.
Je ne le suis toujours pas. Mais, nous pouvons commencer à y réfléchir ensemble. Rehausser l’image des universités canadiennes dans l’opinion publique n’est pas l’affaire d’une seule conversation. Pour un certain temps, il s’agira du fil conducteur de bon nombre de mes chroniques.
Ce n’est pas comme si les relations se réchauffaient. Le Canada vient de vivre trois campagnes électorales provinciales, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan. Comme l’a fait remarquer Alex Usher, de Higher Education Strategy Associates, dans toutes les provinces, presque aucun parti politique n’a promis d’élargir ou d’améliorer l’éducation postsecondaire. Ni le NPD en Saskatchewan ni le Parti conservateur de la Colombie-Britannique n’ont fait la moindre promesse concernant les universités. Certains partis se sont concentrés sur la réduction du coût global des études universitaires pour la population étudiante. De son côté, le Parti saskatchewanais souhaitait offrir de l’argent aux personnes diplômées pour qu’elles restent dans la province. Ces politiques traduisent une certaine compréhension de la valeur des études postsecondaires, mais elles sont plutôt… binaires. Êtes-vous, ma chère dame ou mon cher monsieur, en possession d’une éducation postsecondaire? Alors on vous récompensera, soit avant la réception dudit enseignement supérieur, pour en faciliter l’obtention, soit après, pour vous inciter à rester dans les parages. Est-il possible d’améliorer l’enseignement supérieur? Apparemment, aux yeux de plusieurs partis dans trois provinces différentes, pas plus que pour tout autre marqueur binaire, comme un billet d’autobus ou un bracelet.
Peut-être le portrait de la situation plaira-t-il à certaines personnes qui liront ces lignes. Après tout, il y a pire que l’indifférence anodine. Cela me rappelle que dans les discussions sur les relations entre le Canada et les États-Unis, il y a toujours quelqu’un pour dire que ce n’est jamais bon signe quand notre voisin pense à nous. Dans la même veine, il vaut peut-être mieux que les gouvernements évitent de régler les problèmes des universités. Le hic, c’est que l’indifférence reste rarement anodine bien longtemps. J’ai trouvé inquiétant que le Parti saskatchewanais ait réussi à faire de la place dans son programme pour se féliciter de tout l’argent qu’il a dépensé pour les subventions de fonctionnement des universités depuis son arrivée au pouvoir en 2007. C’est le genre de choses que l’on fait pour faire croire que ces dépenses étaient optionnelles. Une fois que l’idée a fait son chemin, combien de temps avant qu’il soit décidé de ne pas dépenser cet argent?
Donc, dans l’ensemble, je crois que les universités sont davantage en sécurité lorsqu’elles se trouvent dans le champ de vision des personnalités politiques et que cette visibilité est agréable au moins à l’occasion.
Comment les universités peuvent-elles se faire entendre? Dans un premier temps, elles doivent rappeler qu’une part importante de leur mandat est d’inculquer des connaissances techniques complexes impossibles à acquérir ailleurs, sans y attacher un lourd bagage idéologique. Des concepts comme le calcul, la masse molaire, l’emplacement du pancréas et la jurisprudence en matière de fouilles et de perquisitions. Bien entendu, lorsque les universités font parler d’elles, c’est souvent à propos de manifestations interminables sur les campus ou d’opinions en matière de sciences sociales qui, d’un regard extérieur, ne semblent jamais bien logiques. Les universités devraient envoyer un message fort : elles ne peuvent être réduites à ces débats caricaturaux et faciles.
En dépit de leurs faiblesses, les universités continuent de former des ingénieures et ingénieurs, des médecins, des chimistes, des physiciennes et physiciens et des géographes. Il s’agit d’une évidence si flagrante que bon nombre de lectrices et lecteurs trouveront étrange que je la souligne. Mais, relisez le paragraphe sur les partis de trois provinces qui étaient incapables de trouver un bon mot à dire sur les universités, alors que leurs chefs luttaient pour leur survie politique. Manifestement, certaines de ces choses méritent d’être soulignées. Dans la mesure du possible, envoyez votre population étudiante et votre corps professoral dans la collectivité pour contribuer à résoudre les problèmes locaux. Invitez les leaders communautaires sur le campus, non pas pour donner dans le prosélytisme, mais simplement pour inscrire votre établissement sur la carte mentale des personnalités politiques locales. C’est la moindre des choses pour éviter de donner une impression de communauté emmurée et pratiquant des rituels mystérieux.
J’ai également entendu de mon lectorat qu’il serait peut-être temps de revoir la prédominance de la recherche dans la définition des priorités budgétaires et de l’avancement professionnel. Il n’est guère difficile de comprendre pourquoi la recherche a pris une telle importance depuis les années 1990. Pendant près de deux décennies, une succession de gouvernements fédéraux ont vu le financement de la recherche comme leur principale contribution à la santé des universités canadiennes. Durant la majeure partie de cette période, les subventions fédérales à la recherche représentaient donc l’une des rares sources croissantes de revenus des universités.
Quand quelque chose fonctionne bien, autant en profiter davantage. Ainsi, le principal message émanant des universités, en particulier des plus grandes du pays, était le suivant : la recherche est le moteur de l’innovation, qui crée les emplois de demain. Et, bien souvent, c’est vrai. Or, les gouvernements se méfient de plus en plus de l’augmentation constante des dépenses liées à la recherche, en particulier lorsque ces sommes sont allouées à des organismes subventionnaires qui attribuent des fonds en se fondant sur l’évaluation par les pairs. Ils préfèrent allouer l’argent selon ce qui permet au parti au pouvoir de faire bonne figure. Cette considération est loin d’être irrationnelle! Toutefois, elle est peu compatible avec les préoccupations des évaluations par les pairs. Par conséquent, les subventions de recherche ont commencé à plafonner.
Pendant ce temps, certains établissements ont accordé moins d’attention aux autres rôles d’une bonne université, à savoir l’enseignement et le renforcement communautaire. Maintenant que la recherche n’est plus une valeur sûre pour attirer l’attention des pouvoirs publics, il est peut-être temps de réfléchir de manière plus globale à tout ce qu’une université peut faire pour ses membres, sa collectivité locale et le monde du savoir. Chaque établissement parviendra à ses propres conclusions quant à la manière de soupeser ces questions. Cela dit, je crois qu’il pourrait être bon que votre communauté soit informée de cette réflexion.
Je sais, je sais : tenir le public au courant de ses conversations va à l’encontre des habitudes de toutes les grandes organisations d’aujourd’hui. Je travaille à Ottawa, où tous les partis politiques et la plupart des ministères sont tenus à un silence stratégique, n’envoyant que des bribes de « messages » soigneusement élaborés qui visent généralement à éviter toute conversation. En fait, l’un des thèmes de mon journalisme politique est que ce « contrôle du message » érode le gouvernement, parce que celui-ci, obsédé par son message, ne sait plus écouter, et parce que les communications internes deviennent rapidement des slogans vides de sens. À mon avis, nos problèmes de gouvernance relèvent, en grande partie, de la communication.
C’est pourquoi j’estime que l’une des mesures que les universités peuvent prendre pour retrouver leur pertinence sociale est de se mêler activement aux débats sur les politiques publiques et la gouvernance.
Je soupçonne qu’il s’agit là d’une solution contre-intuitive. Lorsque la politique devient farfelue, les gens sont tentés de s’en détourner. Pourtant, ces derniers temps, je penche pour la conclusion contraire. Les gouvernements ne s’acquittent plus de leurs fonctions de base, à savoir assurer le suivi des résultats des différentes politiques, produire de nouvelles idées de politique et rencontrer des collègues de l’autre côté des frontières ministérielles, administratives et partisanes.
Les universités pourraient combler ce vide. L’analyse et la création de politiques, ainsi que les débats sur celles-ci, pourraient devenir une part plus importante des activités des départements de sciences politiques et de leurs établissements. Cela permettrait de passer d’une position d’antagonisme systématique à une approche de participation. On livrerait le message que ces débats valent la peine d’être tenus, que les universités jouissent d’une liberté qui échappe parfois aux spécialistes et que les gouvernements et la population peuvent tirer profit de cette latitude pour jouer leur rôle respectif.
Les universités sont devenues des cibles faciles pour l’indifférence, voire pire, parce qu’elles commencent à paraître coupées des préoccupations des collectivités qui les entourent. La solution est donc de les rapprocher. Elles doivent revenir à la table de discussion pour contribuer à améliorer la société.
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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