Après leur victoire, les libéraux face aux attentes du milieu universitaire

La réélection du Parti libéral suscite l’espoir d’un meilleur soutien à la science, à la recherche et à l’enseignement supérieur. Mais le milieu universitaire attend des gestes concrets.

29 avril 2025
Le premier ministre canadien Mark Carney prend la parole sur scène au quartier général de sa campagne après la victoire du Parti libéral aux élections canadiennes, à Ottawa, le mardi 29 avril 2025. Photo de : La Presse canadienne/Justin Tang

Au lendemain de la victoire électorale des libéraux, le monde universitaire se montre prudent. Si les promesses de campagne ont été nombreuses, la communauté scientifique et académique attend désormais des gestes forts pour soutenir la recherche, l’enseignement supérieur et la science, dans un contexte marqué par la pression budgétaire et une crise de financement.

Pour Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes et professeur au Département de science politique de l’Université McGill, la réélection libérale promet avant tout une certaine continuité.

« Une victoire libérale veut dire un statu quo. Je ne m’attends pas à des changements énormes dans les politiques du gouvernement fédéral qui affectent les universités », explique-t-il. Il rappelle néanmoins plusieurs engagements importants, dont l’ajout de deux milliards de dollars pour la construction de logements étudiants et la création d’un fonds de soutien aux chercheuses et chercheurs touchés par la perte de financements américains.


LIRE AUSSI : Les universités face à une période politique charnière


Selon lui, un changement de gouvernement aurait pu entraîner des conséquences plus marquées: « Les conservateurs avaient formulé des promesses parfois vagues, mais avaient aussi parlé de mettre un terme à “l’idéologie woke” dans les universités — cela aurait pu entraîner des changements assez radicaux. »

Défendre la science, en français aussi

Martin Maltais, professeur en financement et politiques d’éducation, y voit pour sa part une occasion de relancer un véritable projet de défense de la science. « C’est clair que si on parle de défendre la science, c’est la meilleure option qui se présente actuellement. Il y a présentement des enjeux concernant la recherche scientifique comme on n’en a jamais vu », affirme-t-il.

Mais le nouveau gouvernement devra aller au-delà des promesses: celui qui est également président de l’Acfas insiste sur la nécessité de soutenir la recherche en français partout au pays, de diversifier les échanges scientifiques au-delà de l’axe États-Unis/Canada, et de mieux intégrer la langue française dans les stratégies scientifiques internationales. « Il y a une opportunité à saisir », insiste-t-il.

M. Maltais souligne aussi un enjeu peu discuté : le rôle des universités dans l’effort de défense du pays: « Si on veut atteindre l’objectif de 2 % du PIB pour la défense, il faudra investir massivement dans les collèges militaires et prévoir une hausse de la formation universitaire dans ce secteur. Environ 30 % des officiers proviennent des universités civiles. » Une priorité qui s’inscrit dans une réflexion plus large sur le rôle que le milieu universitaire doit jouer dans les grandes orientations stratégiques du pays.

Un regard étudiant encore en attente

Étienne Paré, président de l’Union étudiante du Québec, salue l’évitement d’un scénario de confrontation en matière de liberté académique, mais reste sur sa faim quant aux engagements en enseignement supérieur.

« Après ça, Mark Carney nous propose quoi ? On n’est pas certain du plan ».  Il rappelle que, sous Justin Trudeau, des investissements substantiels avaient été faits, notamment en recherche étudiante et en bourses. « Est-ce que ça va se maintenir? Est-ce qu’on est prêt à aller plus loin du côté du gouvernement Carney? On a encore beaucoup de questions sans réponse. »

M. Paré note par ailleurs une évolution dans l’engagement politique des jeunes : « On a vu une bonne participation étudiante, des retours positifs des associations sur le terrain. Mais on remarque que la voix des jeunes est de moins en moins unie. À une certaine époque, les partis progressistes avaient la cote chez les étudiants. Pourtant, les derniers sondages montrent un certain glissement vers la droite. »

Selon lui, le Canada a l’occasion de renforcer son écosystème de recherche en attirant des talents étrangers épris de liberté académique, un enjeu stratégique alors que d’autres pays occidentaux resserrent l’espace scientifique.

Une lentille francophone essentielle pour la recherche

Pour Linda Cardinal, vice-rectrice adjointe à la recherche et professeure à l’Université de l’Ontario français, le nouveau gouvernement devra réaffirmer son engagement envers la recherche en français.  « J’espère que le ministère des Langues officielles va revenir, ou du moins que l’expression ‘langues officielles’ réapparaisse dans un des ministères. Sur le plan symbolique, c’est très important. Et on espère aussi qu’il y aura du financement pour la recherche en français et en études supérieures. Il faut que le gouvernement fédéral se donne une lentille francophone en matière de recherche, pour le contexte minoritaire et même pour le Québec. »

Pour elle, cantonner la question linguistique à Patrimoine canadien serait une erreur : « La langue est aussi un enjeu stratégique de savoir, pas seulement d’identité. »

This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.