Les universités canadiennes font bonne figure dans un classement axé sur le développement durable

Toutefois, il en va de celui-ci comme des autres classements relatifs aux universités : que révèle-t-il vraiment?

29 avril 2019
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Chaque automne, le magazine britannique Times Higher Education (THE) publie son classement mondial des universités (en anglais) (World University Rankings), qui porte sur plus de 1 000 établissements. Bon an mal an, une poignée d’universités canadiennes figurent parmi les 100 premières, mais aucune ne se hisse parmi les 10 en tête. L’an dernier, la mieux classée, à savoir l’Université de Toronto, se situait au 21e rang.

Par contre, les universités canadiennes font étonnamment bonne figure dans le classement relatif aux retombées des universités (en anglais) (University Impact Rankings) du magazine, publié pour la première fois en avril dernier et fondé sur la contribution des universités à la poursuite de 11 des 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies (en anglais). Trois universités canadiennes figurent parmi les 10 premières de ce nouveau classement – l’Université McMaster (2e), l’Université de la Colombie-Britannique (3e) et l’Université de Montréal (7e). Des 10 universités canadiennes présentes dans ce classement qui en compte plus de 450, la plupart figurent parmi les 100 premières, et la totalité dans la première moitié du classement.

« Les universités canadiennes sont vraiment devenues des chefs de file en matière de développement durable. La qualité de leurs données en témoigne, affirme Duncan Ross, directeur, Données et analyses du magazine THE. On constate qu’elles se soucient depuis longtemps de leurs retombées sociales. »

Le classement sur les retombées des universités publié par THE constitue une réponse partielle aux critiques de longue date visant son classement phare, accusé de mettre trop l’accent sur la productivité en matière de recherche et sur la réputation des établissements sans tenir compte d’autres facteurs, comme la qualité de l’enseignement ou les retombées sociales. Nombre d’observateurs ont réagi à ce nouveau classement de manière positive, mais prudente.

Doctorant en enseignement supérieur à l’Ontario Institute for Studies in Education de l’Université de Toronto, Edmund Adam s’intéresse avant tout à l’influence des classements sur les politiques des établissements. Tout en espérant que le nouveau classement établi par THE témoigne d’un élargissement de sa perception de l’excellence des établissements, il demeure perplexe. « Ce classement s’inscrit dans la mission première du magazine – les services-conseils. Il lui permet d’élargir sa clientèle », affirme M. Duncan.

Comme M. Adam, le président du Higher Education Policy Institute du Royaume-Uni, Bahram Bekhradnia, estime que le classement sur les retombées des universités est une nouveauté bienvenue, mais s’interroge sur la méthodologie retenue. « Ce classement dépend des données fournies par les universités elles-mêmes. Or, classement mondial oblige, toutes n’utilisent pas les mêmes définitions, et la qualité de leurs données n’est pas uniforme. »

M. Bekhradnia évoque à titre d’exemple l’ODD 10, « Inégalités réduites ». La note obtenue dépend entre autres de l’engagement de l’établissement à recruter du personnel et des étudiants issus de groupes sous-représentés. « Dans certains pays, affirme M. Bekhradnia, la collecte de données sur le personnel handicapé est obligatoire. Dans d’autres, elle n’est que ponctuelle. Et la définition de “handicap” varie d’un pays à l’autre. »

M. Bekhradnia précise de plus que chaque université ne figure au classement que pour les trois ODD liés à ceux pour lesquels elle affiche la meilleure note en plus de l’ODD 17 « Partenariats mondiaux pour la réalisation des objectifs » qui est obligatoire pour tous. Aucune comparaison pleine et entière n’est donc possible. Les universités sont classées en fonction de leur engagement au profit de la durabilité dans son ensemble, et non d’objectifs comparables. Par exemple, si les classements de l’Université McMaster (2e) et de l’Université de la Colombie-Britannique (3e) sont tous deux basés sur leurs trois meilleures notes, celles de la première sont liées dans l’ordre aux ODD 2 « Bonne santé et bien-être », 8 « Travail décent et croissance économique » et 11 « Villes et communautés durables », alors que celles de la seconde sont d’abord liées à l’ODD 11, mais ensuite aux ODD 9 « Industrie, innovation et infrastructure » et 13 « Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques ».

M. Ross se félicite toutefois du fait que les retombées sociales soient évaluées en fonction des besoins locaux plutôt que de critères établis par un magazine britannique situé à Londres. « La démarche retenue vise en partie à établir un classement qui ne soit pas systématiquement dominé par les universités occidentales. »

Il est vrai que les résultats du classement sur les retombées des universités n’ont rien à voir avec ceux du classement phare établi par THE. Bien que les 10 premières places du premier soient presque toutes occupées par des universités européennes ou nord-américaines, on ne compte parmi celles-ci ni université de l’Ivy League ni université chinoise de la comparable Ligue C9, et très peu d’établissements de la Ligue européenne des universités de recherche figurent dans ce peloton de tête. En réalité, la plupart de ces établissements n’ont pas souhaité prendre part à l’exercice – ce qui permet à certains d’y voir l’explication du bon classement des établissements arrivés en tête.

Le président du cabinet torontois Higher Education Strategy Associates, Alex Usher, a ainsi écrit sur son blogue (en anglais), le jour même de la parution du classement, que les résultats du nouveau classement présentent bel et bien un nouveau groupe d’universités bien cotées, mais que c’est en partie en raison du refus des universités habituées au peloton de tête de se prêter à l’exercice.

Pour M. Ross, la non-participation de nombreuses universités tient plutôt à un échéancier de collecte des données serré, et à un « désir de voir les conséquences de leur non-participation ». Il prévoit une participation accrue l’année prochaine, où tous les ODD de l’ONU seront pris en compte.

Recteur de l’Université McMaster, classée deuxième, Patrick Deane estime que même si ce classement n’est pas infaillible, la collecte des données exigées a été très utile. « Ça nous a permis de procéder à une auto-analyse grâce à laquelle nous avons pu faire le point sur le travail accompli, nos réussites et les points à améliorer. […] Toute université a beaucoup à apprendre de son classement. Elle doit simplement l’interpréter avec circonspection et l’exploiter avec prudence. »

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