Les universités tâchent d’accroître les séjours d’études en Chine

Un consortium d’universités s’associe à Beijing pour éliminer les obstacles pour les étudiants canadiens.

29 janvier 2018
China City

Aux yeux de min ji (Esther) Kim, étudiante au premier cycle à l’Université d’Ottawa, un séjour d’études en Chine semblait le moyen idéal de parfaire son éducation. « La Chine est un pays émergent qui a une incidence sur les relations internationales actuelles et la mondialisation, explique-t-elle. J’étudie en sciences sociales et j’ai pensé que ce serait une belle occasion d’expérimenter directement la culture et les valeurs [chinoises] plutôt que de m’en tenir à ce qu’on nous apprend au Canada. »

C’est ainsi qu’en avril 2016, Mme Kim, qui fait une majeure en développement international et mondialisation ainsi qu’une mineure en études asiatiques, a pris le chemin d’une des plus vieilles universités de la Chine, l’Université de Nankin. Elle y a suivi des cours liés à ses études, entre autres sur la politique étrangère chinoise et le mandarin. Parallèlement, elle a pu découvrir la région et ses habitants grâce aux gens enthousiastes de l’endroit. Complètement sous le charme, Mme Kim ne voulait plus rentrer : « J’ai tant aimé mon expérience que je l’ai prolongée d’un trimestre ».

Le séjour de Mme Kim a été rendu possible grâce au nouveau programme Canada Liaisons internationales Chine (CLIC). Elle a ainsi été une des premières à obtenir un financement couvrant ses frais de scolarité et lui permettant de participer aux sorties et aux activités scolaires. « J’ai vraiment pu m’immerger dans la culture », précise-t-elle.

Créé en février 2016 et regroupant neuf universités du groupe canadien U15, le programme CLIC est un consortium qui organise des séjours d’études en Chine pour les Canadiens, en collaboration avec le ministère chinois de l’Éducation. C’est d’ailleurs lorsque ce dernier a demandé, en 2015, l’aide de l’Université de l’Alberta pour attirer davantage d’étudiants canadiens en Chine que l’initiative, actuellement dirigée par l’établissement albertain, a vu le jour. « En Chine, nous avons l’excellente réputation d’être un chef de file des relations universitaires Chine-Canada », explique Cen Huang, directrice générale du recrutement et des relations internationales, et vice-rectrice adjointe aux relations internationales de l’Université de l’Alberta.

Occasions ratées

Même si les étudiants chinois sont nombreux à s’inscrire dans les universités canadiennes (ils étaient 58 509 en 2015-2016 selon Statistique Canada), la réciproque ne s’applique qu’à un petit nombre de Canadiens chaque année (moins de 4 000 selon l’ambassade du Canada à Beijing). « Nous en déduisons que les étudiants canadiens ratent des occasions d’élargir leur vision du monde et de tisser des liens avec une puissance mondiale », soutient Mme Huang. L’initiative CLIC compte réduire cet écart en éliminant certains obstacles pour les étudiants, comme les frais de déplacement et de scolarité, le transfert des crédits et la barrière de la langue. « Le programme CLIC fonctionne parce que nous éliminons certaines des difficultés habituelles », souligne-t-elle.

Le consortium travaille avec le ministère chinois de l’Éducation ainsi qu’avec un nombre de plus en plus important d’universités chinoises pour offrir des cours conformes aux normes canadiennes, en anglais ou en français, afin que les crédits associés soient acceptés par l’établissement d’origine des étudiants. La plupart des membres du programme CLIC versent une contribution annuelle de 50 000 $ à l’organisation pour couvrir les coûts administratifs. Quant au gouvernement chinois, il annule les frais de scolarité et offre aux étudiants une allocation d’environ 600 $ CAN pour subvenir à leurs besoins.

Selon Cindy McIntyre, directrice adjointe des relations internationales d’Universités Canada, le programme CLIC s’inscrit dans les nombreux efforts déployés ces dernières années pour renforcer la collaboration universitaire entre la Chine et le Canada. « Le programme CLIC est unique, car il s’agit d’un consortium qui travaille avec plusieurs universités chinoises et a le potentiel d’être offert à l’échelle nationale, dit-elle. Il n’en est qu’à ses débuts, mais nous aimerions en élargir la portée pour inclure davantage d’établissements canadiens et permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’en profiter. Je crois que ce modèle est très efficace. »

Mme McIntyre est toutefois d’avis qu’un encadrement national et un investissement important de la part du gouvernement fédéral seront nécessaires pour accroître la mobilité étudiante vers la Chine. Elle rappelle les réussites d’autres pays, comme les États-Unis et l’Australie, qui ont mis au point des programmes ciblés pour augmenter considérablement leurs effectifs d’étudiants à l’étranger ces dernières années. Selon elle, « l’encadrement et le soutien financier du fédéral sont la clé ».

En décembre, le Canada et la Chine ont signé, en Chine, un protocole d’entente appuyant le programme CLIC et assurant son expansion continue. Le premier ministre Trudeau s’est aussi engagé à offrir un soutien de 4,1 millions de dollars sur cinq ans aux étudiants canadiens en Chine (soit 2,5 millions de dollars pour les échanges universitaires Canada-Chine et 1,6 million de dollars pour permettre aux étudiants au premier cycle et à la maîtrise de faire des stages à l’ambassade et aux consulats canadiens en Chine). Mme Huang se réjouit de ces annonces qui reconnaissent les efforts du programme CLIC et la valeur des études à l’étranger.

Selon David Mulroney, ancien ambassadeur du Canada en Chine, les séjours d’études en Chine ne sont pas qu’un moyen de parfaire son éducation : ils servent aussi nos intérêts nationaux. « La Chine joue un rôle de plus en plus important dans l’avenir du Canada », souligne M. Mulroney, chercheur émérite à la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto, et recteur et vice-chancelier du St. Michael’s College. Les Canadiens qui séjournent en Chine ont une occasion incomparable d’étudier ce pays vaste et complexe. « Nous ne pouvons pas penser nous en sortir en ne connaissant que superficiellement un pays aussi important. Nous devons en acquérir une compréhension profonde et élargie », ajoute-t-il.

Pour les universités canadiennes, intégrer le milieu universitaire dans cet État communiste ne sera pas une mince affaire. « Les établissements canadiens négocient avec des partenaires chinois qui ont des comptes à rendre, parfois à des intervenants invisibles », explique M. Mulroney. Il prévient les établissements d’éducation postsecondaire canadiens de prendre leur temps et de faire preuve de prudence lorsqu’ils tissent des liens avec la Chine : « Créez un sentiment de confiance, informez-vous et expérimentez de façon à ce qu’un échec ne soit désastreux pour aucun des établissements. Et si vous réussissez à collaborer, continuez dans la même voie. »

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