Santé mentale : Les 500 M$ sur cinq ans du Budget 2024 répondent-il aux défis des jeunes?

Cette allocation a pour but de faciliter l'accès aux soins et soutenir les initiatives de santé mentale, alors que les expert.e.s appellent à une coordination accrue entre les niveaux fédéral et provincial pour optimiser les investissements.

01 mai 2024

Dans son Budget 2024, le gouvernement fédéral reconnaît les défis auxquels est confrontée la jeunesse canadienne en matière de santé mentale. Une réalité qui peut être d’autant plus difficile à surmonter pour celles et ceux qui sont encore en période d’études ou qui amorcent leur carrière puisque leur difficulté d’accéder à des soins privés de santé mentale est exacerbée par le coût de la vie élevé. Toutefois, le gouvernement dit vouloir garantir que les générations futures puissent bénéficier des mesures de soutien nécessaires pour assurer leur bien-être mental tout au long de leur parcours vers l’âge adulte.

Dans cette optique, le texte prévoit l’allocation de 500 millions de dollars sur cinq ans, débutant en 2024-2025, pour la création d’un nouveau Fonds pour la santé mentale des jeunes. Ce Fonds est spécifiquement conçu pour faciliter l’accès des jeunes aux services de santé mentale et vise à étendre l’offre de soins aux jeunes canadien.ne.s, tout en les dotant des outils nécessaires pour les orienter vers d’autres services de santé mentale au sein de leurs réseaux et partenariats.

Une nouvelle qui est très bien accueillie par Julie Lane, professeure agrégée à l’Université de Sherbrooke et directrice du Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale, qui estime que cette annonce témoigne de la prise de conscience croissante des gouvernements à ce sujet. « Même au Québec, de nombreux fonds ont été alloués à la santé mentale, que ce soit à travers le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026 ou le Plan d’action sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur 2021-2026 », explique-t-elle. La professeure insiste sur le fait que parmi la jeune population dans la globalité, les étudiant.e.s universitaires sont plus vulnérables devant les problèmes liés à la santé mentale, notamment en raison du culte de la performance : « Les programmes universitaires, comme ceux liés à la médecine par exemple, sont souvent associés à une forte culture de la performance. J’ai étudié les cas de décès par suicide survenus dans nos universités ces dernières années et j’ai constaté que la pression universitaire jouait un rôle important. »

Même son de cloche du côté de Nafissa Ismail, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche de l’Université sur le stress et la santé mentale, qui estime que le budget a identifié les défis auxquels fait face la population canadienne. « Il est clair que notre premier ministre et le gouvernement fédéral en général tentent de répondre à ces problèmes, même s’ils ne relèvent pas nécessairement de la politique fédérale, mais plutôt de la politique provinciale, souligne-t-elle. La réalité est que notre société a beaucoup changé depuis la pandémie et nous avons besoin de créativité pour aider les Canadiens, et je vois cette créativité dans le nouveau budget proposé. »

Mme Ismail avance deux facteurs importants pour expliquer que la santé mentale des étudiant.e.s et des jeunes se soit taillée une place parmi les priorités gouvernementales : la pandémie et les conclusions de récents travaux de recherche. « La pandémie nous a montré qu’elle a eu un énorme impact sur notre jeunesse, nos adolescents, qui ont vraiment souffert de l’enseignement en ligne, de la privation sociale et de temps avec leurs pairs. » La recherche est ensuite entrée en ligne de compte en démontrant que « ce que nous pensions être une maladie commençant à l’âge adulte est en réalité incorrect ». Elle précise que « 50 % des cas que nous diagnostiquons à l’âge adulte ont en réalité commencé tôt dans l’adolescence, mais passent inaperçus en raison de tous les changements hormonaux que les gens traversent ». D’ailleurs, lorsque l’intervention ne se fait pas tôt et qu’on attend jusqu’à l’âge adulte, « il faut beaucoup, beaucoup plus de temps pour traiter la maladie », ajoute-t-elle.

Pour Mme Ismail, ce nouveau Fonds doit justement être orienté vers l’accessibilité des soins en santé mentale. « Les patients atteints de maladies mentales doivent attendre des semaines et des mois avant de pouvoir consulter quelqu’un et avoir accès à des services. Ce genre d’attente détériore vraiment davantage l’état de santé des personnes vulnérables et fragiles. Quand ils ont besoin de soutien en santé mentale, ils en ont besoin immédiatement. »

Également codirectrice de l’Observatoire sur la santé mentale en enseignement supérieur, Mme Lane appelle quant à elle à une meilleure coordination des affaires au niveau provincial et fédéral pour une bonne optimisation de cet argent. « Idéalement, les ministères, tant au niveau fédéral que provincial, gagneraient à collaborer davantage et à mettre en place des lieux de concertation lorsqu’ils financent des organismes communautaires. Ils devraient être obligés de travailler ensemble pour éviter de reproduire des initiatives déjà existantes. Il est essentiel d’éviter la duplication des efforts. » Elle regrette que ces derniers mois, de nombreux investissements ont été faits dans les écoles, les communautés, les cégeps et les universités par divers ministères au Québec, mais sans réelle concertation, ce qui a conduit à des redondances.

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